Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou projet de l’acte s’appelloit scheda ; l’acte n’étoit point obligatoire ni parfait jusqu’à ce qu’il eût été écrit en toute lettre, & mis au net ce que l’on appelloit in purum seu in mundum, rédiger. Cette opération qui revient assez à ce que nous appellons grosse des contrats, se faisoit par les tabellions, & s’appelloit completio contractus : c’est pourquoi, en la loi contractus ou code de fide instrum. il est dit que les parties pouvoient se retracter jusqu’à ce que le contrat fût mis au net & confirmé par la souscription des parties.

Cette souscription n’étoit pas au seing manuel de leur nom ; elle consistoit à écrire au-bas du contrat que les parties l’avoient pour agréable, & accordoient ce qui y étoit contenu ; & à l’égard de leur seing, appellé signum, ce n’étoit autre chose que l’apposition de leur sceau ou cachet particulier, dont ils usoient communément outre la souscription.

Lorsque les contractans ne savoient pas écrire, un ami étoit reçu à souscrire pour eux, ou bien le tabellion ; celui-ci ne souscrivoit pas le contrat, il falloit seulement qu’il l’écrivît tout-au-long, il n’étoit pas non plus nécessaire que les témoins souscrivissent l’acte ; il suffisoit de faire mention de leur présence, excepté dans les donations faites par l’empereur qu’ils devoient souscrire.

Ce que les parties & les témoins souscrivoient & scelloient de leurs sceaux n’étoit pas la note ou minute du notaire, c’étoit la grosse, appellée completionem. En effet, suivant la loi contractus, il eût été inutile de signer une schede, puisqu’elle n’étoit point obligatoire : d’ailleurs le tabellion délivroit sa grosse sans être tenu d’en faire registre ni de conserver ensuite la note sur laquelle il avoit expédié la grosse, ensorte que cette note n’étoit plus regardée que comme un brouillard inutile ; car ce que l’on appelloit en droit breves, brevia, brevicula, n’étoient point les notes & minutes des obligations, mais seulement des notes particulieres écrites briêvement.

Tous ces usages passerent dans les Gaules avec la domination des Romains.

Les formules de Marculphe & celles qui ont été depuis recueillies par les plus célebres auteurs contiennent divers contrats, où il est fait mention qu’un notaire a été appellé pour les écrire, mais tous ne sont conçus qu’en terme d’écriture privée, on y trouve même la formule de l’acte d’apport, par lequel le magistrat sur le requisitoire des parties ordonnoit que des écritures seroient registrées apud acta, pour les rendre authentiques & exécutoires.

Il y avoit aussi des notaires en France dès le commencement de la monarchie : le roi avoit ses notaires ou secrétaires qui expédioient les actes de sa chancellerie.

Les évêques, les abbés, les comtes étoient obligés d’avoir aussi leur notaire, comme il paroît par un capitulaire de Charlemagne de l’an 805.

Mais on passoit alors peu d’actes par écrit ; l’ignorance étoit si grande, que peu de personnes savoient écrire ; la plûpart des conventions n’étoient que verbales ; pour y donner plus de force, on les faisoit en présence de témoins.

Lorsqu’il s’agissoit d’actes importans, que l’on vouloit rédiger par écrit, on les passoit assez ordinairement en présence & sous l’autorité des comtes ou des évêques, & il est à croire que les notaires de ceux-ci étoient employés à écrire les actes ; mais ils ne les recevoient point comme officiers publics, ils prêtoient seulement leur main, soit comme secrétaires de celui en présence duquel on contractoit, soit comme personnes versées dans l’écriture, & l’acte ne tiroit sa force & son authenticité que du

sceau qui y étoit apposé, & de la présence des témoins que l’on y appelloit.

Le savant P. Mabillon, dans son traité de la diplomatique, dit qu’après une exacte recherche dans les plus célebres bibliotheques, tant du royaume que des pays étrangers, il n’a trouvé aucun contrat passé devant notaires comme officiers publics avant l’année 1270.

On tient communément que ce fut saint Louis qui érigea les notaires en titre d’office, & que les premiers de cette espece furent les soixante notaires qu’il créa pour le châtelet de Paris. Voyez Notaires au Chatelet. (A)

Notaires, par rapport au contrôle des actes, l’une des qualités les plus essentielles des actes, des contrats, des obligations, étant d’avoir une date sûre, constante & authentique ; & l’un des principaux devoirs des notaires étant de la leur assurer, il ne sera pas inutile de rappeller ici les principes d’une matiere aussi intéressante, & d’une utilité si générale pour la société.

Une loi qui porte sur les opérations les plus importantes de la société, puisqu’elle intéresse toutes les conventions qui se font entre citoyens ; une loi qui n’est pas seulement une formalité embarrassante par elle même, mais que la nécessité des ressources a rendue une imposition considérable, dont les actes & contrats se trouvent chargés, est, sans contredit, l’une des matieres qui meritent le plus d’être connues, développées, approfondies par ceux qui paient, par ceux qui reçoivent, par ceux qui gouvernent. C’est le seul moyen de faire reconnoître aux redevables ce qu’ils doivent, & pourquoi ; d’apprendre à ceux qui sont chargés de la perception, quelles sont les bornes dans lesquelles ils doivent se renfermer, & de remettre sous les yeux du gouvernement le véritable esprit des lois faites ou à faire.

Le contrôle peut être envisagé, 1°. en général ; 2°. relativement aux actes sur lesquels il porte ; 3°. en lui-même comme formalité & comme imposition ; 4°. dans son administration.

Le contrôle dont il est ici question, considéré en général, peut l’être dans sa définition & dans son établissement.

Dans sa définition, c’est une formalité qui a pour objet de constater la date des conventions, d’assurer l’authenticité des actes, & de prévenir les effets de la surprise, de la négligence & de la mauvaise foi. Le droit ajouté à la formalité, n’en constitue point l’utilité ; mais il ne la détruit pas.

L’origine d’une formalité si nécessaire pour la société, remonte bien plus haut que les édits & les déclarations qui ont établi le contrôle des actes proprement dit. Il ne faut pas s’arrêter aux mots ; les idées seules méritent de nous occuper.

Le contrôle a existé dès le moment que la supercherie s’est introduite dans la société, & que les hommes ont eu respectivement intérêt de s’en garantir.

La simplicité des esprits, la pureté des cœurs, le peu d’importance des affaires, la facilité de la plûpart des conventions, la rareté de quelques autres, & plus que tout le reste, la bonne foi des premiers âges, ont d’abord rendu les conventions verbales les plus communes, & les seules nécessaires. Ces conventions ne se passoient même qu’entre les parties intéressées. Elles se fioient alors mutuellement les unes aux autres : elles convinrent ensuite d’appeller des témoins, premiere origine du contrôle.

A ces témoins, on ajouta la sureté des écrits, qui contrôlerent la preuve testimoniale, & qui furent eux-mêmes contrôlés par l’établissement d’offi-