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aversion des armes, des lettres & de l’estime des peuples. Prateole, hist. nudip. & spirit. Florimond de Raimond, lib. II. c. xvij. n. 9.

NUE PROPRIÉTÉ, (Jurisprud.) est celle dont l’usufruit est séparé. Voyez Propriété. (A)

NUÉ, (Rubannier.) est la même chose que nuancé. Voyez Nuancé.

NUÉE, s. f. (Physiq.) n’est autre chose qu’un brouillard qui s’éleve fort haut dans l’athmosphere.

Les nuées s’élevent dans notre athmosphere à différentes hauteurs. On en voit quelquefois qui sont suspendues les unes au-dessus des autres, & qui paroissent fort distinctes, ce qui dépend sur-tout de la différence de leur pesanteur spécifique, qui les tient en équilibre avec un air plus ou moins dense. On connoît qu’elles sont suspendues les unes au-dessus des autres par les différentes routes qu’elles prennent, étant portées les unes plus haut, les autres plus bas, sans se mêler ensemble. Il paroît que les plus hautes nuées s’élevent rarement au-dessus de la hauteur du sommet des plus hautes montagnes ; car on voit ordinairement de loin, que ces sommets s’élevent au-dessus des nuées. 2°. Nous apprenons de divers observateurs qui ont été sur les plus hautes montagnes, qu’ils ont toujours vu les nuées floter au-dessous d’eux, sans avoir jamais remarqué qu’elles se trouvassent au-dessus de leurs têtes. Riccioli a calculé que les plus hautes nuées ne s’élevent jamais à la hauteur de 5000 pas. Peut-être y a t-il cependant quelques exhalaisons subtiles qui montent beaucoup plus haut.

Les nuées changent continuellement de grandeur & de figure, car l’air dans lequel elles sont suspendues, n’est presque jamais calme. Elles different beaucoup en grandeur, car les unes sont petites, les autres. fort grosses ; & on peut hardiment établir avec M. Mariotte, qu’il y en a qui ont un mille de longueur, & même un mille en quarré. Il s’en trouve qui ont beaucoup d’épaisseur, ou beaucoup de diametre en hauteur, comme on peut le conclure de la pluie qui en tombe. Il me souvient, dit M. Musschenbroch, d’avoir observé que dans un tems d’orage, il tomba en pluie d’une nuée, un pouce d’eau en hauteur dans l’espace d’une demi-heure, d’où l’on peut conclure que cette nuée avoit du moins 100 piés d’épaisseur ; cependant toute la nuée ne tomba pas, mais il parut qu’il en étoit resté bien autant qu’il en étoit tombé en pluie.

Le vent fait quelquefois avancer les nuées avec une si grande rapidité, qu’elles font 2 à 3 lieues en une heure. Il arrive assez souvent qu’elles se mettent en pieces, & se dispersent de telle maniere qu’elles diparoissent entierement : de-là vient que le ciel est quelquefois serein & clair, lors même qu’il fait une violente tempête.

Les nuées se dissipent aussi, lorsque l’air dans lequel elles sont suspendues, devient plus pesant, car elles sont alors obligées de s’élever plus haut, pour être en équilibre avec un air plus raréfié, & alors à mesure qu’elles montent à-travers un air plus pur, qui en dissout quelques parties avec lesquelles il se mêle, elles diminuent & se dissipent insensiblement.

Les nuées paroissent de diverses couleurs, mais elles sont ordinairement blanches, lorsqu’elles refléchissent la lumiere telle qu’elle vient du soleil sans la séparer en ses couleurs. On voit aussi lorsqu’il tonne, des nuées brunes & obscures, qui absorbent la lumiere qu’elles reçoivent & n’en refléchissent presque rien. Les nuées paroissent rouges le matin lorsque le soleil se leve, & le soir lorsqu’il se couche ; & celles qui se trouvent plus proches de l’horison, paroissent violettes, & deviennent bientôt après de couleur bleue. Ces couleurs dépendent de la lumiere, qui pénetre dans les globules de vapeur transpa-

rentes, & qui venant à se refléchir, sort par un autre

côté, & se sépare en ses couleurs, dont la rouge vient d’abord frapper notre vûe, ensuite la violette, puis la bleue, suivant la différente hauteur du soleil. Ces couleurs se forment à-peu-près de la même maniere que celles de l’arc en-ciel.

L’usage des nuées est fort considérable.

1°. Elles soutiennent & contiennent la matiere dont la pluie est formée. En effet, comme elles se forment le plus au-dessus de la mer, & qu’elles sont ensuite emportées par les vents en différentes contrées, elles peuvent alors servir à humecter la terre, à l’aide de la pluie qui en tombe, & dont elles fournissent elles-mêmes la matiere. Ce qui nous fait connoître la sagesse infinie du Créateur, qui a remedié par-là à un grand inconvénient ; car si les rivieres & les lacs ne se débordoient pas, la terre ne manqueroit pas de se dessécher & de devenir stérile, sans le secours des nuées & de la pluie, qui rendent par-tout la terre fertile.

2°. Les nuées couvrent la terre en différens endroits, & la défendent contre la trop grande ardeur du soleil, qui pourroit la dessécher & la brûler. Par-là toutes les plantes ont le tems de préparer les sucs dont elles se nourrissent ; au-lieu qu’autrement elles se seroient developpées beaucoup trop tôt par la chaleur du soleil, & plusieurs de leurs vaisseaux se seroient trop dilatés, ce qui les auroit mis hors d’état de pouvoir recevoir leur nourriture.

3°. Les nuées semblent être une des principales causes des vents libres qui souflent de toutes parts, & qui sont d’une très-grande utilité.

Cet article est tiré en entier de l’essai de Physique de M. Musschenbroch, pag. 749. & suiv.

Nuée, colonne de, (Critiq. sacrée) les Israëlites en sortant d’Egypte, furent toujours conduits dans le désert par une colonne de nuée pendant le jour, laquelle devenoit colonne de feu pendant la nuit. Cette colonne étoit d’ordinaire à la tête de l’armée des Israëlites ; mais quand ils furent arrivés sur le bord de la mer Rouge, elle vint se placer entre le camp des Israëlites & celui des Egyptiens, qui les poursuivoient. Cette nuée continua toujours depuis à suivre le peuple dans le désert : l’ange du Seigneur gouvernoit les mouvemens de cette nuée ; & elle servoit de signal pour camper & décamper, ensorte que le peuple s’arrêtoit dans l’endroit où elle se fixoit, & ne partoit que lorsqu’elle se levoit. Ce récit de la colonne de nuée & de feu, se trouve dans l’Éxode, ch. xiij. v. 20 & 21. ch. 40. v. 34 & 35. & plus au long dans les nombres, ch. ix. 15. 22.

Un critique moderne a fait un savant mémoire pour prouver que cette colonne de nuée & de feu ne doit pas être interprétée miraculeusement, & qu’elle ne désigne qu’un signal pour diriger la marche des Israëlites dans le désert. Comme la dissertation de ce critique est très-rare, & écrite dans une langue étrangere, on sera peut-être bien-aise d’en trouver ici l’analyse.

Le critique anglois dont je parle, commence par observer que le style de l’ancien Testament est extrèmement hyperbolique, non-seulement dans les livres poétiques, mais aussi dans ceux qui sont écrits en prose. Tout ce qui est beau en son genre, est attribué à Dieu. Un puissant prince ou un patriarche, comme Abraham, est nommé un patriarche de Dieu ; Ninive est appellée une ville grande à Dieu ; une armée nombreuse, l’armée de Dieu ; de hautes montagnes, les montagnes de Dieu ; un profond sommeil, un sommeil du Seigneur ; une vive crainte, la crainte du Seigneur, &c. Ces préliminaires suffisent pour l’intelligence de quelques expressions qui se rencontrent dans le récit de Moïse sur la colonne de