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cette maladie s’appelle anasarque ou leucophlegmatie & hydropisie universelle. Voyez Anasarque & Leucophlegmatie. Le nom d’œdeme reste aux tuméfactions particulieres & bornées à certaines parties, telles que les piés, les mains, les paupieres, les bourses, &c.

Les causes de l’extravasation de la lymphe sont différentes. L’appauvrissement des sucs, & l’inertie des solides produisent l’œdeme dans les vieillards : les personnes les plus robustes y sont sujettes après des évacuations considérables qui les ont fort affoiblies. Les fréquentes saignées, par la spoliation des parties rouges, rendent le sang séreux & disposé à croupir dans les extrémités principalement. Les femmes grosses sont sujettes à l’œdeme des jambes, par la difficulté du retour du sang des parties inférieures, en conséquence de la pression de la matrice sur les veines iliaques. Le sang retardé dans son cours, cause l’obstruction des vaisseaux lymphatiques qui laissent échapper les sucs blancs dans les tissus cellulaires. Les bandages dans les fractures & les luxations, l’engorgement des glandes axillaires dans le cancer de la mamelle produisent l’œdeme par cette raison. Voyez le mot Œdémateux.

La connoissance des causes de l’œdeme en donnera le prognostic, & réglera les indications curatives qu’il faut suivre dans le traitement. L’œdeme qui vient de l’appauvrissement de la masse du sang, exige l’usage des alimens de prompte & facile digestion : tels que les gelées de viande, les jaunes d’œufs frais, du bon vin pris modérément & comme cordial, pour passer par degrés à des nourritures plus fortes. Les frictions moderées & un exercice convenable donnent du ressort aux solides, & dissipent les sucs stagnans. Les topiques résolutifs peuvent être employés. L’œdeme qui vient de compression accidentelle & étrangere, tels que sont les bandages, exige des attentions dans l’application des bandes & dans la maniere de situer la partie. Si la compression vient de quelque tumeur incurable, comme d’un cancer qu’on ne peut extirper, il faut se contenter des secours palliatifs. Voyez l’art. Œdémateux. En général, il faut résoudre la lymphe stagnante, & donner du ressort aux fibres ; & si l’on peut, attaquer directement la cause qui a déterminé la maladie. C’est par cette considération qu’on a guéri des œdemes en faisant saigner des malades fort pléthoriques ; parce que l’enflure avoit pour cause la difficulté de la circulation du sang occasionnée par la plénitude excessive des vaisseaux. Les diurétiques qui poussent les sucs blancs par la voie des urines, les sudorifiques qui excitent leur secrétion par les pores de la peau, & les purgatifs hydragogues qui les déterminent par les selles, remplissent l’indication qui se tireroit de la surabondance de sérosités dans le sang. Nous avons indiqué les meilleurs topiques à l’article Œdémateux, pour raffermir le ton des vaisseaux ; & si ces secours sont inutiles, l’on a une ressource très-efficace dans les mouchetures faites avec attention sur la partie œdémateuse. Voyez Scarification & Moucheture.

L’œdeme des jambes est souvent un effet de l’hydropisie ascite. Voyez Hydropisie. (Y)

OEDÉMOSARQUE, œdemosarca, terme de Chirurgie, espece de tumeur d’une nature moyenne entre l’œdeme & le sarcoma, voyez Œdeme & Sarcoma. C’est une espece de loupe formée par des sucs blancs, congelés & qui n’ont pas acquis un degré d’épaississement qui les fasse résister à l’impression du doigt. Marc-Aurele Severin, dans son traité de reconditâ abscessuum naturâ, au liv. IV. chap. iv. donne la description d’une tumeur, d’un volume considérable, qui s’étendoit depuis le ge-

nou jusqu’au pié, comme une espece de sac. Cette

tumeur étoit indolente, remplie d’humeurs assez fluides, pour retenir l’impression du doigt comme l’œdeme, si la surface extérieure, lisse & polie de la tumeur n’avoit pas eu un certain degré de dureté caleuse. Le malade âgé d’environ soixante ans, demandoit avec instance qu’on le délivrât de cette tumeur ; ce que notre auteur, quoique l’un des plus intrépides chirurgiens qui ait existé, crut une entreprise trop dangereuse. Il lui fit un seton à l’aîne du même côté, & après un long usage de décoction de salsepareille, il l’envoya sur le bord de la mer, pour se faire couvrir la jambe de sable, comme on va prendre les boues médicamenteuses à Bourbonne, à Barbotan, &c. Fabrice de Hilden a décrit une maladie de même caractere, dont la résolution spontanée a eu des suites très-fâcheuses. Il y avoit une tumeur sur chaque main ; il l’a nommée œdémateuse dure. On fit long-tems sans succès tous les remedes qu’on crut convenables. A l’âge de treize ans, lorsqu’on pensoit le moins à la guérison sur laquelle on n’avoit plus d’espérance, les tumeurs se dissiperent insensiblement ; mais quelque tems après cette jeune personne eut des douleurs cruelles à une épaule : elles cedérent aux remedes sagement administrés ; la hanche fut attaquée ensuite, & il se fit luxation par la fluxion de l’humeur qui relâcha les ligamens ; enfin il se fit un abscès considérable au talon, & la guérison fut radicale après l’exfoliation d’une petite portion du calcaneum. Ce qu’il y a de surprenant, c’est que tout cela s’est passé en quinze jours de tems. La malade s’est bien portée depuis, a été mariée, & n’a souffert que l’inconvénient d’être un peu boiteuse. (Y)

ŒDIPODIA, (Géog. anc.) c’est-à dire, fontaine de Thebes. Plutarque raconte que Sylla y fit dresser un théatre pour donner des jeux de musique, & célébrer une victoire qu’il venoit de remporter. Pausanias dit qu’elle eut ce nom, parce qu’Œdipe s’y lava pour se purifier du meurtre de Laïus. (D. J.)

ŒENSIS, Urbs, (Géog. anc.) ville d’Afrique dans la province tripolitaine, & qui devint le siege d’un évêché. Cette ville est une des trois dont l’ancienne Tripoli fut formée ; les deux autres étoient Sabrata, & la grande Leptis ; chacune avoit son évêque. (D. J.)

ŒIL, s. m. (Anatomie.) organe de la vûe, & qu’on peut regarder comme le miroir de l’ame, puisque les passions se peignent d’ordinaire dans cet organe nerveux, voisin du cerveau & abondant en esprits qui ne peuvent manquer d’y exprimer les états divers qui les agitent. Mais il ne s’agit ici que de décrire l’œil & ses appartenances en simple anatomiste. Nous espérons de dévoiler ailleurs les merveilles du sens de la vûe.

Les yeux sont situés au bas du front, un à chaque côté de la racine du nez. Ils sont composés en général de parties dures & de parties molles. Les parties dures sont les os du crâne & de la face qui forment les deux cavités coniques, comme deux entonnoirs appellés orbites. Voyez Orbites.

Les parties molles sont de plusieurs sortes. La principale & la plus essentielle desdites parties molles, est celle qu’on nomme le globe de l’œil. Des autres parties molles, les unes sont externés, les autres sont internes. Les externes sont les sourcils, les paupieres, la caroncule lacrymale, les points lacrymaux dont il faut voir les articles en particulier. Les internes sont les muscles, la graisse, la glande lacrymale, les nerfs, les vaisseaux sanguins.

Le globe de l’œil est de toutes les parties molles qui appartiennent à l’organe de la vûe la plus essentielle, & celle dont on est obligé de faire mention presque toutes les fois qu’on parle de ses autres par-