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comme il vouloit du tiers de sa terre.

Le noble en mariant son fils ou en le faisant recevoir chevalier, devoit lui donner le tiers de sa terre, & le tiers de la terre de sa mere, si elle en avoit une.

Quand on demandoit à un noble, qui n’étoit pas encore chevalier, une partie de son héritage, il obtenoit en le demandant un répit d’un an & jour.

Du tems que les duels étoient permis, les nobles se battoient en duel à cheval entre eux & contre un roturier lorsqu’ils étoient défendeurs ; mais lorsqu’un noble appelloit un roturier en duel pour crime, il devoit se battre à pié.

Lorsque le seigneur, pour quelque méfait d’un noble son vassal, confisquoit ses meubles, le noble qui portoit les armes avoit droit de garder son palefroi ou cheval de service, le roussin de son écuyer, deux selles, un sommier ou cheval de somme, son lit, sa robe de parure, une boucle de ceinture, un anneau, le lit de sa femme, une de ses robes, son anneau, une ceinture & la boucle, une bourse, ses guimpes ou linges qui servoient à lui couvrir la tête.

La femme noble qui marioit sa fille sans le conseil du seigneur, perdoit ses meubles ; mais on lui laissoit une robe de tous les jours, & ses joyaux à l’avenant si elle en avoit, son lit, sa charrette, deux roussins, & son palefoi si elle en avoit un.

Le mineur noble ne défendoit pas en action réelle avant qu’il eût atteint l’âge de majorité féodale, si son pere étoit mort saisi des biens que l’on répétoit.

Au commencement les nobles ne payoient point les aides qui s’imposoient pour la guerre, parce qu’ils contribuoient tous de leurs personnes. Dans la suite lorsqu’on les obligea d’y contribuer, il fut ordonné qu’on les croiroit aussi-bien que les gens d’église sur la déclaration qu’ils feroient de leurs biens, sauf néanmoins aux élus à ordonner ce qu’ils jugeroient à propos s’il y avoit quelque soupçon de fraude.

Quelques nobles alloient jusqu’à prétendre qu’ils avoient droit d’arrêter la marée & autres provisions destinées pour Paris qui passoient sur leurs terres, & de les payer ce qu’ils jugeroient à propos.

Il étoit défendu à toutes personnes de faire sortir de la vaisselle d’argent hors du royaume, excepté aux nobles qui en pouvoient faire sortir, mais néanmoins en petite quantité & pour l’usage de leur maison seulement.

Les plus notables d’entre les nobles devoient avoir un étalon ou patron des monnoies, afin que leur poids & leur loi ne pussent être changés.

En fait de peines pécuniaires, les nobles étoient punis plus rigoureusement que les roturiers ; mais en fait de crime, c’étoit tout le contraire, le noble perdoit l’honneur & repons en cour, tandis que le vilain qui n’avoit point d’honneur à perdre étoit puni en son corps.

En Dauphiné on ne devoit point faire de saisie dans les maisons des nobles, lorsqu’ils avoient hors de leurs maisons des effets que l’on pouvoit saisir.

Les nobles avoient aussi un privilege singulier dans l’université d’Angers, les roturiers qui y étoient devoient payer 20 sols par an, au-lieu que les docteurs régens devoient pour les nobles ou prélats se contenter de ce que ceux-ci leur présenteroient volontairement ; mais dans la suite les nobles furent taxés à 40 sols par an.

Les nobles demeurant dans le bourg de Carcassone prétendoient n’être pas tenus de contribuer aux dépenses communes de ce bourg.

L’ordonnance de 1315 pour les nobles de Champagne, dit que « nul noble ne sera mis en gehenne (c’est-à-dire à la question ou torture) si ce n’est pour cas dont la mort doive s’ensuivre, & que les

présomptions soient si grandes qu’il convienne le faire par droit & raison ».

Privileges actuels des nobles. Ils consistent, 1o . à pouvoir prendre la qualité d’écuyer ou de chevalier, selon que leur noblesse est plus ou moins qualifiée, & à communiquer les mêmes qualités & les privileges qui y sont attachés à leurs femmes quoique roturieres, & à leurs enfans & autres descendans mâles & femelles.

2o . A être admis dans le corps de la noblesse, assister aux assemblées de ce corps, & à pouvoir être député pour ce même corps.

3o . Les nobles sont présentement le second ordre de l’état, c’est-à-dire que la noblesse a rang après le clergé & avant le tiers état, lequel est composé des roturiers. Les nobles ont le rang & la préséance sur eux dans toutes les assemblées, processions & cérémonies, à moins que les roturiers n’ayent quelque autre qualité ou fonction qui leur donne la préséance sur ceux qui ne sont pas revêtus du même emploi ou de quelque emploi supérieur.

4o . Les nobles sont seuls capables d’être admis dans certains ordres réguliers, militaires & autres, & dans certains chapitres, bénéfices & offices, tant ecclésiastiques que séculiers, pour lesquels il faut faire preuve de noblesse, en cas de concurrence ils doivent être préférés aux roturiers.

5o . Ils ont aussi des privileges dans les universités pour abréger le tems d’études & les degrés nécessaires pour obtenir des bénéfices en vertu de leurs grades.

Suivant la pragmatique, le concordat, & l’ordonnance de Louis XII. article viij. bacheliers en droit canon, s’ils sont nobles ex utroque parente, & d’ancienne lignée, sont dispensés d’étudier pendant cinq ans, il suffit qu’ils ayent trois ans d’étude, & les religieux même quoique morts civilement, jouissent en ce cas de la prérogative de leur naissance lorsqu’ils sont nés de parens nobles.

La pragmatique regle aussi que pour le tiers des prébendes des églises cathédrales ou collégiales reservées aux gradués, les personnes nobles de pere & mere, ou d’ancienne famille, ne seront pas sujets aux mêmes regles que les roturiers ; qu’il leur suffit d’avoir étudié six ans en Théologie, ou trois ans en Droit canon ou civil, ou cinq ans dans une université privilégiée, en faisant apparoir aux collateurs de leurs degrés & de leur noblesse par des preuves en bonne forme.

Le concile de Latran permet aussi aux nobles de distinction & aux gens de lettres, sublimibus & litteratis, de posséder plusieurs dignités ou personnats dans une même église avec dispense du pape.

6o . Ils sont aussi seuls capables de prendre le titre des fiefs, des dignités, tels que ceux de baron, marquis, comte, vicomte, duc.

7o . Ils sont personnellement exempts de tailles & de toutes les impositions accessoires que l’on met sur les roturiers, & peuvent faire valoir par leurs mains une ferme de quatre charrues sans payer de taille. En Dauphiné & dans quelques autres endroits, les nobles payent moins de dixme que les roturiers, voyez l’édit de Février 1657, article vj.

8o . Ils sont aussi exempts des bannalités, corvées, & autres servitudes lorsqu’elles sont personnelles & non réelles.

9o . Ils sont naturellement seuls capables de posséder des fiefs, les roturiers ne pouvant en posséder que par dispense en payant le droit de francs-fiefs, auquel les nobles ne sont point sujets.

10o. Ils ont droit de porter l’épée, & ont seuls droit de porter des armoiries timbrées.

11o. Ils ont la garde-noble de leurs enfans.

12o. Dans certaines coutumes leurs successions