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tianisme. Il fut condamné pour sa religion le 4 Novembre 1698 à être rompu vif sur la roue. L’intendant du Languedoc, dont la postérité n’a pas succé les maximes, avoit publié une ordonnance par laquelle il promettoit cinq mille livres (c’est dix mille livres actuelles), à qui livreroit morts ou vifs MM. Brousson & de Vivens. Le premier fut arrêté à Orléans le 19 Septembre 1698, conduit à Pau, & exécuté à Montpellier le 4 Novembre suivant sur un échafaud entouré de deux bataillons du régiment d’Auvergne, & de vingt tambours qui battoient la caisse ; mais enfin les esprits se sont adoucis en s’éclairant davantage.

L’abbé Cassaigne, docteur en Théologie, né & élevé à Nîmes, où son pere étoit trésorier du domaine, devint garde de la bibliotheque du roi. Il fut reçu à l’académie françoise à l’âge de 27 ans, & M. Colbert le nomma l’un des quatre premiers membres dont on composa d’abord l’académie des Inscriptions. On sait par cœur le trait piquant de Despréaux :

Si l’on est plus à l’aise assis en un festin,
Qu’aux sermons de Cassaigne, ou de l’abbé Cotin.

L’abbé Cotin fut désespéré d’une ironie où la fatale nécessité de la rime plaça son nom à côté de celui de Cassaigne. L’hémistiche manquoit à M. Despréaux : vous voilà bien embarrassé, lui dit Furtiere, que ne mettez-vous-là l’abbé Cotin ? L’abbé Cassaigne n’en fut pas moins affligé intérieurement ; il étoit sur le point de prêcher à la cour, & ce trait satyrique le fit renoncer à la chaire. Enfin l’étude & le chagrin lui dérangerent tellement la tête, que ses parens le firent enfermer à S. Lazare, où il mourut en 1679, à 46 ans. Il a publié entr’autres ouvrages une assez bonne traduction de Saluste, & des trois livres de Ciceron de Oratore ; outre une préface aux œuvres de Balzac, qui n’est pas mauvaise.

Cotelier. (Jean-Baptiste) de la société de Sorbonne, profond dans la connoissance de la langue greque, étoit de Nîmes. Il s’est distingué, 1°. par son recueil des monumens des Peres dans les tems apostoliques, Paris 1672, & Holl. 1698, 2. vol. in-fol. 2°. par ses monumens de l’église greque ; 3°. par sa traduction des homélies de S. Chrysostome ; 4°. par le catalogue des manuscrits grecs de la bibliotheque du roi, qu’il a dressé avec M. du Cange. Il mourut à Paris en 1684, à 58 ans.

Nicot, (Jean) natif de Nîmes, devint maître des requêtes de l’hôtel du roi, fut envoyé ambassadeur en Portugal en 1559, & en rapporta le premier dans ce royaume la plante qui de son nom fut appellée nicotiane, aujourd’hui si connue sous le nom de tabac. Il mourut en 1600. On a de lui un dictionnaire françois-latin in-fol. qu’il ne faut pas mépriser.

Petit, (Samuel) un des plus savans ministres calvinistes du xvij. siecle, fit encore plus d’honneur à la ville de Nîmes sa patrie. Nous avons de lui plusieurs ouvrages excellens, & tout remplis d’érudition. Les principaux sont, leges atticæ ; miscellaneorum libri novem ; ecclogæ chronologicæ variarum lectionum libri quatuor ; observationum libri tres, &c. Il mourut en 1648, âgé de 54 ans.

Finissons par M. Saurin, (Jacques) ministre protestant de ce siecle. Il avoit d’abord pris le parti des armes, mais il le quitta pour étudier à Genève la Théologie. Il passoit pour le prédicateur le plus éloquent des refugiés françois de Hollande. On créa en sa faveur une place de ministre de la noblesse à la Haye, où il mourut en 1630, à 53 ans. Ses sermons qui forment 11 vol. in 8°. ne sont pas tous également bons. Ses discours sur l’ancien & le nouveau Testament brillent davantage par les planches & la beauté de l’édition, que par le savoir & la solidité des principes. (D. J.)

Nismes, Maison quarrée de, (Architect. antiq. & rom. Inscript.) Le bâtiment que les habitans de Nîmes appellent la maison quarrée, est un édifice des Romains, qui forme la plus belle des antiquités de cette ville & la plus conservée. Le rapport de convenance de toutes les parties de l’édifice, la proportion des colonnes, la délicatesse des chapiteaux & des ornemens le font admirer des personnes de goût.

Le péristile qui y donne entrée, présente une façade ornée de six colonnes d’ordre corinthien, dont l’entablement & la corniche rampante du fronton sont décorés de tout ce que l’Architecture a de plus recherché. La frise de cette façade est toute lisse ; elle n’a point de bas-reliefs ni aucun de ces ornemens qui sont aux autres côtés : de petits trous qui paroissent mis au hasard, la percent dans toute son étendue, & ces mêmes trous se remarquent encore sur une partie de l’architecture.

La forme de l’édifice lui a fait donner le nom qu’il porte : c’est un carré-long, isolé. La tradition ne nous a point transmis son nom primitif : de là naissent les doutes & les conjectures des savans qui en ont parlé ; mais ce qu’on en a dit a plutôt servi à le faire méconnoître qu’à nous fournir des éclaircissemens sur son véritable usage. C’étoit, prétendoit-on, un capitole, une maison consulaire, un prétoire, un palais, pour rendre la justice, une basilique, un temple consacré à Adrien. Enfin, M. Séguier, dans une savante dissertation imprimée à Paris en 1759, in-8°. a détruit toutes ces fausses idées, & a rendu à ce magnifique édifice son ancien nom, (le nom primitif qu’il portoit il y a plus de dix-sept siecles.) Il a plus fait ; il a prouvé quel étoit le véritable usage de la maison quarrée.

Elle passoit pour un temple auprès de ceux qui jugeoient sans prévention : elle en a la forme & l’ordonnance ; mais il n’étoit pas facile de se décider sur la divinité ou le héros qui y étoient vénérés. Il ne paroissoit aucun vestige de l’inscription qui pouvoit l’indiquer : l’on étoit persuadé, que, s’il y en avoit eu, les révolutions des tems & les Barbares qui les ont occasionnées, l’avoient fait disparoître, & en avoient effacé jusqu’à la moindre trace.

Malgré ces préventions, il y eut au commencement du siecle dernier, un homme, qui par la supériorité de son génie, & la pénétration de son esprit, entrevit des traces de l’ancienne inscription dans les trous qui restent à la façade. C’est le savant Peiresc, qui, au moyen de semblables indices, avoit deviné à Assise l’inscription d’un temple dédié à Jupiter, & à Paris le nom grec d’un ouvrier, attaché par de petites pointes à une améthyste, où il ne restoit que l’empreinte des trous. Gassendi, l’écrivain de sa vie, rapporte qu’il se flattoit de pouvoir interpréter de même la suite des trous de la basilique de Nîmes, qu’on nomme la maison quarrée, aussi-tôt qu’il en auroit une copie exacte. Voici les propres paroles de M. Gassendi : Sic se interpretatum dixit foramina quædam quæ visebantur Assisii in antiquo nescio quo templo. Cùm enim nemo dicere posset ecquid illa significarent, divinavit ipse inscriptionem esse seu dedicationem factam, IOVI. OPT. MAX. idque demonstravit per lineas foramina sic connectentes.


sic speravit se interpretaturum seriem quamdam foraminum nemausensis basilicæ, quam quadratam domum vocant, ubi ectypum obtinuisset.