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taines saisons de l’année d’un pays froid dans un plus chaud, & ce qui est plus singulier, d’un pays chaud dans un froid. Il est vrai que c’est pour trouver & la subsistance & la température que demande leur constitution ; c’est donc par cet instinct qu’ils sont dirigés dans leurs transmigrations à se rendre aux mêmes endroits. Les oies sauvages, soland-goose, passent la mer & viennent annuellement dans la même saison à la petite île de Bais dans le détroit d’Edimbourg en Ecosse. Les cailles passent d’Italie en Afrique, & s’arrêtent quelquefois de fatigue sur les vaisseaux qu’elles rencontrent. Le moteur de la nature leur a donné l’instinct puissant dont nous parlons ; mais quelle est la patrie de ces divers oiseaux de passage que nous connoissons ? quel est le lieu où se terminent leurs courses ? Traversent-ils l’Océan ou seulement les golfes les plus étroits ? Vont-ils du midi au nord, ou du nord au midi ? Comme on ne peut résoudre définitivement toutes ces questions, nous nous bornerons à de simples réflexions générales qui pourront peut-être conduire à la solution de quelques-unes en établissant des faits.

La plus grande partie des oiseaux qui passent l’hiver dans nos climats, ont des becs forts, & peuvent subsister de la pâture que le hasard leur fournit dans cette saison. Les oiseaux au contraire qui nous quittent en automne, ont des becs fins, délicats, & vivent d’insectes ailes qui, disparoissant aux approches de l’hiver, obligent ces oiseaux d’en aller chercher ailleurs Comme la nature leur a donné communément de grandes & bonnes ailes, ils attrapent leur pâture en volant & en faisant route, ce qui les met en état de continuer long-tems leur course sans se reposer.

Quoique nous ignorions, faute du témoignage des yeux, quelles sont les contrées ou se retirent ces oiseaux, il est néanmoins vraissemblable que ces contrées doivent être dans la même latitude méridionale que les endroits d’où ils sont venus, ensorte que dans le retour des saisons ils retrouvent la même température d’air & la même subsistance qui leur conviennent.

Comme les hirondelles nous viennent plûtard & nous quittent avant les rossignols & autres oiseaux de passage qui trouvent encore à vivre de végétaux ou de vers, lorsque les cousins & les mouches ne volent plus dans l’air, il est apparent que les hirondelles passent au tropique du cancer plutôt qu’à celui du capricorne, mais l’endroit nous est inconnu.

Les oiseaux de passage qui n’ont pas la même célérité & la même constance de vol que d’autres, peuvent cependant arriver à leur commun séjour à-peu-près en même tems. Par exemple, les oiseaux à aîle courte, comme la rouge-gorge, volent moins vîte & moins constamment que les hirondelles ; mais d’un autre côté, ces dernieres n’ont aucun besoin de se hâter, parce que chaque jour de leur voyage leur procure une continuation de vivres qui leur permet de faire de longues stations en route.

Plusieurs oiseaux de passage sont encore instruits par leur instinct à connoître les plus courts trajets, les lieux de relais, & à ne voyager que de nuit, pour éviter les oiseaux de proie : c’est une observation de M. Catesby. Etant un soir sur le tillac d’un bâtiment qui faisoit voile au nord de Cuba, lui & sa compagnie entendirent successivement pendant trois nuits des vols d’oiseaux qu’ils reconnurent à leur cri, & qui passerent par-dessus leurs têtes, prenant le droit chemin du continent méridional d’Amérique, d’où ils se rendent à la Caroline quand le blé commence à murir, & de-là s’en retournent dans les parties méridionales pour s’en engraisser au tems de la récolte.

Il semble que les oiseaux à courte queue soient peu propres à de longs vols ; mais quoique la caille, qui est de ce genre, ne vole pas long tems dans nos climats, il n’en faut pas conclure qu’elle ne le puisse. Belon en a vû des troupes passer & repasser la mer Méditerranée. Le même instinct qui porte les oiseaux de passage à se retirer dans des contrées éloignées, les dirige aussi à prendre le plus court chemin, & les envoie aux côtes les plus étroites, au lieu de leur faire traverser le vaste Océan.

Entre les oiseaux de passage, il y en a quelques-uns qui nous arrivent en automne, tels sont la bécasse & la bécassine, qui se retirent ensuite aux parties plus septentrionales du continent, où ils sejournent l’été, & y font des petits.

On n’entend pas trop bien les raisons de la transmigration des oiseaux qui nous quittent en hiver pour se rendre en Suede & autres lieux septentrionaux de même latitude ; s’ils trouvent nos pays trop froids, comment peuvent-ils mieux subsister dans ceux du Nord ? mais ils voyagent graduellement en prolongeant leur passage par les contrées tempérées de l’Allemagne & de la Pologne : par ce moyen ils n’arrivent que fort tard aux lieux septentrionaux où ils doivent passer leur été, & où ils font des petits. C’est donc là que ces oiseaux prennent la naissance, & leur voyage chez nous n’étant fait que pour jouir quelque tems d’un climat qui leur fournit une abondante pâture, il n’est pas étonnant qu’ils retournent chez eux lorsqu’ils y doivent retrouver les mêmes faveurs.

Il semble encore que les oiseaux ont des tempéramens qui se font aux différens degrés de chaud & de froid qui leur sont les plus agréables, au moyen de quoi ils peuvent voyager de lieux en lieux ; ils vivent pendant l’hiver du fruit de l’aubépine en Angleterre, & cependant dans les lieux où ils pondent comme en Suede, il n’y a point d’aubépine, ni dans la plûpart des pays qu’ils traversent pour se rendre dans leur patrie.

Outre les oiseaux de passage qui séjournent tout un hiver, ou tout un été en divers pays, il y en a d’autres qui ne se montrent annuellement que dans certains lieux particuliers au tems de la maturité de certains grains de leur goût, & que leur pays natal ne produit pas ; tels sont les grives, les becfigues, dans les pays vignobles de l’Europe ; l’ailebleue & l’oiseau-de-blé a la Caroline. Ces oiseaux semblables aux hommes, cherchent leur sensualité jusques dans les pays les plus éloignés ; & quand ils ont découvert quelque nourriture agréable, ils se joignent en essaims nombreux, & font des voyages annuels pour se régaler d’un mets étranger.

Depuis la découverte de l’Amérique, les Européens ont cultivé dans cette partie du monde diverses plantes qui y étoient inconnues, & qui pendant long-tems n’ont été ni goûtées ni recherchées par aucun oiseau de passage, mais qui aujourd’hui sont pour eux une nourriture friande. Il y a une espece charmante de ces oiseaux qui seulement depuis peu d’années se rendent dans la Virginie au tems de la maturité du blé ; elle y revient alors annuellement en grande troupe, & les habitans les nomment par cette raison oiseaux-de-blé, wheat-birds. Philosop. transact. n°. 483. Le Chevalier de Jaucourt.

Oiseaux de proie, (Ornithol.) leurs marques caractéristiques sont d’avoir 1° le bec & les talons crochus, forts, terminés en pointe, propres à la rapine & à dépecer les chairs ; 2° des serres, pour déchirer & pour porter leur proie ; 3° des cuisses robustes, pour la serrer avec violence ; 4° une vûe perçante & subtile pour l’épier de loin.

Les oiseaux de proie sont solitaires, ne s’attroupent point, multiplient peu, & ne produisent guere