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nom donné par Paul d’Aigine & par Albucassis à une espece de petite rape destinée à irriter les paupieres galeuses, du mot grec βλεφαρον, qui signifie paupiere, ξεω, je ratisse, je racle. Ophthalmoxistre veut lire instrument avec lequel on racle l’œil. (Y)

OPIATE, s. m. (Pharmacie.) ce nom qui vient originairement sans doute de ce que le remede dont il s’agit contenoit de l’opium, est donné aujourd’hui indistinctement à un électuaire magistral quelconque, soit qu’on y fasse entrer de l’opium qu’on ne prescrit que très rarement sous cette forme, soit qu’on n’y en fasse point entrer. Le mot d’opiate dans sa signification reçue & vulgaire signifie donc la même chose que électuaire magistral, & même est le nom le plus usité, & presque le seul usité de l’électuaire magistral. Cela n’empêche pas qu’on ne trouve quelques électuaires officinaux qui portent le nom d’opiate, par exemple l’opiate de Salomon. Voyez l’article suivant.

Toutes les considérations que nous avons proposées sur l’électuaire officinal à l’article Électuaire conviennent parfaitement à l’électuaire magistral ou opiate. Voyez cet article. L’opiate s’ordonne communément pour plusieurs doses que l’apoticaire livre en autant de paquets, ou qu’il donne en masse lorsque les doses sont déterminées vaguement par un certain volume, qu’il est dit par exemple que le malade en prendra chaque fois gros comme une noix, comme une noisette, &c.

La consistance de l’opiate ne permet pas de le former en bols. Les malades les plus courageux le prennent au bout d’un couteau ou de la queue d’une cueiller ou bien délayée dans quelque liqueur appropriée. Il faut pour ceux qui ont du dégoût pour les remedes, l’envelopper le mieux qu’il est possible dans du pain-à chanter. (b)

Opiat, opiatum, (Pharmacie.) épithete que porte assez communément le laudanum dans les ouvrages latins de Médecine. Les auteurs françois ne traduisent point cette épithete, & ils appellent simplement laudanum les préparations d’opium, appellées en latin laudanum opiatum. Quelques-uns entendent par laudanum opiatum le laudanum solide, & ils croient que ce mot opiatum signifie la même chose que opiaticum, c’est à-dire ayant la consistance électuaire ou d’opiate. Mais ce n’est pas là ce que les Pharmacologistes ont entendu par l’expression dont il s’agit. Voyez Laudanum. (b)

Opiate mésentérique, (Pharmacie.) composition officinale, dont une préparation mercurielle est le principal ingrédient. Voyez l’article Mercure, (Mat. méd. & Pharm.)

Opiate de Salomon, (Pharm. & Mat. méd.) l’opiate de Salomon est un électuaire officinal, dont l’auteur est incertain ; c’est, comme le mithridate, un amas de drogues aromatiques, principalement de celles qui sont regardées comme éminemment alexipharmaques, antipestilentielles, cordiales, stomachiques, emmenagogues, vermifuges, &c.

Le mithridate est un des ingrédiens de cette inutile & fastueuse composition qui contient d’ailleurs & par duplicata plusieurs ingrédiens du mithridate. Mais le mithridate contenant d’autre part les trochisques cyphi qui sont composés d’une partie des ingrédiens du mithridate, & de ceux-là même qui lui sont communs avec l’opiate de Salomon, il se trouve que la même drogue entre trois fois dans la même composition. Or elle est décrite avec la circonstance de cette répétition puérile dans la derniere édition de la Pharmacopée de Paris. N’est-il pas permis de demander à quoi est bon le renouvellement fréquent de ces sortes d’ouvrages, lorsqu’ils laissent subsister de pareilles inepties ? (b)

OPICIENS, les, (Géog. anc.) en latin Opici, ancien peuple d’Italie, le même que les Osques qui

habitoient la côte de la Campanie, & quelque chose du Latium.

OPICONSIVES, s. f. (Antiq. rom.) fête qu’on faisoit à Rome en l’honneur d’Ops, surnommée Consiva, du mot consero, consevi, je seme, parce que cette déesse présidoit aux biens de la terre. Les opiconsives se célébroient au mois d’Août.

OPIGENE, (Mythol.) celle qui porte du secours : les dames romaines honoroient Junon sous ce titre, parce qu’elles croyoient en être assistées dans leurs couches : l’origine du nom vient des noms latins, opem gerere, secourir.

OPIMES, dépouilles, (Antiq. rom.) on nommoit ainsi les armes consacres à Jupiter Férétrien, & remportées par le chef ou tout autre officier de l’armée romaine sur le général ennemi, après l’avoir tué de sa propre main en bataille rangée.

Les armes, les drapeaux, les étendarts, les boucliers remportés sur les ennemis dans les combats étoient de brillantes marques de la victoire. L’on ne se contentoit pas de les mettre dans les temples, on les exposoit à la vûe du public, on les suspendoit dans le lieu le plus fréquenté de la maison, & il n’étoit pas permis de les arracher, même quand on vendoit la maison, ni de les suspendre une seconde fois, si elles venoient à tomber.

Il ne faut pas confondre ces sortes de trophées militaires avec les dépouilles d’argenterie, de meubles & d’autres effets du pillage des villes ; ces dernieres étoient un gain, un profit, & non pas un honneur. Fabius Maximus fut loué par tous les gens de bien après la prise de Tarente, d’avoir laissé aux Tarentins les tableaux & les statues des dieux ; c’est à ce sujet qu’il dit ce mot qui n’a jamais été oublié : « Laissons aux Tarentins leurs dieux irrités ». En effet, suivant la réflexion du sage Polybe, les ornemens étrangers dont on dépouille les villes, ne font qu’attirer la haine & l’envie sur ceux qui les ont pris, & la compassion pour ceux qui les ont perdus. D’ailleurs c’est nous tromper grossierement, continue-t-il, que de nous persuader que les dépouilles des villes ruinées & les calamités des autres fassent la gloire & l’ornement de notre pays.

Mais la gloire de tuer dans le combat le chef des ennemis, & de lui enlever ensuite les propres armes, étoit regardée comme une action également honorable & utile, parce qu’elle étoit la plus propre à assûrer le succès de la victoire. Aussi lisons-nous dans Homere qu’Enée défendit de toutes ses forces Pandarus attaqué par Diomede, & qu’il auroit lui-même succombé à la fureur de ce redoutable ennemi, si Vénus veillant sans cesse pour le salut de son fils, ne l’eût pris entre ses bras, & ne l’eût couvert d’une partie de sa robe divine.

Festus cite une loi de Numa Pompilius qui distingue trois sortes de dépouilles opimes. Il ordonne que les premieres soient consacrées à Jupiter Férétrien, les secondes à Mars, & les troisiemes à Quirinus. Il veut que ceux qui les ont remportées ayent le premier 300 as, le second 200, & le troisieme 100 ; mais les seules dépouilles qu’on nommoit par excellence du nom d’opimes, étoient les premieres qui se gagnoient en bataille rangée par le général ou tout soldat romain, qui tuoit de sa propre main le général des ennemis.

Le mot opimes signifie richesse, puissance, excellence. Dans Cicéron ager opimus, & dans Virgile arva opima, sont des terres fertiles & d’un grand rapport ; ainsi opima spolia désignoient des dépouilles par excellence. Ecoutons ce qu’en dit Plutarque dans la vie de Marcellus.

« Le sénat, dit-il, lui décerna l’honneur du triomphe après avoir défait les Gaulois, & tué de sa main leur roi Viridomare : son triomphe fut un