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On doit observer aussi que les lois de diete établies aux articles généraux alimens & régime, & dans tous les articles particuliers de die e répandus dans ce Dictionnaire, portent sur la variété des alimens déduite de cet alliage dont nous venons de parler ; mais plus encore de la diversité du tissa du parenchyme, dans lequel la matiere nutritive est enfermée. Ainsi le mot aliment est pris dans tous ces articles in concreto, comme synonyme à chose mangée, & non pas dans un sens étroit, comme nous l’avons pris dans cet article. (b)

NOURRITURE, s. f. (Médecine.) tout corps qui subsiste par le moyen des fonctions vitales & animales, & qui par des frottemens insensibles, vient à bout d’user les solides ; tout corps qui change ses humeurs, & chasse dehors celles qui sont superflues, a besoin d’un supplément analogue à l’action particuliere de l’organe qui est le laboratoire du chyle ; or toutes les substances prises intérieurement, & capables de fournir la matiere qui peut réparer nos pertes, s’appellent nourritures ou alimens, tant solides que fluides.

Ces nourritures doivent varier suivant l’âge & l’état actuel du corps ; les femmes grosses, les nourrices, les sujets robustes, les personnes toibles, les oisifs, ceux qui sont beaucoup d’exercice, les gens en santé, les malades & les convalescens, doivent se nourrir différemment. Il convient encore d’avoir égard aux différences des tems de l’année, & des saisons.

Les nourritures trop abondantes distendent l’estomac, le chargent, causent des anxiétés, des douleurs, la compression des parties adjacentes, le dégoût, la nausée, le vomissement, le cours de ventre. Les choses crues séjournent trop dans ce viscere, lorsque dans cet état elles viennent à passer dans les voies de la circulation, elles produisent la cacochimie, la crudité des humeurs, leur pourriture, & l’affoiblissement des forces. Au commencement il est aisé de prévenir tous ces maux par le vomissement, par des évacuations abondantes, & par une diete ménagée. Les accidens qui succedent par la suite, se guérissent par la sobriété, par l’exercice du corps, & par l’usage des stomachiques.

Quand on prend moins de nourriture qu’il ne faut, il survient d’abord une faim insupportable, mais qui se passe d’elle même ; au lieu que la soif ne fait qu’augmenter. De-là le défaut d’humidité & la rétention des choses inutiles, d’où résulte un amas de parties hétérogenes, qui empêchent la génération des esprits & des autres humeurs. La fin de tous ces accidens, est une foiblesse excessive qui seroit suivie de la mort, si on n’y portoit remede. Les corps une fois tombes dans un tel degré de foiblesse, ont besoin d’alimens legers, succulens, pris chaque fois en petite quantité ; il faut donc y subvenir par l’application & l’injection des choses nourrissantes.

Les alimens tenaces, salés, fumés, gras, glutineux, difficiles à se digérer par la force de l’estomac & des intestins, & par la viscosité des sucs qui abondent dans ces parties, donnent au chyle & aux humeurs des qualités nuisibles à la santé ; ils chargent les organes de la chylification de particules hétérogenes, âcres, putrides, & causent en conséquence un grand nombre de maladies, telles que le dégoût, l’ardeur du ventricule, la cardialgie, l’anxiété, le hoquet, les rots, la puanteur, le flux de ventre, le cholera, la dyssenterie, & une infinité d’autres maux.

Il faut chasser hors du corps par le secours des relâchans & des minoratifs, toutes les humeurs corrompues qui se sont amassées dans les premieres voies, en prévenir le retour par des remedes opposés, recourir ensuite aux stomachiques & aux savon-

neux, pour rendre à l’estomac son ton naturel, & aux

humeurs qui y abondent, leur saponacité ordinaire.

Il vaut mieux pour la santé prendre plus souvent de la nourriture en petite quantité, que de laisser trop de distance entre les repas. L’exercice violent aussi-tôt après avoir mangé, a l’inconvénient de porter des crudités dans le sang. L’estomac même chargé de nourriture, cause ordinairement des inquiétudes pendant le sommeil.

Toutes les especes différentes de nourriture ne produisent pas le même genre de maladies. Il faut user d’alimens mûrs, parce que ceux qui ne le sont point, deviennent difficiles à digérer. Ceux qui sont ténaces, faute d’avoir été cuits ou rotis, produisent un mauvais chyle. Les alimens d’habitude & qui plaisent, se digerent beaucoup mieux, quoiqu’ils soient d’une plus mauvaise qualité, que les alimens auxquels on n’est point fait, & qui ne flattent point le goût. Les alimens âcres, sales, fumés, torréfiés, nidoreux, sont aussi nuisibles, que les alimens simples & d’un bon suc sont salutaires ; mais les alimens trop faciles à digérer ne réparent point assez les forces des laboureurs, des ouvriers, & des gens robustes qui exercent beaucoup la machine.

Les farineux, les légumineux, les mucilagineux pris en trop grande abondance, produisent une pituite acide, des flatuosités, & le gonflement de l’estomac ; on y remédie par des résolutifs alkalins. Quant aux matieres retenues dans la capacité du bas-ventre, il les faut évacuer par des minoratifs. Les fruits acescens, saponacés, fermentent aisément dans les premieres voies, y causent des vents, des aigreurs, la colique, & la diarrhée. Pour calmer toutes ces maladies, il est besoin de recourir aux spiritueux, aux aromatiques, & aux autres remedes capables d’absorber l’acide.

Les corps gras, oléagineux, qui par leur rancidité produisent la cardialgie, la colique, l’ardeur du ventricule, le flux de ventre bilieux, demandent l’usage des purgatifs aigrelets, & les remedes acides saponacés, pour les résoudre, & modérer leur action. La chair des animaux, des poissons, les œufs, les choses succulentes qui sont devenues nidoreuses, & qui ont été suivies de la colliquation d’humeurs, requierent les antiseptiques legerement acides. L’usage des vineux, des spiritueux, dont la boisson produit l’ivresse & le tremblement, doit être insensiblement abandonné. Les alimens doux, sucrés, mielleux, la bierre nouvelle, le moût de vin, en un mot, toutes les substances qui fermentent facilement & dégénerent en acide, sont la source d’aigreurs & de maladies de nerfs, qu’il convient de traiter par les alkalis, les aromatiques combinés avec les résineux & les corroborans. Les aqueux tiedes pris souvent & abondamment, affoiblissent le ton de l’estomac, donnent lieu au relâchement du corps, à la pâleur, au froid des parties, au tremblement, à la foiblesse, & à la trop grande ténuité des humeurs. Tous ces accidens se guérissent par l’usage modéré des mêmes boissons froides mêlées avec les stomachiques corroborans. (D. J.)

Nourriture ou subsistance des animaux ; elle a fourni à M. Derham diverses remarques intéressantes, dont je vais donner l’extrait.

La premiere regarde le maintien d’un aussi grand nombre d’animaux qu’on en trouve répandus dans toutes les parties du monde ; la seconde est prise de la quantité de nourriture proportionnée à ceux qui la consument ; la troisieme, de la variété des alimens convenables à la diversité des animaux ; la quatrieme, de la pâture particuliere qui se trouve dans chaque lieu convenable aux créatures qui y ont été destinées ; la cinquieme, de l’admirable & curieux appareil d’organes qui servent à amasser, à préparer &