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Les Naturalistes n’ont connu qu’une seule espece de musaraigne jusqu’en 1756 ; M. Daubenton en découvrit une seconde, & en donna la description à l’académie royale des Sciences cette même année. Comme cette seconde musaraigne est amphibie, M. Daubenton l’a nommée musaraigne d’eau, pour la distinguer de celle qui étoit anciennement connue.

La musaraigne d’eau est plus grande que la musaraigne ; elle a le museau un peu plus gros, la queue & les jambes plus longues & plus garnies de poil. La partie supérieure du corps, depuis le bout du museau jusqu’à la queue, est d’une couleur noirâtre mêlée d’une teinte de brun, & la partie inférieure a des teintes de fauve, de gris & de cendré. Le poil de la musaraigne anciennement connue, est d’une couleur un peu plus brune que celui de la souris sur la tête & sur le dessus du corps, & d’un gris plus foncé sur le dessous. Hist. nat. gen. & part. tom. VIII. p. 57. & suiv. Voyez Quadrupede.

MUSC, Animal du, (Hist. nat.) animal moschiferum. Animal quadrupede qui manque de dents incisives à la machoire supérieure, mais qui a deux dents canines dans cette machoire. Les dents sont en tout au nombre de 26 : savoir 4 molaires de chaque côté de chacune des machoires ; 8 incisives à la machoire du dessous, & 2 canines à celle du dessus ; ces dents canines sont longues d’un pouce & demi, recourbées en arriere, pointues & tranchantes par leur côté postérieur : on ne sait si cet animal rumine. Ses piés sont fourchus ; mais il n’a point de cornes. Grew a décrit une peau de cet animal, conservée dans le cabinet de la société royale de Londres. Cette peau avoit 3 piés & demi de longueur, depuis le bout du museau jusqu’à l’origine de la queue ; le museau étoit pointu ; les oreilles avoient 3 pouces de longueur, elles étoient droites & ressembloient à celles du lapin ; la queue n’avoit que 2 pouces de longueur ; le poil du dos avoit jusqu’à 3 pouces de long, il étoit alternativement de couleur brune & blanche, depuis la racine jusqu’à l’extrémité ; la tête & les cuisses avoient une couleur brune ; le dessous du ventre & de la queue étoit blanc.

La vésicule qui renfermoit le musc, s’élevoit sur le ventre de la hauteur d’un pouce & demi ; elle avoit 3 pouces de longueur & 2 de largeur. Cette poche est placée près du nombril, & revêtue d’une peau mince & d’un poil fin. Les Chinois mangent la chair de l’animal du musc. Raii, synop. anim. quad. pag. 127. Voyez Quadrupede.

Musc, (Hist. nat. des drog.) nom commun au parfum & à l’animal dont on le tire. Nous traiterons de l’un & de l’autre.

L’habitude, l’imagination & la mode, exercent un empire arbitraire & variable sur nos sens. Je n’en veux pour preuve que les différentes impressions que les hommes ont attribuées au musc sur l’organe de l’odorat. On sait qu’il a plû & déplû successivement dans tous les siecles, & chez toutes les nations.

Il y a eu des peuples qui l’ont mis au rang de ce qu’ils ont eu de plus précieux en odeurs. Il y a eu des tems où il a fourni la matiere du luxe le plus recherché ; dans d’autres tems, on est venu à le mépriser, & il y a des pays où, par cette raison, l’on appelle puans les animaux qui répandent l’odeur de musc. On est encore aujourd’hui partagé dans le monde, entre l’amour & l’aversion que l’on a pour ce parfum. Les Italiens le goûtent beaucoup, tandis que les François le décrient ; & ce qui est bien surprenant, c’est que malgré sa violence, qui sembleroit devoir seule décider, ce sont trois tyrans de nos sens qui décident presque souverainement sur cette matiere odorante.

Mais quelle que soit la décision qu’en peuvent por-

ter l’habitude, l’imagination & la mode, il n’est pas

moins nécessaire de connoître un parfum qui nous affecte si diversement, d’autant plus que l’on n’a eu que de fausses idées de son origine, avant la description qu’en a publié M. de la Peyronie dans les mémoires de l’acad. des Sciences, année 1731.

Définition du parfum. Le musc est une pommade visqueuse, filandreuse ou soyeuse, épaissie en une substance grasse, onctueuse, de couleur ambrée ou ferrugineuse-obscure, d’une odeur extrèmement violente, sur-tout si on en sent de près quelque quantité à la fois, d’un goût quelque peu âcre & amer, qui se filtre dans une bourse située intérieurement près des parties génitales d’une espece de fouïne d’Afrique, assez ressemblante à un chat, ou dans une poche extérieure, placée sous le ventre entre le nombril & les parties de la génération, d’une sorte de chevreuil d’Asie.

L’animal d’Afrique qui le donne, semble mieux mériter le nom de musc, que celui d’Asie. Je ne déciderai point entre ces deux animaux musqués, quel est celui qu’il faut honorer par préférence du nom de musc, en latin animal moschiferum. On sait que les Arabes nous ont donné sous ce nom une espece de chevreuil, ou de chevre sauvage, décrite par plusieurs auteurs, & particulierement par Schrockius, & que c’est d’elle que l’on tire le musc en Asie. Il me semble pourtant que l’animal d’Afrique, dont nous allons d’abord parler, mérite mieux le nom de musc, si l’on juge cette question par la violence de son parfum.

Il en est fort différent. Cet animal n’a aucun rapport avec les chevres d’Asie, ni avec les rats musqués du Canada ; il approche davantage de cette espece de fouïne qu’on appelle genette. On en voit une dans les observations de Bellon[1] dont la figure a quelque ressemblance avec notre animal. Il y a aussi dans Hernandès[2] la figure d’une civette amériquaine, qui paroît encore y avoir plus de rapport ; cependant elles different ensemble à plusieurs égards, & d’ailleurs son parfum est très-différent de celui de toutes les civettes.

L’animal que nous allons décrire, est arrivé en France sous le nom de musc ; il fut donné au Roi en 1726 par M. le comte de Maurepas, ministre dont le nom sera toûjours cher aux personnes qui cultivent les Sciences.

Il se trouve de semblables animaux à la côte d’Or, au royaume de Juda, & dans une grande étendue de cette partie de l’Afrique.

Le musc dont il s’agit ici, fut envoyé par ordre du Roi à la ménagerie, où il est mort après y avoir été nourri pendant six ans de viande crue qu’il mangeoit avec voracité.

Sa description. Son corps étoit plus délié & plus levreté que celui des civettes de M. Perrault ; sa queue d’un blanc grisâtre, étoit coupée par 8 anneaux noirs, posés en maniere de cercles paralleles, larges chacun d’environ 3 lignes. Il étoit tigré de taches noires & grises parallelement selon sa longueur, depuis les épaules jusqu’au bas du corps ; son poil étoit doux, à demi rasé, & par-tout d’égale grandeur.

Il avoit un pié huit pouces de long, depuis le bout du museau jusqu’à la naissance de la queue, qui étoit d’environ 15 pouces.

Le museau étoit pointu, garni de moustaches ; ses oreilles étoient plus plates que celles du chat. Il avoit au-dessous des oreilles un double collier noir, & deux bandes noires de chaque côté qui naissoient du second collier, & finissoient aux épaules. Ses

  1. Liv. II. ch. lxxvj.
  2. Rerum medicarum novæ Hispan. Thesaurus, Romæ 1752. fol. p. 528.