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telligens dans le métier de la guerre ; & ceux-ci pour mettre plus d’ordre dans les armées, ont distribué les troupes en différens corps, commandés par des chefs capables d’exécuter leurs ordres, & de les faire exécuter au reste des soldats.

Nous savons en général, que les Egyptiens avoient de nombreuses troupes sur pied, qu’elles alloient ordinairement à quatre cent mille hommes, & que l’armée de Sesostris étoit de seize cens mille combattans. Nous voyons les rois d’Egypte à la tête de leurs armées ; mais autant il seroit absurde de dire qu’un seul prince, un seul homme commandoit seul en détail à cette multitude ; autant est-il raisonnable de penser qu’il avoit sous lui des officiers généraux, & ceux-ci des subalternes distribués avec plus ou moins d’autorité dans tous les corps.

La milice des Hébreux, dans les premiers tems, ne nous est guère moins inconnue. Cependant on peut inférer de l’ordre que les tribus gardoient dans leurs campemens, chacune sous leur enseigne particuliere, qu’elles avoient aussi leurs officiers subordonnés à un général en chef, tel que fut Josué. Sous les rois des Juifs nous voyons ces princes commander eux-mêmes leurs armées, ou en confier la conduite à des généraux en chef, tels qu’Abner sous Saül, Joab sous David ; & ce dernier avoit dans les troupes plusieurs braves, connus sous le nom de force d’Israël, hommes distingués par leurs exploits, & qui sans doute commandoient des corps particuliers : tels qu’un Banaias, chef de la légion des Pheletes & des Cerethes, & qui devint sous Salomon général en chef. Il est donc plus que probable, que sous les rois d’Israël, & sous ceux de Juda, jusqu’à la captivité de Babylone, les troupes Israélites furent divisées en petits corps commandés par des officiers, quoique l’Ecriture ne nous ait pas conservé le nom de leurs dignités, ni le détail de leurs fonctions. Sous les Machabées il est parlé clairement de tribuns, de pentacontarques & de centurions, que ces illustres guerriers établirent dans la milice juive ; il y a apparence que les tribuns commandoient mille hommes, les pentacontarques cinq cens, & les centurions cent hommes.

Pour les tems héroïques de la Grece, nous voyons toujours des rois & des princes à la tête des troupes. Jason est le premier des argonautes ; sept chefs sont ligués contre Thèbes pour venger Polynice ; & dans Homere, les Grecs, confédérés pour détruire Troie, ont tous leurs chefs par chaque nation ; mais Agamemnon est le généralissime, comme Hector l’est chez les Troyens, quoique différens princes commandent les Troyens même, & d’autres leurs alliés, comme Rhesus les Thraces, Sarpedon les Lyciens, &c.

Mais l’histoire en répandant plus de lumieres sur les tems postérieurs de la Grece, nous a conservé les titres & les fonctions de la plupart des officiers, tant des troupes de terre, que de celles de mer.

A Lacédemone les rois commandoient ordinairement les armées ; qu’ils eussent sous eux des chefs, cela n’est pas douteux, puisque leurs troupes étoient divisées par bataillons, & ceux-ci en trois ou quatre compagnies chacun. Mais les historiens n’en donnent point le détail. Comme ils étoient puissans sur mer, ils avoient un amiral & des commandans sur chaque vaisseau ; mais en quel nombre, avec quelle autorité, c’est encore sur quoi nous manquons des détails nécessaires. Il reste donc à juger des autres états de la Grece, par les Athéniens sur le militaire, desquels on est mieux instruit.

A Athènes, la république étant partagée en dix tribus, chacune fournissoit son chef choisi par le peuple, & cela chaque année. Mais ce qui n’est

que trop ordinaire, la jalousie se mettoit entre ces généraux, & les affaires n’en alloient pas mieux. Ainsi voit-on que dans le tems de crise, les Athéniens furent attentifs à ne nommer qu’un général. Ainsi à la bataille de Marathon on déféra à Miltiade le commandement suprème ; depuis Conon, Alcibiade, Thrasybule, Phocion, &c. commanderent en chef. Ordinairement le troisieme archonte, qu’on nommoit le polemarque ou l’archistrategue, étoit généralissime, & sous lui servoient divers officiers distingués par leurs noms & par leurs foncions. L’hipparque avoit le commandement de toute la cavalerie. On croit pourtant que comme elle étoit divisée en deux corps, composé chacun des cavaliers des cinq tribus, elle avoit deux hipparques. Sous ces officiers étoient des philarques, ou commandans de la cavalerie de chaque tribu. L’infanterie de chaque tribu avoit à sa tête un taxiarque, & chaque corps d’infanterie de mille hommes, un chiliarque ; chaque compagnie de cent hommes étoit partagée en quatre escouades, & avoit un capitaine ou centurion. Sur mer il y avoit un amiral, ou généralissime appellé ναύαρχος ou στρατηγὸς, & sous lui les galeres ou les vaisseaux étoient commandés par des trierarques, citoyens choisis d’entre les plus riches qui étoient obligés d’armer des galeres en guerre, & de les équiper à leurs dépens. Mais comme le nombre de ces citoyens riches qui s’unissoient pour armer une galere ne fut pas toujours fixe, & que depuis deux il alla jusqu’à seize, il n’est pas facile de décider, si sur chaque galere il y avoit plusieurs trierarques, ou s’il n’y en avoit qu’un seul. Pour la manœuvre chaque bâtiment avoit un pilote, ναύκληρος, qui commandoit aux matelots.

A Rome les armées furent d’abord commandées par les rois, & leur cavalerie par le préfet des celeres, præfectus celerum. Sous la république, le dictateur, les consuls, les proconsuls, les préteurs & les propréteurs, avoient la premiere autorité sur les troupes qui recevoient ensuite immédiatement les ordres des officiers appellés legati, qui tenoient le premier rang après le général en chef, & servoient sous lui, comme parmi nous les lieutenans-généraux servent sous le maréchal de France, ou sous le plus ancien lieutenant-général. Mais le dictateur se choisissoit un général de cavalerie, magister equitum, qui paroît avoir eu, après le dictateur, autorité sur toute l’armée. Les consuls nommoient ainsi quelquefois leurs lieutenans-généraux. Ils commandoient la légion, & avoient sous eux un préfet qui servoit de juge pour ce corps. Ensuite étoient les grands tribuns ou tribuns militaires, qui commandoient chacun deux cohortes, chaque cohorte avoit pour chef un petit tribun ; chaque manipule ou compagnie, un capitaine, de deux cens hommes, ducentarius ; sous celui-ci deux centurions, puis deux succenturions ou options, que Polybe appelle tergiducteurs, parce qu’ils étoient postés à la queue de la compagnie. Le centurion qu’on appelloit primipile, étoit le premier de toute la légion, conduisoit l’aigle, l’avoit en garde, la défendoit dans le combat, & la donnoit au porte-enseigne ; mais celui-ci, ni tous les autres, nommés vexillarii, n’étoient que de simples soldats, & n’avoient pas rang d’officier. Tous ces grades militaires furent conservés sous les empereurs, qui y ajouterent seulement le prefet du prétoire, commandant en chef la garde prétorienne ; & en outre les consuls eurent des généraux qui commandoient sur les frontieres pendant tout le cours d’une guerre, tels que Corbulon en Arménie, Vespasien en Judée, &c. Dans la cavalerie, outre les généraux nommés magister equitum, & præfectus celerum, il y