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grosseur d’une aveline ou d’une petite noix, anguleuses, plus ou moins raboteuses, pesantes, de couleur blanchâtre, verdâtre ou noirâtre, compactes & résineuses en-dedans, d’un goût astringent & acerbe : celles de notre pays sont rondes, rougeâtres ou rousses, polies à leur superficie, légeres, faciles à rompre, d’une substance plus raréfiée, spongieuses & quelquefois creuses. Elles sont moins bonnes pour la teinture que celles du levant. Elles n’étoient pas inconnues aux anciens. Les premieres s’appelloient ὀμφακίτες, & les autres ὀνοκίτες, comme si l’on disoit noix de galle des ânes.

Nous venons de voir que les noix de galle different par leur figure, par leur couleur & par leur surface polie ou raboteuse. Il est vraissemblable que ces différences dépendent principalement de la variété des especes d’insectes qui piquent les chênes. Comme les insectes d’un pays ne sont pas tous pareils à ceux d’un autre pays, quoique peu éloigné, il arrive par cette raison que sur la même espece de chêne, on voit croître en Italie des galles fermes, grosses & solides, pendant qu’en France elles sont molles, petites, &, à proprement parler, des fausses galles.

Les meilleures galles nous viennent de Tripoli, & sur-tout d’Alep & de Mozul sur le Tibre. On en recueille dans le Levant une si grande quantité, qu’on en tire de Smyrne seule plus de dix mille quintaux par an. La noix de galle des Turcs, qu’ils nomment bazgendge. est rougeâtre, de la grosseur d’une noisette, & est employée dans leur écarlate : ce fruit est fort cher en Europe.

Les noix de galle servent dans les arts. Je sai bien que, comme elles sont fort astringentes, quelques médecins les recommandent intérieurement dans les dissenteries, les flux de ventre & les hémorrhagies ; mais outre que ces maladies demandent des remedes extremement variés, suivant leur nature & leurs causes, & que dans plusieurs cas les noix de galle seroient plutôt nuisibles que salutaires, il faut encore convenir que, dans les cas où elles seroient utiles, on a des remedes beaucoup plus énergiques à mettre en usage.

M. Reneaume, membre de l’académie des Sciences, a cru avoir découvert dans les noix de galle un second spécifique pour les fievres intermittentes ; mais la vertu fébrifuge qu’il leur attribuoit, n’a point été confirmée par l’expérience, & la théorie de la fievre de ce médecin, sur laquelle il fondoit son remede, étoit pitoyable.

On emploie les noix de galle extérieurement pour resserrer & répercuter, pour affermir & fortifier les parties qui sont trop relâchées. On s’en sert dans des injections & dans des fomentations astringentes pour guérir la chûte de la matrice, & celle de l’anus qui vient du relâchement du sphincter. Elles entrent aussi dans quelques emplâtres & onguens astringens, comme dans l’emplâtre pour les hernies, appellée communément emplâtre contre les ruptures, de Charas.

Elles servent encore en Chimie à éprouver la nature des eaux minérales : elles donnent à la solution du vitriol la couleur noire, ou plutôt celle de violette foncée ; savoir, lorsque le sel alkali des noix de galle se joint au sel acide vitriolique, & en fait séparer les parties métalliques ; alors ces particules ne vont pas au fond de la liqueur, mais elles s’unissent avec les particules sulphureuses des noix de galle, lesquelles nagent dans le fluide & soutiennent les particules métalliques. Par cette raison l’infusion ou la décoction de ces noix sert aux Chimistes & aux Physiciens pour l’examen des eaux minérales ; car si elles contiennent un sel vitriolique, ou un peu de fer ou de cuivre, cette infusion

ou cette décoction donne à ces eaux la couleur noire, violete, pourpre ou tirant sur le pourpre, selon qu’elles contiennent plus ou moins de sel métallique.

Cependant le principal usage des noix de galle est réservé pour les arts, pour les teintures du grand & sur-tout du petit teint, pour les corroyeurs & autres ouvriers en cuir, enfin pour faire de l’encre. Les Teinturiers emploient les galles étrangeres, dites galles à l’épine pour teindre en noir, & les galles de France, qu’ils nomment cassenolles, pour former en soie le noir écru. (D. J.)

Noix de galle, (Chimie & Matiere médicale.) noix de galle d’Alep, & noix de galle de notre pays.

Ces deux especes de noix de galle sont fort analogues quant à leur composition intérieure ou chimique ; mais les premieres sont meilleures, tant pour les usages chimiques que pour ceux de la médecine & ceux des arts.

La noix de galle possede éminemment le goût acerbe, austere, stiptique, propre aux écorces des bois & à celles de quelques fruits, par exemple de la grenade. On a coutume d’attribuer cette saveur à un sel vitriolique ou alumineux, & à un principe terreux très surabondant & presque nud. La propriété que possede la noix de galle de précipiter les sels métalliques, principalement observée dans ses effets sur le vitriol de Mars, indique assez bien ce principe terreux ; mais & la démonstration chimique de la nature de la noix de galle & la théorie des phénomenes qu’elle présente, lorsqu’on l’applique aux différentes dissolutions de fer, manquent également à la Chimie jusqu’à présent. L’observation nue des faits a seulement appris que la poudre ou la décoction filtrée de noix de galle étant mêlée en petite quantité à une liqueur qui contient la moindre parcelle de fer, dans quelque état que ce soit, y manifeste ce métal sous la forme d’un précipité plus ou moins divisé, plus ou moins rare, selon qu’il est plus ou moins abondant, & de différentes couleurs proportionnelles à ses différens degrés de tenuité & d’abondance, dans l’ordre suivant : le précipité à peine sensible est d’une couleur de rose tendre, il devient par nuances paillé, vineux, gros-rouge, violet, bleu foncé, & enfin noir, c’est-à-dire bleu très-foncé. Voyez Noir. Cette derniere nuance est celle de l’encre, qui n’est autre chose qu’une forte dissolution de vitriol martial précipité par la noix de galle, & dans laquelle le précipité est constamment suspendu par une matiere gommeuse dont cette liqueur est en même tems chargée. Voyez Encre & Vitriol.

Quant aux vertus médicamenteuses de la noix de galle, nous avons à en dire exactement la même chose que des noix de cyprès. Voyez Cyprès, mat. méd. M. Reneaume, médecin de Paris, a donné sur leurs vertus fébrifuges un mémoire à l’académie royale des Sciences, an. 1711. (b)

Noix d’Inde, nux Indica, (Médecine.) est le fruit d’un arbre qui croît dans les Indes, & qu’on appelle cocotier. Voyez Cacao & Chocolat.

Noix de Madagascar, (Botan. exot.) noix grosse comme une noix de galle, ronde, légere, de couleur de châtaigne, ayant l’odeur & le goût du girofle, mais beaucoup plus foible, & contenant quelques pepins ou semences : on nous l’apporte de Madagascar ; c’est le fruit d’un arbre appellé dans le pays ravendsara. (D. J.)

Noix métel, (Médecine.) voyez Pomme épineuse.

Noix muscade, (Botan. exot.) voyez Muscade.

Noix vomique, (Botan. exot.) amande ou fruit de différente grosseur, que nous recevons des Indes