Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il y a grande apparence que M. Peiresc n’eut point cette copie exacte ; car il ne faut pas douter qu’il n’eût réussi à la déchiffrer. Il étoit naturel de penser que c’étoient les restes d’une inscription, & que ce temple avoit cela de commun avec quantité d’autres où l’inscription se voit encore. C’étoit la coutume du siecle d’Auguste de se servir de lettres de bronze pour les inscriptions des temples & des autres édifices d’une grande magnificence. Le temple de Jupiter tonnant, qu’on attribue à cet empereur, en avoit ; l’arc de Suse élevé à son honneur par M. Jul. Cotius, commandant des nations alpines, en étoit aussi décoré. Dans les siecles suivans, & jusqu’au tems de Constantin, on conserva le même usage. Les arcs de Titus, de Septime Severe eurent l’inscription entiere de métal ; au-lieu que celui de Constantin n’en eut que les glorieux titres de FVNDATORI QUIETI & de LIBERATORI VRBIS, sous le passage du grand arc.

Mais sans aller chercher des exemples si loin, nous pouvons produire les restes d’un bel édifice, qu’on a découverts depuis quelques années aux environs de la fontaine de Nîmes où l’inscription étoit en bronze. Chaque lettre étoit d’un assez grand relief pour ressortir au-delà du mur. De petits tenons ou crampons débordoient par-derriere, au-delà des jambages de chacune pour les fixer, & les tenir attachées aux trous où elles devoient être scellées. C’est l’idée qu’on doit s’en faire, & ne pas supposer qu’il y avoit à la frise une longue planche de bronze, sur laquelle on avoit gravé l’inscription, en sorte que les trous qui restent, ne soient que ceux des crampons qui la retenoient.

Ces suppositions arbitraires ne sont pas conformes aux usages des Romains. Quelle grace auroient eu ces lettres ? Lorsque le bronze étoit terni, on n’auroit pu les lire que de près, & avec peine. On n’épargnoit pas le bronze pour orner les temples. Sans parler ici des statues des dieux & des trophées qu’on plaçoit au faîte des bâtimens, dont le métal augmentoit l’éclat & la richesse : l’on sait qu’on s’en servit pour les portes de ces temples, & les chapiteaux des colonnes. On sait que l’arc de Constantin à Rome, & celui de Trajan à Ancone, en étoient ornés. Rien n’égaloit la grandeur & la magnificence de ces maîtres du monde. Les provinces les plus eloignées se piquoient d’être les émules de Rome : les princes secondoient toujours leurs desirs.

La méthode que l’ouvrier suivit pour attacher les lettres à la frise du temple de Nîmes, n’a pas été souvent pratiquée par les Romains. Aux autres édifices, les lettres à demi-gravées dans la pierre, y étoient retenues dans un petit canal ménagé au-dessous : ici il n’y en avoit point ; elles posoient à plat sur le mur où elles étoient scellées en plomb. Quoique cette premiere méthode fût plus sure que l’autre, on a cependant enlevé un grand nombre de ces lettres dans les tems où l’empire a souvent changé de maîtres, & où les Barbares se faisoient une gloire de détruire les plus beaux édifices des Romains. Mais du-moins alors quoiqu’on les eût arrachées, ou qu’elles fussent tombées d’elles-mêmes, le canal qui restoit, en conservoit la trace, & l’on a toujours pu lire les inscriptions. A Nîmes, dès que les caracteres ont disparu, il n’est resté qu’une multitude de trous dont l’application a paru très-incertaine, & la combinaison encore plus difficile.

Il n’y a pas lieu de douter que depuis le renouvellement des lettres, & sur-tout après que Gassendi eut fait connoître qu’au moyen des trous on pourroit deviner l’inscription, il n’y ait eu quantité d’habiles gens qui ont tenté de faire pour

celle-ci ce que Peiresc fit pour celle d’Assise. Ils se seront rebutés apparemment par la quantité de trous inutiles qui sont des méprises manifestes des ouvriers, inexactitude qu’on ne devoit pas même soupçonner chez les Romains. La différente maniere de cramponner les lettres qui n’a pas toujours été constante, & qui dépendoit des ouvriers, est une autre difficulté qui dérange les idées qu’on s’en est faite sur d’autres bâtimens, & qui devient encore plus embarrassante, lorsqu’à la même inscription on a suivi, comme dans celle-ci, des arrangemens différens pour les mêmes lettres : méprises, si l’on doit les appeller ainsi, dont il n’est aisé de s’appercevoir qu’après la découverte de l’inscription.

M. Séguier, au-bout de plusieurs tentatives ingénieuses dont on trouvera le détail dans sa dissertation, a découvert, à n’en pouvoir douter, qu’il y avoit anciennement sur la façade de ce temple l’inscription suivante : savoir, à la premiere ligne sur la frise :

C. CAESARI. AVGVSTI. F. COS.
L. CAESARI. AVGVSTI. F. COS.
DESIGNATO


& à la seconde ligne sur l’architrave :

PRINCIPIBVS. IVVENTVTIS

Cette inscription appartenoit aux fils adoptifs d’Auguste, & tout ce que les anciens monumens nous apprennent de ces princes, nous confirme d’une maniere authentique les titres & les qualités qu’ils portent dans l’inscription de Nîmes.

Il ne faut pas s’étonner que l’on ait poussé la flatterie jusqu’à élever aux fils d’Auguste un temple de leur vivant, puisque leur pere en avoit plusieurs ; ainsi des enfans qu’il aimoit tendrement (ses héritiers présomptifs) devoient partager avec lui les mêmes honneurs. Enfin l’édifice de Nîmes servoit à cette ville de moyen pour faire la cour à Auguste, en honorant la mémoire de deux princes si chers à l’empereur, & enlevés à la fleur de leurs ans.

M. Séguier parle ensuite du bronze, des crampons ou tenons des lettres, de la façon de les sceller en plomb, de l’impression que le métal a laissé en certains endroits du mur, des trous qu’on a faits pour l’attacher ; détails dans lesquels nous ne pouvons entrer ici, mais qui font connoître que l’auteur a étendu ses recherches à tout ce qui pouvoit le mener à la vraie connoissance de l’inscription.

Il finit sa dissertation en observant, que malgré la magnificence du bâtiment de Nîmes, les caracteres de l’inscription n’ont point cette élégance & cette belle proportion que l’on remarque dans ceux d’un âge qui succéda bientôt à celui-ci, quoique les médailles de ce même tems en offrent de meilleur goût. (D. J.)

NISSA, (Géog.) ville de la Turquie européenne, dans la Servie, aux confins de la Bulgarie, sur la riviere de Nissara, qui peu après se joint avec la Morave, à l’orient de la ville de Précop : c’est la Naissus des anciens. Nissa est à 8 lieues E. de Précop, 52 lieues S. E. de Belgrade. Long. 40. 30. lat. 43. 22.

L’époque du regne de Constantin né à Nissa, est une époque glorieuse pour la Religion qu’il rendit triomphante ; heureux s’il en eût pratiqué les maximes ! Mais le meurtre de Licinius son beau-frere, assassiné malgré la foi des sermens ; Licinien son neveu massacré à l’âge de douze ans ; Maximilien son beau-pere égorgé par son ordre à Marseille ; son propre fils Crispus, prince de grande espérance, mis injustement à mort, & après lui avoir gagné des batailles ; son épouse Fausta étouffée dans un bain ; tous ces crimes exécrables flétriront à jamais