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sément par leur petitesse. Les autres usages sont assez connus. Nous parlerons dans la suite des ongles des animaux. Mais nous invitons le lecteur à lire les remarques particulieres de M. du Verney sur ceux de l’homme dans le journal des savans du 23 Mai 1689.

Il arrive quelquefois que l’ongle du gros orteil croît dans la chair par sa partie latérale, ce qui cause de fort grandes douleurs, & la chair croît sur l’ongle. C’est en vain que l’on tâche de consumer cette chair par des cathérétiques, si préalablement on ne coupe l’ongle avec beaucoup de dextérité ; après quoi l’on tire avec une pincette le morceau d’ongle, & on l’enleve le plus doucement qu’il est possible ; ce qui pourtant ne peut se faire sans causer une vive douleur.

Pour prévenir la récidive, quelques-uns conseillent, le mal étant gueri, de ratisser l’ongle par le milieu avec un morceau de verre, une fois tous les mois, jusqu’à ce que l’ongle soit tellement émincé, qu’il céde sous le doigt. Quoiqu’on ne fasse pas ordinairement grand cas de cette blessure, il y a cependant des auteurs qui rapportent qu’elle n’a pas laissé, arrivant sur-tout à des sujets d’une mauvaise constitution, d’occasionner des fâcheux accidens, & même la mort à quelques personnes.

La nature exerce ses jeux sur les ongles, comme sur les autres parties du corps humain. Rouhaut a envoyé en 1719 à l’ac. des Sciences une relation & un dessein des ongles monstrueux d’une pauvre femme de Piémont. On jugera de leur grandeur par celle du plus grand de tous, qui étoit l’ongle du gros doigt du pié gauche. Il avoit depuis sa racine jusqu’à son extrémité quatre pouces & demi. On y voyoit que les lames qui composent l’ongle sont placées les unes sur les autres, comme les tuiles d’un toit, avec cette différence, qu’au lieu que les tuiles de dessous avancent plus que celles de dessus, les lames supérieures avançoient plus que les inférieures. Ce grand ongle, & quelques-autres, avoient des inégalités dans leur épaisseur, & quelquefois des recourbemens, qui devoient venir ou de la pression du soulier, ou de celle de quelques doigts du pié sur d’autres. Ce qui donna occasion à ces ongles de faire du bruit, & d’attirer la curiosité de M. de Rouhaut ; c’est que cette femme s’étant cru possédée, & s’étant fait exorciser, elle s’imagina, & publia que le diable s’étoit retiré dans les ongles de ses piés, & les avoit fait croître si excessivement en moins de rien.

On lit dans la même histoire de l’acad. des Scienc. année 1727, l’observation d’un enfant qui avoit les cinq doigts de chaque main parfaitement joints en un seul corps, faisant le même volume & la même figure que des doigts séparés à l’ordinaire qui se tiendroient joints, & ces doigts unis étoient couverts d’un seul ongle, dont la grandeur étoit, à-peu-près, celle des cinq.

Il est tems de dire un mot des ongles des bêtes, qui sont quelquefois coniques, quelquefois caves, & qui servent aux uns de souliers, d’armes aux autres ; mais rien n’est plus curieux que l’artifice qui se trouve dans les pattes des lions, des ours, des tigres, & des chats, où les ongles longs & pointus se cachent si proprement dans leurs pattes, qu’ils n’en touchent point la terre, & qu’ils marchent sans les user & les émousser, ne les faisant sortir que quand ils s’en veulent servir pour frapper & pour déchirer.

La structure & la méchanique de ces ongles est, en quelque façon, pareille à celle qui fait le mouvement des écailles des moules : car de même qu’elles ont un ligament, qui, ayant naturellement ressort, les fait ouvrir, quand le muscle qui est en-dedans ne tire point ; les pattes des lions ont aussi

un ligament à chaque doigt, qui, étant tendu comme un ressort, tire le dernier auquel l’ongle est attaché, & le fait plier en dessus, ensorte que l’ongle est caché dans les entre-deux du bout des doigts, & ne sort de dehors pour agriffer, que lorsqu’un muscle, qui sert d’antagoniste au ligament, tire cet os, & le fait retourner en-dessous avec l’ongle ; il faut néanmoins supposer que les muscles extenseurs des doigts, servent aussi à tenir cet ongle redressé, & que ce ligament est pour fortifier son action.

Les anciens, qui n’ont point remarqué cette structure, ont dit que les lions avoient des étuis, dans lesquels ils serroient leurs ongles pour les conserver ; il est bien vrai qu’à chaque bout des orteils des lions, il y a une peau dans laquelle les ongles sont en quelque façon cachés, lorsque le ligament à ressort les retire ; mais ce n’est point cet étui qui les conserve ; car les chats, qui n’ont point ces étuis, & qui ont tout le reste de la structure des pattes du lion, conservent fort bien leurs ongles, sur lesquels il ne marchent point, si ce n’est quand ils en ont besoin pour s’empêcher de glisser. De plus, ces étuis couvrent tout l’ongle excepté la pointe, qui est la seule partie qui a besoin d’être conservée. (D. J.)

Ongle, (Chimie.) espece de matiere osseuse fort analogue à la corne. Voyez Substances animales.

Ongle, terme de Chirurgie, employé pour exprimer deux maladies des yeux fort différentes ; l’une connue sous le nom latin unguis, dont nous allons parler dans cet article ; & l’autre que nous décrirons au mot Onyx.

L’ongle est une maladie de l’œil, qui consiste en une excroissance plate qui s’étend sur la conjonctive ; elle commence ordinairement au grand angle, & va par degrés jusqu’à la cornée transparente qu’elle couvre enfin tout-à-fait. Les Grecs l’ont nommée pterygium, qui signifie petite aîle ; & les Latins pannus ou panniculus, & unguis, parce que cette excroissance est à-peu-près de la grandeur & de la figure d’un ongle de la main.

Les anciens ont reconnu trois especes d’ongles : un membraneux, parce qu’il ressemble à une membrane charnue ; le second adipeux, parce qu’il est plus blanchâtre que le precédent, & qu’il semble être de la graisse congelée. Ils ont nommé le troisieme variqueux, parce qu’il paroît tissu de beaucoup d’arteres, & de veines assez grosses ; c’est celui qu’on appelle proprement pannus. Il est le plus fâcheux de tous, parce qu’il est susceptible d’inflammation, de douleur, & d’ulcération.

Le prognostic de l’ongle n’est point équivoque : si l’on ne le guérit pas, il prive celui qui en est attaqué de l’usage de la vue. Il faut donc nécessairement employer les secours qui conviennent pour le détruire.

La cure de l’ongle est différente, suivant son état : s’il est médiocre & récent, on peut, selon Maître-Jan, l’atténuer & le dessécher par les collyres secs, avec le vitriol blanc, le sucre candi, l’os de seche, l’iris de Florence, la poudre de tuthie, &c. On y ajoute du verre ou du crystal subtilement pulvérisé : chaque particule de cette substance conserve des ongles tranchans qu’on apperçoit au microscope, & qui servent à excorier la superficie de l’ongle. Ces scarifications imperceptibles procurent l’écoulement de l’humidité qui abreuve cette membrane contre nature, & elles y attirent une legere suppuration. L’auteur assure s’en être servi plusieurs fois sans aucun inconvénient, & avec beaucoup de succès.

Si par ces remedes ou autres semblables, on n’a pu parvenir à dessécher & détruire l’ongle, il faut faire l’opération.

On prépare d’abord une aiguille un peu longue