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Ceux où jadis la sœur & le frere sont nés.

Act. IV. scen. 4.

(D. J.)

Naissance, (Archit. civile.) c’est l’endroit où un corbeau, une voûte, une poutre, ou quelque chose, en un mot, commence à paroître.

Naissance de colonne. C’est la partie de la colonne qui joint le petit membre quarré en forme de listel, qui pose sur la base de la colonne & qui fait le commencement du fust. On la nomme aussi congé.

Naissance de voûte. C’est le commencement de la courbure d’une voûte, formé par les retombées ou premieres assises, qui peuvent subsister sans ceintre.

Naissances d’enduits. Ce sont dans les enduits, certaines plates-bandes au circuit des croisées & ailleurs, qui ne sont ordinairement distinguées que par du badigeon, des panneaux de crépi, ou d’enduit qu’elles entourent. (D. J.)

Naissance, (Jardinage.) est le commencement de la broderie d’un parterre : ce peut être aussi l’endroit d’où part un rinceau, une palmette, un fleuron, &c.

Naissance d’une jument, (Maréc.) V. Nature.

Naissant, adj. en terme de Blason, se dit d’un lion, ou autre animal, qui ne montre que la tête, les épaules, les piés, & les jambes de devant avec la pointe de la queue, le reste du corps demeurant caché sous-l’écu, sous la fasce, ou sous le second du coupé, d’où il semble naître ou sortir. Voyez les Planches de Blason.

Naissant differe d’issant, en ce que dans le premier cas, l’animal sort du milieu de l’écu, & que dans le second, il sort du fond de l’écu. Voyez Issant.

Le pere Menestrier veut que naissant se dise des animaux qui ne montrent que la tête, comme sortant de l’extrémité du chef ou du dessus de la fasce, ou du second du coupé.

La baume de Suze en Dauphiné, d’or à trois chevrons de sable, au chef d’azur, chargé d’un lion naissant d’argent.

NAITRE, v. neut. (Gram.) venir au monde. S’il falloit donner une définition bien rigoureuse de ces deux mots, naître & mourir, on y trouveroit peut-être de la difficulté. Ce que nous en allons dire est purement systématique. A proprement parler, on ne naît point, on ne meurt point ; on étoit dès le commencement des choses, & on sera jusqu’à leur consommation. Un point qui vivoit s’est accru, développé, jusqu’à un certain terme, par la juxtaposition successive d’une infinité de molécules. Passé ce terme, il décroît, & se résout en molécules séparées qui vont se répandre dans la masse générale & commune. La vie ne peut être le résultat de l’organisation ; imaginez les trois molécules A, B, C ; si elles sont sans vie dans la combinaison A, B, C, pourquoi commenceroient elles à vivre dans la combinaison B, C, A, ou C, A, B ? Cela ne se conçoit pas. Il n’en est pas de la vie comme du mouvement ; c’est autre chose : ce qui a vie a mouvement ; mais ce qui se meut ne vit pas pour cela. Si l’air, l’eau, la terre, & le feu viennent à se combiner, d’inerts qu’ils étoient auparavant, ils deviendront d’une mobilité incoercible ; mais ils ne produiront pas la vie. La vie est une qualité essentielle & primitive dans l’être vivant ; il ne l’acquiert point ; il ne la perd point. Il faut distinguer une vie inerte & une vie active : elles sont entre elles comme la force vive & la force morte : ôtez l’obstacle, & la force morte deviendra force vive : ôtez l’obstacle, & la vie inerte deviendra vie active. Il y a encore la vie de l’élément, & la vie de l’agrégat ou de la masse : rien n’ôte & ne peut ôter à l’élément sa vie : l’agrégat ou la masse est avec le tems privée de la sienne ; on vit en un point qui s’étend jusqu’à une certaine limite, sous laquelle la vie est circonscrite en tout

sens ; cet espace sous lequel on vit diminue peu-à-peu ; la vie devient moins active sous chaque point de cet espace ; il y en a même sous lesquels elle a perdu toute son activité avant la dissolution de la masse, & l’on finit par vivre en une infinité d’atomes isolés. Les termes de vie & de mort n’ont rien d’absolu ; ils ne désignent que les états successifs d’un même être ; c’est pour celui qui est fortement instruit de cette philosophie, que l’urne qui contient la cendre d’un pere, d’une mere, d’un époux, d’une maîtresse, est vraiment un objet qui touche & qui attendrit : il y reste encore de la vie & de la chaleur : cette cendre peut peut-être encore ressentir nos larmes & y répondre ; qui sçait si ce mouvement qu’elles y excitent en les arrosant, est tout-à-fait dénué de sensibilité ? Naître a un grand nombre d’acceptions différentes : l’homme, l’animal, la plante, naissent ; les plus grands effets naissent souvent des plus petites causes ; les passions naissent en nous, l’occasion les dévelope, &c.

NAIVETÉ une, NAIVETÉ la, s. f. (Gram.) il faut que les étrangers apprennent la différence que nous mettons dans notre langue entre la naïveté, & une naïveté.

Ce qu’on appelle une naïveté, est une pensée, un trait d’imagination, un sentiment qui nous échappe malgré nous, & qui peut quelquefois nous faire tort à nous-mêmes. C’est l’expression de la vivacité, de l’imprudence, de l’ignorance des usages du monde. Telle est la réponse de la femme à son mari agonisant, qui lui désignoit un autre époux : prends un tel, il te convient, crois-moi : Hélas, dit la femme, j’y songeois.

La naïveté est le langage du beau génie, & de la simplicité pleine de lumieres ; elle fait les charmes du discours, & est le chef-d’œuvre de l’art dans ceux à qui elle n’est pas naturelle.

Une naïveté sied bien à un enfant, à un villageois, parce qu’elle porte le caractere de la candeur & de l’ingénuité ; mais la naïveté dans les pensées & dans le style, fait une impression qui nous enchante, à proportion qu’elle est la peinture la plus simple d’une idée, dont le fonds est fin & délicat ; c’est pour cela que nous goûtons ce madrigal de Chapelain.

Vous n’écrivez que pour écrire
C’est pour vous un amusement,
Moi qui vous aime tendrement
Je n’écris que pour vous le dire
.

Nous mettons enfin de la différence entre le naturel & le naïf ; le naturel est opposé au recherché, & au forcé ; le naïf est opposé au réfléchi, & n’appartient qu’au sentiment. Tel que cet aimable rougeur, qui tout-à-coup, & sans le consentement de la volonté, trahit les mouvemens secrets d’une ame ingénue. Le naïf échappe à la beauté du génie, sans que l’art l’ait produit ; il ne peut être ni commandé, ni retenu. (D. J.)

NAKIB, s. m. (Hist. mod.) c’est ainsi que les Turcs nomment un officier fort considéré, dont la fonction est de porter l’étendart de Mahomet. Il n’est point inférieur au muphti même ; cette dignité est toûjours conférée par le sultan à un des émirs descendans de la fille de Mahomet ; & sans son consentement, le prince n’oseroit offenser ni faire du mal à aucun des émirs ; le sultan a soin de ne pas laisser un personnage de cette importance jouir long-tems d’une dignité si incommode à son despotisme ; il change souvent de nakib, mais il ne lui en ôte que l’exercice ; les émolumens lui restent comme les fruits d’un caractere indélébile. Voyez Cantemir, Histoire ottomane.

NAKOUS, s. m. (Musique égyptienne.) instrument de musique d’Egypte : il est fait de deux plaques de cuivre de différentes grandeurs, depuis deux