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lierement ceux de Cerès, de la bonne déesse, &c. Voyez Eleusinies. Les prêtres égyptiens cachoient leurs mysteres au peuple sous des caracteres hiéroglyphiques. Voyez. On punissoit sévérement ceux qui violoient ou révéloient les mysteres de la bonne déesse ; & on n’en confioit le secret qu’à ceux qui étoient initiés, & qui avoient juré de garder le secret.

Ces secrets de la religion étoient appellés des mysteres, non parce qu’ils étoient incompréhensibles, ni élevés au-dessus de la raison, mais seulement parce qu’ils étoient couverts & déguisés sous des types & des figures, afin d’exciter la vénération des peuples par cette obscurité. Les mysteres du Paganisme se célébroient dans des grottes plus propres à cacher des crimes, qu’à célébrer des mysteres de religion. Voyez Initié, Oracle, &c.

L’Ecriture emploie le mot de mystere dans plusieurs sens, quelquefois pour signifier une chose qu’on ne peut connoître sans le secours de la révélation divine. Voyez Révélation.

C’est dans ce sens qu’on doit entendre ces textes : celui qui découvre les secrets ou mysteres, vous a fait connoître les choses qui doivent arriver. Dan. ij. 29. Il y a un Dieu au ciel qui découvre les mysteres. Ib. v. 28.

Le mot de mystere se prend aussi pour ces choses secrettes & cachées que Dieu a révélées par les prophetes, par Jesus-Christ, ou par les apôtres, & par les pasteurs aux fideles.

C’est dans ce sens que saint Paul dit je parle de la sagesse de Dieu dans un mystere que Dieu avoit résolu avant tous les siecles, de révéler pour notre gloire. I. cor. ij. 7. On nous doit regarder comme des ministres de Jesus-Christ, & des dispensateurs des mysteres de Dieu. I. cor. iv. 1. Quand j’aurois la connoissance de tous les mysteres, & la science de toutes choses, si je n’ai point de charité, je ne suis rien. I. cor. xiij. 2. Je vais vous découvrir un mystere. II. cor. xv. 51. Ensorte que lisant ma lettre, vous pouvez y apprendre quelle est l’intelligence que j’ai du mystere de Jesus-Christ. Ephes. iij. 4. Il ajoute dans les versets suivans, ce mystere est que les Gentils sont heritiers, & font un même corps avec les Juifs, & qu’ils ont part avec eux aux promesses de Dieu par l’Evang le de Jesus-Christ ; qu’ils conservent le mystere de la foi avec une conscience pure. I. Tim. iij. Lorsque le septieme ange sonnera de la trompette, le mystere de Dieu s’accomplira, ainsi qu’il l’a annoncé par les Prophetes ses serviteurs. Apocalyps. x. 7.

Additions de mysteres, voyez Addition.

Mystere, (Crit. sacrée.) μυστηριων ; la véritable notion de mystere est que c’est une vérité cachée, & qui cesse d’être mystere quand elle est révélée. Il n’y a point de mystere que vous ne puissiez découvrir, dit Nabuchodonosor à Daniel, c’est-à-dire point de secrets : μυστήριων οὐχ ἀδονάται σε. Dan. c. iv. 6. Ainsi mystere signifie une chose secrette, & l’on n’auroit pas dû en changer l’idée pour lui faire signifier une chose incompréhensible, que la raison doit croire sans l’entendre. Nous voyons que Jesus-Christ prend ce mot dans le sens que nous lui attribuons, Mat. c. xiij. v. 11. En effet, puisqu’il fut donné aux disciples de connoître les mysteres du royaume des cieux, il faut que ces mysteres ne fussent point incompréhensibles. Voyez encore mystere dans le même sens. Rom. 16. 25.

Ce mot se prend aussi pour sacrement, figure, signe, qui sont des termes de même signification, comme M. Rigault l’a remarqué & prouvé.

Enfin mystere désigne dans l’Ecriture une sentence parabolique, qui contient un sens caché, une action mystique qui en figure, en représente une autre. S. Paul dit dans ce sens, Ephes. 5. 32. Ce mystere est grand. Or je parle de Jesus-Christ & de son Église ; la vulgate laissant le mot grec mystere, a mis dans

cet endroit sacrement ; & les PP. latins ont dit souvent sacrement pour mystere. (D. J.)

Mysteres, (Antiq. rom.) c’est ainsi qu’on appelloit par excellence, les mysteres qu’on célébroit en l’honneur de Cérès à Eleusis, d’où ils prirent le nom d’éleusinies ; voyez ce mot : mais il mérite bien un supplément, parce qu’il ne s’agit pas moins ici, que des mysteres les plus graves & les plus sacrés de toute la Grece.

La faveur d’être admis aux cérémonies secrettes des grands mysteres, ne s’obtenoit qu’après cinq ans de noviciat dans ce que l’on appelloit les petits mysteres de Cérès. Au bout de ce terme de noviciat, on recevoit de nuit le récipiendaire, après lui avoir fait laver les mains à l’entrée de ce temple, & l’avoir couronné de myrthe, on ouvroit une cassette où étoient les lois de Cérès & les cérémonies de ses mysteres, on les lisoit au récipiendaire pour lui en donner la connoissance, & on les lui faisoit transcrire. Un léger repas succédoit à cette cérémonie ; ensuite l’initié ou les initiés passoient dans le sanctuaire dont le prêtre tiroit le voile, & tout étoit alors dans une grande obscurité ; un moment après, une vive lumiere leur faisoit paroître devant les yeux la statue de Cérès magnifiquement ornée, & tandis qu’ils étoient appliqués à la considérer, la lumiere disparoissoit encore, & tout étoit de nouveau couvert de profondes ténebres. Les eclats de tonnerre qui se faisoient entendre, des éclairs qui brilloient de toutes parts, la foudre qui tomboit au milieu du sanctuaire, & cent figures monstrueuses qui paroissoient de tous côtés, les remplissoient de crainte & de frayeur : mais un moment après le calme succédoit, & l’on appercevoit dans un grand jour une prairie agréable, où l’on alloit danser & se réjouir ; c’étoit l’image des champs élysées.

Il y a apparence que cette prairie étoit dans un lieu enfermé de murailles derriere le sanctuaire du temple, que l’on ouvroit tout d’un coup lorsque le jour étoit venu, & ce spectacle paroissoit d’autant plus agréable, qu’il succédoit à une nuit, où on n’avoit presque rien vû que de lugubre & d’effrayant. C’étoit à qu’on révéloit aux initiés tous les secrets des mysteres, après quoi le prêtre congédioit l’assemblée en employant quelques mots d’une langue barbare, différens de la langue greque, & que M. le Clerc interprete par ceux-ci, veillez, & ne faites point de mal.

La fête de l’initiation duroit neuf jours destinés à différentes cérémonies, que le lecteur trouvera décrites dans Murtius. Les principaux ministres qui officioient, étoit le hyérophante ou mystagogue, qu’on appelloit aussi quelquefois prophete ; le second étoit le porte-flambeau ; le troisieme étoit le héraut sacré, & le quatrieme s’appelloit le ministre de l’autel. Il y avoit outre ces quatre ministres en chef, des prêtres pour les sacrifices & des surveillans pour avoir soin que tout se passât dans l’ordre.

Presque tout le monde briguoit l’honneur d’être admis à ces mysteres. Les prêtres avoient persuadé le peuple que ceux qui y participeroient, auroient les premieres places dans les champs élysées, & que ceux qui n’y seroient pas initiés ne jouiroient point de cet honneur. Ces déclarations firent impression, & la curiosité y mit un nouvel attrait.

On garda long-tems un silence impénétrable sur tout ce qui se passoit dans les mysteres d’Eleusis, & ce ne fut que fort tard qu’on parvint à en savoir quelques particularités, tant les Grecs portoient de respect à la sainteté de ces fêtes sacrées. Il étoit défendu de les divulguer directement ni indirectement, sous peine de la vie. Diagoras Mélien fut pour cette seule raison proscrit par les Athéniens, qui promirent un talent à celui qui le tueroit, & deux à celui qui le