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vaincue par les armes romaines, auroit pû se vanter d’être victorieuse par la force de l’esprit.

On blâme néanmoins Velleïus Paterculus, & avec raison, d’avoir prostitué sa plume aux louanges d’un Tibere & d’un Séjan ; mais voilà ce qui doit toujours arriver aux écrivains qui travailleront pour donner pendant leur vie l’histoire de leur tems, celle des princes, ou de ceux de qui les fils regnent encore.

L’ouvrage de Velleïus Paterculus a été publié pour la premiere fois par Rhénanus en 1520, & depuis lors on en a fait grand nombre d’éditions : je ne les citerai point ici, c’est assez de remarquer que celle de Dodwelt à Oxsort en 1693, in-8°. est d’autant meilleure que ses Annales velleïani qu’il a mises à la tête, sont un morceau précieux de littérature, par la vaste connoissance de l’antiquité qui s’y rencontre. Mais si nous avons d’excellentes éditions de Paterculus, nous n’avons point de bonnes traductions en aucune langue de cet habile historien. M. Doujat en donna une version françoise en 1679, & suppléa à ce qui manque dans l’original. Il devoit plûtôt songer à perfectionner sa traduction, car il siéroit mal à un chinois, dans mille ans d’ici, de remplir les vuides de l’Histoire de Louis XIV. de Pélisson.

Stace, célebre poëte, né & mort à Naples, fleurissoit sous l’empereur Domitien ; nous réservons son article au mot Poeme épique.

Entre les modernes, je trouve d’abord Majus (Junianus) qui vivoit dans le xv. siecle, & qui ne dédaigna point, quoique gentilhomme, d’enseigner les belles-lettres dans sa patrie. Il eut entr’autres disciples le célebre Sannasar, qui en poëte reconnoissant, éleve jusqu’au ciel les talens de son maître. Il est sûr qu’il contribua par ses leçons & par ses livres, à rétablir le bel usage de la langue latine. Son traité de proprietate priscorum verborum, parut à Naples en 1475, & nous apprenons par cette édition, que celui qui commença d’exercer l’imprimerie dans cette ville, étoit un allemand nommé Mathias le Morave. Mais Majus se distingua sur-tout par l’explication des songes. Ce fut le plus grand onéirocritique de son siecle, & l’on recouroit à lui de toutes parts, pour savoir ce que présageoit tel ou tel songe. C’est une triste & ancienne maladie des hommes, d’avoir imaginé qu’il y a des songes qui présagent l’avenir ; car la plûpart des personnes qui sont une fois imbues de cette extravagance, se persuadent que les images qui leur passent dans l’esprit pendant leur sommeil, sont autant de prédictions menaçantes, & pour un fou qui les envisage du côté favorable, il y en a cent qui les considerent comme des augures malheureux.

Sannazar (Jacques) né en 1458, s’est fait un nom considérable par ses poésies latines & italiennes : il a composé en latin des élégies, des églogues, & un poëme sur les couches de la sainte Vierge, qui est estimé malgré le mélange qui s’y trouve des fictions de la fable avec les mysteres de la religion. Son Arcadie est la plus célebre de ses pieces italiennes : les vers & la prose de cet ouvrage plaisent par la délicatesse des expressions, & par la naïveté des images. Il mourut en 1530. Ses œuvres latines ont été publiées à Amsterdam en 1689, & plus complettement à Naples en 1718, avec l’éloge de l’auteur à la tête. Il se fit appeller Actius Syncerus Sannasarius, selon l’usage des savans de son tems, qui changeoient volontiers leur nom. Il se composa lui-même l’épitaphe suivante :

Actius hic situs est, cineres gaudete sepulti :
Jam vaga post obitus umbra dolore vacat.

Bembo lui fit celle-ci qui est d’une latinité plus pure.

Da sacro cineri illi flores ; hic ille Maroni
Syncerus Musâ proximus, & tumulo.

Marini (Jean-Baptiste) connu sous le nom de Cavalier marin, naquit à Naples en 1569, & se fit de la réputation par ses poésies italiennes ; on estime sur-tout son poëme d’Adonis : il est mort en 1625.

Borelli (Jean Alphonse) célebre mathématicien, est connu de tous les gens de l’art par deux excellens traités, l’un de motu animalium, & l’autre de vi percussionis, imprimé à Rome en 1680, in-4°. Il mourut dans cette ville le 31 Décembre 1699.

Gravina (Janus Vincentius) littérateur & célebre jurisconsulte, a été successivement comblé de bienfaits par Innocent XII. & par Clément XI. Il mourut à Rome en 1718, à 58 ans. La meilleure édition de ses ouvrages est celle de Leipsic en 1737, in-4°. avec les notes de Mascovius : on regarde ses trois livres de l’origine du Droit, originum Juris, libri tres, comme le plus excellent traité qui ait paru jusqu’ici sur cette matiere.

Je puis nommer certainement trois grands artistes napolitains, l’un en Peinture, l’autre en Sculpture, & le troisieme en Musique.

Rosa (Salvator) peintre & graveur, naquit en 1615, il a fait des tableaux d’histoire, mais il a principalement réussi à peindre des combats, des marines, des sujets de caprice, des animaux, des figures de soldats, & sur-tout des paysages, dans lesquels on admire le feuiller de ses arbres ; on a aussi quelques morceaux gravés de sa main qui sont d’une excellente touche. Il mourut à Rome en 1673.

Bernini (Jean-Laurent, surnommé le Cavalier) né en 1598, mort en 1680, étoit un génie bien rare par ses talens merveilleux dans la Sculpture & l’Architecture. Il a embelli Rome de plusieurs monumens d’architecture qui font l’admiration des connoisseurs ; tels sont le maître autel, le tabernacle, & la chaire de l’église de saint Pierre, la colonade qui environne la place de cette église, les tombeaux d’Urbain VIII. & d’Alexandre VII. la statue équestre de Constantin, la fontaine de la place Navone, &c. tous ces ouvrages ont une élégance, une expression dignes de l’antique. Personne n’a donné à ses figures plus de vie, plus de tendresse, & plus de vérité. Louis XIV. l’appella à Paris en 1665, pour travailler au dessein du Louvre, & le récompensa magnifiquement, quoique les desseins de Claude Perrault aient été préférés aux siens pour la façade de ce bâtiment du côté de saint Germain l’Auxerrois.

Le Pergolèse, un des plus grands musiciens de ce siecle : son mérite supérieur & prématuré parut un crime aux yeux de l’envie. On sait que l’école de Naples est la plus féconde en génies nés pour la musique, mais personne ne l’a porté plus loin que le Pergolèse, dans l’âge où l’on est encore sous la discipline des maîtres ; la facilité de la composition, la science de l’harmonie, & la richesse de la mélodie. Sa musique parle à l’esprit, au cœur, aux passions. Ses ouvrages sont des chefs-d’œuvre, la serva Padrona ; il maestro di musica intermedes ; un Salve regina, & le Stabat mater, qu’on regarde comme son chef-d’œuvre ; il est mort à l’âge de 22 ans, en finissant la musique du dernier verset. (D. J.)

Naples, royaume de, (Géog.) grand pays d’Italie, dont il occupe toute la partie méridionale. Il est borné au N. O. par l’état ecclésiastique, & de tous les autres côtés par la mer. Il a environ 300 milles de longueur, & près de 80 milles de largeur. Les tremblemens de terre y sont fréquens, mais d’ailleurs c’est une contrée délicieuse, où l’air est très-sain, & la terre très-fertile en grains, vins, & fruits excellens. On divise ce royaume en douze