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Il faut bien se garder de confondre l’œnanthe dont nous venons de parler, avec l’espece vénéneuse qui est à feuilles de cerfeuil ou de ciguë, œnanthe chærophylli foliis, C. B. P. 162. I. R. H. 313. œnanthe cicutæ facie, succo viroso, croceo, Lobelii Icon. œnanthe cicutæ facie, Lobelii, Raii hist. I. 441. œnanthe succo viroso, I. B. 193. & Wepfer : décrivons cette plante.

Elle a beaucoup de rapport avec la ciguë : elle s’éleve à la hauteur d’environ trois piés : il sort de sa racine plusieurs tiges assez éparses, rondes, rameuses, portant des feuilles qui ressemblent à celles du cerfeuil, de couleur verte-brune, d’un goût âcre, remplies d’un suc qui est au commencement laiteux, mais qui jaunit ensuite & devient ulcérant : ses fleurs sont disposées en ombelles, & composées de plusieurs pétales rangés en rose ou en fleur-de-lis ; elles laissent, après qu’elles sont tombées, un petit fruit contenant deux semences oblongues & cannelées : ses racines sont des navets blancs, attachés immédiatement à leur tête, sans qu’aucune fibre les suspende, & remplis de suc. Cette plante ne croît guere qu’en Angleterre, en Irlande & en Hollande, le long des ruisseaux & des autres lieux aquatiques.

Ce végétable est un poison mortel pour ceux qui ont eu le malheur d’en avoir mangé ; il jette dans des convulsions dont la mort est la prompte suite. On en lit des exemples dans les observations de Vander-Wiel. On en cite en Angleterre d’autres preuves ; mais on n’a rien en ce genre de plus exact & de plus certain que le fait suivant rapporté dans les Transactions philosophiques.

Neuf prisonniers françois, dans la derniere guerre de 1744, eurent la liberté de se promener à Pembroke & aux environs : trois d’entr’eux ayant trouvé dans la campagne une grande quantité de cette plante fatale, qu’ils prirent pour du céleri sauvage, la cueillirent avec les racines, la laverent, & en mangerent sur le champ en petite quantité avec du pain & du beurre. Ils entroient à-peine dans la ville, que l’un d’eux, sans avoir ressenti de mal de tête ni d’estomac, fut tout-d’un-coup attaqué de violentes convulsions ; on le saigna vainement, car il mourut peu de tems après. Ses deux compagnons ignorant la mort de leur camarade & le danger qu’ils couroient, donnerent le reste des mêmes racines qu’ils avoient apportées, à huit autres prisonniers qui en mangerent tous plus ou moins à dîner ; cependant les deux camarades du mort tomberent au sortir de la table en convulsions, & l’un d’eux en mourut : le second réchappa après avoir été saigné & avoir pris un vomitif avec grande peine, par la difficulté qu’on eut de lui ouvrit la bouche pour lui faire avaler le remede ; les autres huit se rétablirent aussi par la prompte saignée & les vomitifs qu’on employa. Il est bon de remarquer qu’aucun d’eux n’eut ces symptomes comateux & ces stupeurs qu’éprouvent ceux qui ont mangé de la ciguë.

La racine de l’œnanthe vénéneuse est fort connue dans le pays de Galles sous le nom de racine à cinq doigts, the five fingered root, où le petit peuple l’applique extérieurement en cataplasme dans le panaris. Les françois dont nous avons parlé ne mangerent que la racine, & ne toucherent ni aux feuilles, ni à la tige.

Il est extrèmement important, & sur-tout en Angleterre, que cette dangereuse plante soit bien connue, parce qu’elle croît en abondance sur tous les bords de la Tamise ; c’est ce qui a engagé M. Watson à la bien faire graver dans les Transactions philosophiques, n°. 481. conjointement avec la ciguë aquatique de Wepfer, pour qu’on les connût toutes deux & qu’on ne les confondît point, comme il est arrivé à de très-habiles botanistes. Wepfer lui-même s’y est mépris dans son Traité de la ciguë, en nous di-

sant que Lobel a décrit la ciguë aquatique sous le nom d’œnanthe. Hoffman qui généralement est assez exact, n’établit point la différence de ces deux plantes en traitant des poisons des végétaux. Huit jeunes gens en Irlande ont été empoisonnés par l’œnanthe, en la prenant pour la racine du panais aquatique ; deux autres en sont morts, en la prenant pour du persil de Macédoine.

Les racines de l’œnanthe, ainsi que celle de la ciguë aquatique de Wepfer, se ressemblent en ce qu’elles n’ont point d’odeur ni de saveur desagréable, & qu’elles causent également des convulsions & une prompte mort, si l’on n’y remédie sur le champ. Il semble donc que la méthode curative doit être la même, savoir, de vuider promptement l’estomac & les intestins, & ensuite de donner au malade une grande quantité de fluides huileux. Il est certain que quand l’estomac a été délivré de ce poison, les symptomes diminuent sensiblement, & le malade a le bonheur de se rétablir ; la plus grande difficulté est de lui faire avaler quoi que ce soit, ses mâchoires se serrant fortement l’une contre l’autre par la violence des spasmes.

L’œnanthe abonde dans la province de Cumberland, où le peuple l’appelle la langue morte, the deadtongue, & l’emploie cuite en bouillie pour les galles du dos de leurs chevaux. Les botanistes d’Allemagne ne la connoissent point dans leur pays ; & le savant Haller n’en fait aucune mention dans son catalogue des plantes de la Suisse. Il faut conclure de-là qu’on ne la trouve guere qu’en Angleterre, en Hollande, &, à ce qu’on prétend, dans quelques endroits de la France. (D. J.)

Œnanthe, voyez Cul-blanc.

ŒNEIDE, (Antiq. greq.) nom d’une des douze tribus des Athéniens ; elle avoit pris ce nom d’Œnéus, roide Calydonie, & pere de Déjanire qu’Hercule épousa. (D. J.)

ŒNELÆUM, s. f. (Pharmac.) mixtion composée de gros vin & d’huile rosat. Dans les fractures avec plaie, où l’os n’est pas découvert, les Chirurgiens imbibent d’œnelæum leurs compresses, afin de tenir les os appliqués, adoucir la douleur, empêcher l’inflammation : de plus, ils ont soin d’arroser tous les jours leurs bandes de cette mixtion ; ils en bassinent aussi quelquefois la partie malade ; ce mot qu’on a francisé est composé d’οἶνος, vin, & ἔλαιον, huile. (D. J.)

ŒNIADE, (Géogr. anc.) en latin Œniadæ, ancienne ville de Grece dans l’Acarnanie, à l’embouchure de l’Acheloüs, & aux confins de l’Etolie. Strabon en marque la situation dans son livre. Il en est aussi parlé dans Diodore de Sicile, dans Polybe, dans Tucydide, l. I. & dans Tite-Live, l. XXXVIII. ch. xj. Il y a de l’apparence que cette ville tira son nom d’Œnoé, pere de Déjanire. Elle fut ensuite nommé Erysichè. (D. J.)

ŒNI-PONS, (Géog. anc.) c’étoit un pont sur une riviere qui couloit entre la Rhétie & le Norique. Il s’agit d’un pont sur l’Inn ; de-là les uns ont conclu que l’Œni Pons des anciens étoit Inspruck. Cluvier pense au contraire, que ce pont étoit un passage sur la route qui va de Munich a Salzbourg. Velzer met le pont de l’Inn à Œtingen en Baviere ; ce qu’il y a de sûr, c’est que ce pont étoit un passage gardé par une garnison romaine, & qu’il ne faut pas le chercher à Inspruck, qui est moderne.

ŒNISTERIES, œnisteria, fêtes que célebroient à Athenes les jeunes gens prêts à entrer dans l’adolescence, avant que de se faire couper pour la premiere fois la barbe & les cheveux. Ils apportoient au temple d’Hercule une certaine mesure de vin, en faisoient des libations, & en offroient à boire aux assistans. Hesychius & Pollux font mention de cette