Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

composoient autrefois une des communautés de Paris, réunie en 1636 à celle des Tapissiers. Ces derniers, parmi leurs autres qualités, conservent celle de Courtepointiers-Neustrés.

NEUSTRIE, (Géog.) c’est le nom qu’on imposa après la mort de Clovis, ou un peu auparavant, à une des parties principales de la France, qui comprenoit toutes les terres renfermées entre la Meuse & la Loire. On l’appella en latin Neustria, Neustrasia, ou Neuster, & quelquefois Neptricum, ou Neptria ; il n’est pas facile de deviner l’origine de ces deux derniers mots.

Vers le tems de Charlemagne, la Neustrie se trouva renfermée entre la Seine & la Loire : enfin, elle fut de nouveau resserrée dans les bornes où elle est aujourd’hui. Charles le Simple ayant été obligé de céder en 912 la Neustrie à Rollon, le plus illustre des barbares du Nord, elle perdit son nom, & prit celui de Normandie. (D. J.)

Neustrie, (Géog.) centre de l’Italie, entre la Ligurie & l’Emilie : les Lombards s’étant rendus maitres d’une partie de l’Italie, donnerent à l’imitation des François, les noms de Neustrie & d’Austrasie à une portion de leurs conquêtes. Ils appellerent Austrasie la partie qui étoit à l’orient, & Neustrie ou Hespérie, celle qui étoit à l’occident, & laisserent à la Toscane son ancien nom. (D. J.)

NEUTRALITÉ, s. f. (Droit polit.) état dans lequel une puissance ne prend aucun parti entre celles qui sont en guerre.

Pour donner quelque idée de cette matiere, il faut distinguer deux sortes de neutralité, la neutralité générale, & la neutralité particuliere.

La neutralité générale, c’est lorsque sans être allié d’aucun des deux ennemis qui se font la guerre, on est tout prêt de rendre également à l’un & à l’autre, les devoirs auxquels chaque peuple est naturellement tenu envers les autres.

La neutralité particuliere, c’est lorsqu’on s’est particulierement engagé à être neutre par quelque convention, ou expresse ou tacite. La derniere sorte de neutralité, est ou pleine & entiere, lorsque l’on agit également à tous égards, envers l’une & l’autre partie ; ou limitée, ensorte que l’on favorise une partie plus que l’autre, à l’égard de certaines choses & de certaines actions.

On ne sauroit légitimement contraindre personne à entrer dans une neutralité particuliere, parce qu’il est libre à chacun de faire ou de ne pas faire des traités & des alliances, ou qu’on ne peut du-moins y être tenu, qu’en vertu d’une obligation imparfaite. Mais celui qui a entrepris une guerre juste, peut obliger les autres peuples à garder exactement la neutralité générale, c’est-à-dire, à ne pas favoriser son ennemi plus que lui-même. Voici donc à quoi se réduisent les devoirs des peuples neutres.

Ils sont obligés de pratiquer également envers l’un & l’autre de ceux qui sont en guerre, les lois du droit naturel, tant absolues que conditionnelles, soit qu’elles imposent une obligation parfaite ou seulement imparfaite ; s’ils rendent à l’un d’eux quelque service d’humanité, ils ne doivent pas le refuser à l’autre ; à moins qu’il n’y ait quelque raison manifeste qui les engage à faire en faveur de l’un quelque chose que l’autre n’avoit d’ailleurs aucun droit d’exiger. Mais ils ne sont tenus de rendre les services de l’humanité à aucune des deux parties, lorsqu’ils s’exposeroient à de grands dangers en les refusant à l’autre, qui a autant de droit de les exiger. Ils ne doivent fournir ni à l’un ni à l’autre les choses qui servent à exercer les actes d’hostilité, à-moins qu’ils n’y soient autorisés par quelque engagement particulier ; & pour celles qui ne sont d’aucun usage à la guerre, si on les fournit à l’un, il faut aussi

les fournir à l’autre. Ils doivent travailler de tout leur possible à faire ensorte qu’on en vienne à un accommodement, que la partie lésée obtienne satisfaction, & que la guerre finisse au plutôt. Que s’ils se sont engagés en particulier à quelque chose, ils doivent l’exécuter ponctuellement.

D’autre côté, il faut que ceux qui sont en guerre observent exactement envers les peuples neutres, les lois de la sociabilité, qu’ils n’exercent contr’eux aucun acte d’hostilité, & qu’ils ne souffrent pas qu’on les pille ou qu’on ravage leur pays. Ils peuvent pourtant dans une extrème nécessité, s’emparer d’une place située en pays neutre ; bien entendu, qu’aussi-tôt que le péril sera passé on la rendra à son maître, en lui payant le dommage qu’il en aura reçu. Voyez Buddée, Elementa Philosophicæ practicæ. Puffendorf, liv. II. ch. vj. & Grotius, liv. III. ch. j. & xvij. (D. J.)

NEUTRE, adj. ce mot nous vient du latin neuter, qui veut dire ni l’un ni l’autre : en le transportant dans notre langue avec un léger changement dans la terminaison, nous en avons conservé la signification originelle, mais avec quelque extension ; neutre veut dire, qui n’est ni de l’un ni de l’autre, ni à l’un ni à l’autre, ni pour l’un ni pour l’autre, indépendant de tous deux, indifférens ou impartial entre les deux : & c’est dans ce sens qu’un état peut demeurer neutre entre deux puissances belligérantes, un savant entre deux opinions contraires, un citoyen entre deux partis opposés, &c.

Le mot neutre est aussi un terme propre à la grammaire, & il y est employé dans deux sens différens.

I. Dans plusieurs langues, comme le grec, le latin, l’allemand, qui ont admis trois genres ; le premier est le genre masculin, le second est le genre feminin, & le troisieme est celui qui n’est ni l’un ni l’autre de ces deux premiers, c’est le genre neutre. Si la distinction des genres avoit été introduite dans l’intention de favoriser les vûes de la Métaphysique ou de la Cosmologie ; on auroit rapporté au genre neutre tous les noms des êtres inanimés, & même les noms des animaux, quand on les auroit employés dans un sens général & avec abstraction des sexes, comme les Allemands ont fait du nom kind (enfant) pris dans le sens indéfini : mais d’autres vûes & d’autres principes ont fixé sur cela les usages des langues, & il faut s’y conformer sans réserve, voyez Genre. Dans celles qui ont admis ce troisieme genre, les adjectifs ont reçu des terminaisons qui marquent l’application & la relation de ces adjectifs à des noms de cette classe ; & on les appelle de même des terminaisons neutres : ainsi bon se dit en latin bonus pour le genre masculin, bona pour le genre féminin, & bonum pour le genre neutre.

II. On distingue les verbes adjectifs ou concrets en trois especes générales, caractérisées par les différences de l’attribut déterminé qui est renfermé dans la signification concrete de ces verbes ; & ces verbes sont actifs, passifs ou neutres, selon que l’attribut individuel de leur signification est une action du sujet, ou une impression produite dans le sujet sans concours de sa part ou un simple état qui n’est dans le sujet, ni action ni passion. Ainsi aimer, battre, courir, sont des verbes actifs, parce qu’ils expriment l’existence sous des attributs qui sont des actions du sujet : être aimé, être battu, (qui se disent en latin amari, verberari,) tomber, mourir, sont des verbes passifs, parce qu’ils expriment l’existence, sous des attributs qui sont des impressions produites dans le sujet sans concours de sa part, & quelquefois même malgré lui : demeurer, exister, sont des verbes neutres, qui ne sont ni actifs ni passifs, parce que les attributs qu’ils expriment sont de simples