Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/466

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des fossiles, p. 101. & ss. met la terre d’ombre au rang des ochres ; il parle d’une terre d’ombre trouvée en Angleterre qui produisit un phénomene très-curieux. Une personne ayant pulvérisé cette terre d’ombre & l’ayant mêlée avec de l’huile de lin, pour la broyer & s’en servir à peindre, en fit un tas, après quoi il sortit de sa chambre, & à son retour au bout de trois quart-d’heures, il trouva que ce tas s’étoit enflammé de lui-même, & répandoit une odeur insupportable. La même expérience a été réiterée à Londres avec le même succès. Cette terre d’ombre avoit été tirée d’une mine de plomb de la province de Derbyshire, à environ dix brasses de profondeur au-dessous de la surface de la terre ; on dit qu’il y en a une couche fort épaisse.

Il y auroit lieu de croire, que cette inflammation spontanée est venue de quelques portions d’alun, contenues dans cette terre, qui a fait avec l’huile de lin une espece de pyrophore. (—)

Ombre, (Littér.) umbra. Les latins appelloient ombres, ceux qu’un convié amenoit de son chef à un festin d’invitation. Plutarque a fait là-dessus un grand chapitre dans le septieme livre de ses propos de table. (D. J.)

Ombre, (Mythol.) dans le système de la théologie payenne, ce qu’on appelloit ombre, n’étoit ni le corps, ni l’ame, mais quelque chose qui tenoit le milieu entre le corps & l’ame, quelque chose qui avoit la figure & les qualités du corps de l’homme, & qui servoit comme d’enveloppe à l’ame, c’est ce que les Grecs appelloient idolon ou phantasma, & les latins umbra, simulachrum ; ce n’étoit donc ni le corps, ni l’ame qui descendoit dans les enfers, mais uniquement cette ombre. Ulysse voit l’ombre d’Hercule dans les champs élisés, pendant que ce héros est dans les cieux. Il n’étoit pas permis aux ombres de traverser le styx, avant que leurs corps eussent été mis dans un tombeau ; mais elles étoient errantes sur le rivage pendant cent ans, au bout desquels elles passoient enfin à cet autre bord si désiré. (D. J.)

Ombre, (terme de Blason.) ce mot se dit de l’image d’un corps qui est si déliée qu’on voit le champ de l’écu à travers. On nomme aussi ombre de soleil, ses représentations où on ne figure pas un nez, des yeux, une bouche, comme on fait ordinairement. Ménétrier.

OMBRÉ, adj. en termes de Blason, se dit des figures qui sont ombrées, ou tracées de noir pour qu’on puisse mieux les distinguer. Des Pruets en Bearn, d’azur à une chapelle d’argent sur une terrasse d’or, ombrée de sinople.

OMBRER, v. a. (Gramm. Peint. & Dessein.) c’est pratiquer des ombres. On dit ombrer un dessein, ombrer une partie d’un tableau.

OMBRI, (Géog. anc.) c’est ainsi qu’écrivent les Grecs par un o, & les Latins emploient un u, & disent Umbri au pluriel, & Umber au singulier ; c’étoit une nation celtique qui mérite un peu de détail.

A peine les Illyriens d’une part, & les Iberes de l’autre commençoient à se fortifier en différentes contrées de l’Italie, qu’ils furent troublés dans leurs possessions par de nouveaux hôtes qui vinrent en grand nombre s’en emparer les armes à la main. Ce sont les nations celtiques qui pénétrerent en Italie par les gorges du Tirol & du Trentin. Le nom d’Ombri, sous lequel Pline & d’autres écrivains les ont désignées, étoit dans leur langue une épithete honorable, qui signifioit noble, vaillant, & dont le singulier Ambra est encore usité dans la langue irlandoise : il est traduit dans le dictionnaire anglois, publié par Edmond Luyd, bonus, magnus, nobilis.

Pline donne une très-grande étendue au pays occupé par les Ombri. Selon cet auteur, ils avoient été maîtres de l’Etrurie avant l’arrivée des Pélasges ou

Grecs & des Toscans : ils occupoient pour lors tous les pays qui sont des deux côtés du Pô au nord & au sud : Arminium & Ravene sont deux de leurs colonies. L’Ombrie du milieu, située entre le Picenum & l’Etrurie, portoit le nom des anciens Celtes, & les habitans de cette contrée les reconnoissoient pour leurs ancêtres. Pline ajoute qu’ils furent chassés par les Toscans, & que ceux-ci le furent à leur tour par les Gaulois qui long-tems après envahirent l’Italie vers l’an 600 avant l’ére chrétienne. D’où il résulte 1°. que les Ombri avoient été maîtres de tout ce qui dans la suite appai tint aux Gaulois : 2°. que l’invasion de ces derniers étoit moins une usurpation, que la conquête d’un pays possédé dans l’origine par des peuples de leur nation, que les Toscans en avoient dépouillés. Si nous connoissions mieux l’histoire de ces tems reculés, nous trouverions, dit M. Freret, que les entreprises de ces peuples, traités de barbares par les Grecs & les Romains, étoient presque toujours légitimes, ou du moins revêtues d’une apparence de justice.

La partie de ces Ombri qui s’étoit fixée au nord du Pô, s’y maintint, & garda toujours son ancien nom. Les écrivains romains les nomment Insubres ; mais Polybe les appelle Isombri ; & ce nom purement gaulois signifie les Ombri inférieurs. Ces Insubres occupoient le Milanois & les contrées voisines : leur capitale étoit Mediolanum, nom commun à plusieurs villes de la Gaule & de l’île Britannique.

Celui d’Ombri ou d’Ambri, qui d’abord avoit été le nom général d’une nation très-étendue, comprenoit tous les peuples d’origine celtique qui étoient situés à l’orient & à l’occident des Alpes depuis le Rhin jusqu’à la mer. D’une part les Helvétiens, ou peuples de la Suisse, de l’autre les habitans des c%tes de la Méditerranée ou de la Ligurie, portoient également ce nom. Plutarque en rapporte une preuve singuliere. Dans la guerre des Cimbres, les Romains avoient parmi leurs troupes un corps de Liguriens ; d’un autre côté trente mille Helvétiens servoient dans l’armée des Cimbres : ces Liguriens & ces Helvétiens armés les uns contre les autres, se donnoient le même nom d’Ombri ou d’Ambrons, qu’ils répétoient avec de grands cris en allant au combat ; en sorte que le même cri de guerre retentissoit à la fois dans les deux armées.

Cette observation de Plutarque, en marquant les deux termes les plus reculés qui bornoient au nord & au sud la ligne des Ombri, nous montre quelle étoit son étendue. Dans la suite les peuples qui la composoient, s’étant ligués en plusieurs cités ou ligues particulieres, se distinguerent par différens noms, dont le plus connu est celui des Liguriens, Ligues ou Ligures. Les Romains ont donné ce nom de Ligures à bien des peuples qui ne devoient pas le porter ; aux Allobroges, aux Vocontiens, & même à des nations voisines du Trentin & placées dans les Alpes. C’étoit une méprise uniquement fondée sur l’origine commune de ces différens peuples celtiques ; mais qui donnoit une acception trop étendue à un mot dont la signification est restrainte par son étymologie même. En effet, ce nom de Ligures, Lly-gour en celtique, signifie homme de mer ; aussi ne l’avoit-on donné d’abord qu’aux Ombri méridionaux, & voisins de la mer, comme une épithete relative à leur situation. Les peuples celtiques répandus sur les côtes de la Méditerranée, depuis l’embouchure du Rhône jusqu’à celle de l’Anio, étoient les seuls à qui cette domination convint proprement.

Le tems de l’entrée des nations celtiques ou Ombriennes en Italie, doit être très-ancien ; mais il est impossible de le déterminer avec précision. Tout ce qu’on peut assurer, c’est que d’une part ils y trouverent les colonies illyriennes & iberes, puisqu’au