Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/510

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blanchâtre ou d’un jaune pâle ; mais elle devient brune, lorsqu’elle est exposée long-tems au soleil, ou qu’elle est trop séchée. La seconde larme que l’on recueille, n’a pas tant d’efficace, & elle n’est pas si chere. Sa couleur est le plus souvent obscure, ou d’un goût noirâtre. Il y en a qui font une troisieme opération, par laquelle on retire une larme très-noire & de peu de vertu.

Après que l’on a recueilli l’opium, on en fait une préparation, en l’humectant avec un peu d’eau ou de miel, en le remuant continuellement & fortement avec une espece de spatule dans une assiette de bois plate, jusqu’à ce qu’il ait acquis la consistance, la viscosité, & l’éclat de la poix bien préparée ; ensuite on le remanie dans la main ; & enfin on en fait de petits cylindres ronds que l’on met en vente : Lorsque les marchands n’en veulent que de petits morceaux, on les coupe avec des ciseaux.

L’opium ainsi préparé s’appelle chez les Perses theriaack-malideh, c’est-à-dire, thériaque préparée par le broyement, ou bien theriaack affinum, c’est-à-dire, thériaque opiée, pour la distinguer de la thériaque d’Andromaque, qu’ils nomment theriaack-farnuk ; car ces peuples regardent l’opium comme le remede vanté par les Poëtes, qui donne la tranquillité, la joie & la sérénité.

Cette maniere de préparer l’opium, est le travail perpétuel des revendeurs qui sont dans les carrefours, & qui exercent fortement leurs bras à ce travail. Ce n’est pas là cependant la seule façon de préparer ce suc : très-souvent on broie l’opium, non pas avec de l’eau, mais avec une si grande quantité de miel, que non-seulement il l’empêche de se sécher, mais encore il tempere son amertume.

La préparation la plus remarquable est celle qui se fait, en mêlant exactement avec l’opium, la noix muscade, le cardamome, la canelle, & le macis réduits en poudre très-fine. On croit que cette préparation est très-utile pour le cœur & le cerveau : elle s’appelle pholonia, c’est le philonium de Perse ; d’autres n’emploient point les aromates dont nous venons de parler ; mais ils mettent beaucoup de saffran & d’ambre dans la masse de l’opium. Plusieurs font la préparation chez eux à leur fantaisie.

Outre ces préparations dont on ne fait usage qu’en pillules, Koempfer fait mention d’une certaine liqueur célebre chez les Perses, que l’on appelle cocomar, dont on boit abondamment par intervalles.

Les uns préparent cette liqueur avec les feuilles de pavots qu’ils font bouillir peu de tems dans l’eau simple. D’autres la font avec les têtes pilées & macérées dans l’eau ; ou bien ils en mettent sur un tamis, versent dessus sept à huit fois la même eau ; en y mêlant quelque chose qui y donne de l’agrément selon le goût de chacun.

Kœmpfer ajoute une troisieme sorte d’opium, qu’il qualifie d’électuaire, qui réjouit & qui cause une agréable ivresse. Les parfumeurs & les médecins préparent différemment cet électuaire, dont la base est l’opium ; on le destine par les différentes drogues que l’on y mêle, à fortifier & à récréer les esprits : c’est pourquoi on en trouve différentes descriptions, dont la plus célebre est celle qu’a trouvée Hasjem-Begi. L’on dit qu’elle excite une joie surprenante dans l’esprit de celui qui en avale, & qu’elle charme le cerveau par des idées, & des plaisirs enchantés. (D. J.)

Opium cyrenaïque, (Mat. médic.) nom donné par quelques écrivains du moyen âge à l’assa-fœtida, parce que de leur tems on tiroit principalement cette drogue de Cyrene, ou comme dit

Avicene, du Kirvan, ce qui est le même pays.

OPLITODROME, s. m. (Ant. greq.) Les Grecs nommoient oplitodromes, ὁπλιτοδρόμοι, ceux qui combattoient aux jeux olympiques & autres jeux de la Grece : c’est un mot composé de ὅπλον, arme, & de δρομος, course. Poterius, Archæol. græc. liv. II. ch. xxj. tom. I. pag. 442.

OPOBALSAMUM, s. m. (Hist. des drog.) ὀποϐάλσαμον, résine liquide, précieuse, blanchâtre & légerement jaunâtre, d’une odeur pénétrante qui approche de celle du citron, d’un goût âcre & aromatique : on estime celui qui a toutes ces qualités, & non celui qui est ténace, vieux & falsifié.

La plante qui fournit cette liqueur résineuse est nommée par Bélon dans ses observations, balsamum lentisci folio, ægyptiacum, & par Prosper Alpin, 48. balsamum ; car l’arbre & la résine portent le même nom. Cet arbrisseau s’éleve à la hauteur du troëne & du cytise, & est toujours verd, garni de peu de feuilles, semblables à celles de la rue, ou plutôt à celles du lentisque : elles sont attachées à la même queue, au nombre de trois, de cinq ou de sept, y ayant une feuille impaire qui la termine. Ses branches sont odorantes, resineuses & pliantes : leur substance ligneuse est blanche, sans odeur, couverte de deux écorces minces ou membraneuses ; l’extérieure est rougeâtre en dehors, l’intérieure verdâtre, odorante & d’une saveur aromatique. Ses fleurs sont purpurines, semblables à celles de l’acacia, & fort odorantes. Ses semences sont jaunes, odorantes, âcres, ameres, & donnent une liqueur jaune, semblable au miel : elles sont renfermées dans des follicules noires, rougeâtres.

Théophraste, Dioscoride, Pline, Joseph & autres, croient que la patrie de l’opobalsamum est la Judée, ou l’Egypte ; mais il est constant que ni la Judée, ni l’Egypte ne sont les pays où ce baume vient de lui-même : on ne trouve aucun arbre qui porte ce baume dans la Judée ; & du tems de Bélon on n’en trouvoit pas non plus. Strabon a eu raison de dire qu’on le trouvoit dans l’Arabie heureuse, qui est effectivement la seule patrie de ce baume.

Prosper Alpin nous apprend qu’il est blanc lorsqu’on vient de le tirer, ayant une odeur excellente & très-pénétrante, qui approche de celle de la térébenthine, mais plus suave & plus vive ; d’un goût amer, âcre & astringent. Ce baume est d’abord trouble & épais comme l’huile d’olive nouvellement exprimée ; il devient ensuite très-subtil, très-limpide, très-léger, & prend une couleur verdâtre, ensuite une couleur d’or ; enfin lorsqu’il est vieux, il devient comme du miel : alors il s’épaissit comme la térébenthine, il coule très-difficilement, & il perd beaucoup de son odeur.

Quand ce baume est récent, si l’on en verse goutte-à-goutte dans de l’eau, il ne va pas au fond à cause de sa grande légereté ; mais étant versé de haut, il s’y plonge un peu, & remonte continuellement, il s’étend sur toute la surface de l’eau, & se mêle avec elle, de sorte qu’il est très-difficile de l’en séparer : peu de tems après il s’y fige & se coagule, & on le retire tout entier avec un stilet : il est alors laiteux, ou blanc comme le lait. Voilà les véritables caracteres du baume naturel & récent.

Les anciens ne recueilloient uniquement que le baume qui découloit de l’écorce de l’arbre, auquel ils faisoient une incision, & ils en retiroient une très petite quantité. Aujourd’hui il y a deux especes de ce baume, selon Augustin Lippi. La premiere peut être appellée le véritable baume, & c’est celui qui coule de lui-même, ou par l’incision que l’on fait à l’écorce ; mais on en retire une si petite quantité, qu’à peine suffit-elle pour les habitans, & pour les grands du pays, & il est très-rare que l’on en porte