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au préjudice de leurs auteurs. Rien n’est plus déplorable, continuent ces écrivains timorés, que de voir un art aussi détestable diabolique exercé & même pratiqué par des chrétiens. Voyez le lexic. de Johns & de Castell. A présent que l’on sait à quoi s’en tenir sur les sorciers, & qu’on a éclairé avec le flambeau de la Philosophie tout ce qu’on appelle sortilege, on n’ajoute plus de foi à ces prétendues divinations ; on est bien assuré que ces invocations, ces apparitions du diable sont tout aussi ridicules & aussi peu réelles que celles de Jupiter, de Mars, de Vénus, & de toutes les autres fausses divinités des payens, dont se mocquoient avec raison les sages & les philosophes de ces tems. On les évalue au juste quand on les regarde comme des réveries, des produits d’un imagination bouillante & quelquefois dérangée. La Religion est sur ce point d’acord avec la Philosophie.

NIGUA, s. m. (Insectologie.) terme espagnol, lequel désigne une espece de puce terrestre du Bresil qui se fiche dans la peau, s’y multiplie, & y cause avec le tems des ulceres.

Cet insecte, que l’on nomme chique aux Antilles, étant vu au microscope, a le dos rond, couvert d’un poil brun ; la tache noire qui le fait remarquer est sa tête. Il a plusieurs petits piés garnis de poil sous le ventre ; il est ovipare, & ses œufs étant éclos, paroissent comme autant de petits grains noirs.

Le nigua passe aisément au-travers des bas, & se loge ordinairement sous les ongles des piés, dans les jointures, & dans les endroits de la peau qui sont un peu élevés. La douleur qu’il fait en perçant l’épiderme n’est pas plus grande que celle d’une médiocre piquure de puce, aussi ne s’en apperçoit-on pas. Après qu’il s’est logé dans l’endroit qui lui est le plus commode, il ronge doucement la chair autour de lui, & n’excite d’abord qu’une legere démangeaison ; il grossit peu à peu, s’étend, & devient enfin comme un petit pois : en cet état il fait des œufs qui étant éclos se nichent autour de leur mere, croissent comme elle, rongent toute la chair aux environs, y causent des ulceres malins, & quelquefois la gangrene. Aussi lorsqu’on s’apperçoit du mal, il est facile d’y porter remede ou par soi même, ou par le secours d’autrui. Comme la noirceur du nigua se fait aisément remarquer entre la chair & la peau, on prend un ganif pointu, & on déchausse doucement aux environs du trou qu’a fait l’insecte, afin de pouvoir le tirer dehors tout entier avec une épingle aussi-tôt qu’on le voit à découvert. On traite ensuite la plaie avec des plumaceaux imbibés de quelque digestif ; mais quand on néglige le mal, ou qu’on n’a pas soin de tirer hors de la tumeur tous les niguas qui s’y sont nichés, on court risque d’avoir des ulceres qui demandent pour leur guérison le secours de la Chirurgie. (D. J.)

NIHIL ALBUM, s. m. (Chimie.) ou simplement nil ; c’est le nom que l’on donne à une matiere blanche semblable à une farine légere, qui s’attache à la partie la plus élevée des fourneaux dans lesquels on traite des substances métalliques volatiles & calcinables. On voit par-là que tous les demi-métaux, tels que l’arsenic, l’antimoine, le plomb & l’étain, peuvent donner une pareille substance ; mais on donne plus particulierement le nom de nihil album à la partie subtile & légere qui s’attache au haut des cheminées des fourneaux dans lesquels on traite des mines de zinc ou de cuivre jaune ; c’est une espece de tutie ou de chaux de zinc. Voyez Zinc & Tutie. (—)

NIKOPING, (Géogr) ville de Danemark sur la côte occidentale de l’île de Falster, vis-à vis celle de Laland, avec une bonne forteresse. Elle est à 19 lieues S. O. de Copenhague. Long. 29. 58. lat. 54. 50. (D. J.)

NIL, s. m. (Botan. anc.) nom donné par les médecins arabes à deux graines très-différentes, & qui sont souvent prises dans leurs écrits l’une pour l’autre. Avicenne dit dans un endroit que le nil est la graine d’une plante rampante du genre des liserons, & que cette plante porte des fleurs bleues comme celle de la campanule ; dans un autre endroit il écrit que le nil est le nom d’une plante qui est d’usage en teinture, & qui semble être la même que notre pastel ou guesde. Quelquefois les Arabes entendent une plante sous le nom de nil, & quelquefois sous le même nom la teinture qu’on tire de cette plante. Les anciens traducteurs de Dioscoride en arabe, ont partout traduit le mot isatis par celui de nil, ainsi que la plante dont on tire l’indigo. Les interpretes des Arabes ont tous été jettés dans la même erreur, par le double sens du mot nil, qui designe tantôt la plante, & tantôt la teinture qu’on en retire. (D. J.)

Nil, s. m. (Géogr.) grand fleuve d’Afrique qui a sa source dans l’Abyssinie ; il coule du midi au nord, & se décharge dans la Méditerranée.

Ce fleuve s’appella d’abord Oceanus, Œtus, Egyptus ; & à cause de ces trois noms, on lui donna celui de Triton. D’autres le nommerent Siris, Astapus & Astaporas. Plusieurs anciens écrivains témoignent que son ancien nom étoit Egyptus, & Diodore de Sicile pense qu’il ne prit le nom de Nilus que depuis le regne d’un roi d’Egypte ainsi nommé Les Grecs l’appellent Mélas, qui signifie noir ou trouble. Les Abyssins l’appellent Abari, pere des eaux ; & les Ethiopiens le nomment Abaoi : enfin les Grecs & les Latins ne le connoissent aujourd’hui que sous le nom de Nil.

Les plus grands conquérans de l’antiquité ont souhaité avec passion de pouvoir découvrir ses sources, s’imaginant que cette découverte ajouteroit beaucoup à leur gloire. Cambyse en fit la tentative inutile. Alexandre se trouvant campé à la source du fleuve Indus, il crut que c’étoit celle du Nil, & il en eut une joie infinie. Ptolémée Philadelphe, un de ses successeurs, porta la guerre en Ethiopie, afin de pouvoir remonter ce fleuve. Lucain fait dire à César qu’il seroit trop heureux de voir le lieu ou le Nil prend sa source.

Nihil est quod noscere malim
Quam fluvii causas per sæcula tanta latentis,
Ignotum caput.

Néron plein du même desir, envoya des armées entieres pour cette découverte ; mais le rapport qu’on lui fit détruisit toute espérance de succès. La source du Nil demeura toujours inconnue jusqu’au milieu du dernier siecle : cette source, si long-tems & si inutilement cherchée par les anciens, paroît être, selon M. de Lisle, à 11d. de latit. septentrionale en Abyssinie.

On attribue communément cette découverte aux jésuites portugais ; il est certain qu’ils en envoyerent les premiers à Rome des relations vers le milieu du dernier siecle, & le P. Tellez les mit au jour dans son histoire de la haute Ethiopie, imprimée à Conimbre en 1661. Ce fleuve sort par deux sources du haut d’une montagne de la province de Sabala, qui est dans le royaume de Goyau ; il descend de l’Abyssinie, traverse les royaumes de Sennar, de Dangola, toute la Nubie & l’Egypte, dans laquelle il porte la fécondité, en l’inondant régulierement au mois de Juin ou d’Août.

Le cours de cette rivierre est d’environ 15 cens milles, presque toujours du midi au septentrion ; il se partage un peu au-dessous du Caire en deux bras qui vont l’un à l’est & l’autre à l’ouest, & tombent dans la Méditerranée à environ cent milles de distance. Il n’y a point d’autres branches du Nil navi-