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tion, & coupé le pivot sans rien ôter de la cime pour ce moment, on les plante à un pié & demi de distance en rangées d’alignement, éloignées de trois piés l’une de l’autre. Quand la plantation est faite, on coupe toutes les pourettes à deux ou trois yeux au-dessous de terre, & on les arrose selon que le tems l’exige. On ne doit rien retrancher cette premiere année des nouvelles pousses, sans quoi on affoibliroit le jeune plant, attendu que la seve ne s’y porte qu’à proportion de la quantité de feuilles qui la pompent. Mais au printems suivant, il faut supprimer toutes les branches, à l’exception de celle qui se trouvera la mieux disposée à former une tige ; encore faudra-t-il en retrancher environ un tiers ou moitié, selon sa longueur, afin qu’elle puisse mieux se fortifier. Et toutes les fois que les arbres seront trop foibles, il faudra les couper à six pouces de terre ; ensuite beaucoup de ménagement pour la taille, ou même ne point couper du tout. Je vois que presque tous les jardiniers ont la fureur de retrancher chaque année toutes les branches latérales pour former une tige qui en quatre ans prend huit à neuf piés de hauteur, sur un demi-pouce de diametre. Voilà des arbres perdus : ils sont foibles, minces, étiolés & courbés. Nul remede que de les couper au pié pour les former de nouveau ; car ils ne reprendroient pas à la transplantation. Rien de plus aisé que d’éviter cet inconvénient, qui est très-grand à cause du retard. Il ne faut supprimer des branches que peu-à-peu chaque année, à mesure que l’arbre prend de la force ; car c’est uniquement la grosseur de la tige qui doit déterminer la quantité de l’élaguement : & pour donner de la force à l’arbre, il faut pendant l’été accourcir à demi ou aux deux tiers, les branches qui s’écartent trop. Par ce moyen on aura en quatre ans, des arbres de neuf à dix piés de haut sur quatre à cinq pouces de circonférence, qui seront très-propres à être transplantés à demeure. On suppose enfin qu’on aura donné chaque année à la pepiniere un petit labour au printems, & deux ou trois binages pendant l’été pour détruire les mauvaises herbes ; car cette destruction doit être regardée comme le premier & le principal objet de la bonne culture. Je ne puis trop faire observer qu’il faut à cet arbre une culture très-suivie, par rapport à ce que les plaies qu’on lui fait en le taillant, se referment difficilement, à moins qu’il ne soit dans un accroissement vigoureux.

La transplantation du mûrier blanc doit se faire en automne, depuis le 20 Octobre jusqu’au 20 Novembre. Il ne faut la remettre au printems que par des raisons particulieres, ou parce qu’il s’agiroit de planter dans une terre forte & humide. Mais un pareil terrein, comme je l’ai déja fait observer, ne convient nullement à l’usage que l’on fait des feuilles du mûrier blanc. Les trous doivent avoir été ouverts l’été précédent, de trois piés en quarré au moins, sur deux & demi de profondeur, si le terrein l’a permis. On fera arracher les arbres avec attention & ménagement : on taillera l’extrémité des racines ; on retranchera toutes celles qui sont altérées ou mal placées, ainsi que tout le chevelu. On coupera toutes les branches de la tige jusqu’à sept piés de hauteur environ, & on ne laissera à la tête que trois des meilleurs brins, qu’on rabattra à trois ou quatre pouces. Ensuite après avoir garni le fond du trou d’environ un pié de bonne terre, on y placera l’arbre, & on garnira ses racines avec grand soin, de la terre la plus meuble & la meilleure que l’on aura : on continuera d’emplir le trou avec du terreau consommé, ou d’autre terre de bonne qualité, que l’on pressera contre le collet de l’arbre pour l’assurer. Mais il faut se garder de butter les arbres : c’est une pratique qui leur est préjudiciable. Il vaut mieux au

contraire, que le terrein ait une pente insensible autour de l’arbre pour y conduire les pluies & y retenir les arrosemens. Il est difficile de décider la distance qu’il faut donner aux mûriers : elle doit dépendre de la qualité du terrein & de l’arrangement général de la plantation. On peut mettre ces arbres à quinze, dix-huit ou vingt piés, lorsqu’il est question d’en faire des avenues, de border des chemins, ou d’entourer des héritages. Quand il s’agit de planter tout un terrein, on se regle sur la qualité de la terre, & on met les arbres à quinze ou vingt piés. On doit même pour le mieux les arranger en quinconces. Si cependant on veut faire rapporter du grain à ce terrein, on espace ces arbres à six ou huit toises, pour faciliter le labourage. Mais dans ce dernier cas, l’arrangement le moins nuisible, & qui admet le plus de plants, c’est de former des lignes à la distance de huit à dix toises, & d’espacer les arbres dans ces lignes, à quinze, dix-huit ou vingt piés, selon la qualité du sol. Comme en faisant le labourage, la charrue n’approche pas suffisamment des arbres pour les tenir en culture les premieres années, & qu’il faut y suppléer par la main d’homme, il y a un excellent parti à prendre, qui est de planter entre les arbres de jeunes muriers en buisson ou en haie : le tout n’occupe jamais qu’une lisiere de trois ou quatre piés de largeur, que l’on fait cultiver à la pioche. Ces buissonnieres ou ces haies de mûrier ont un grand avantage ; elles donnent une grande quantité de feuilles qui sont aisées à cueillir, & qui paroissent quinze jours plûtôt que sur les grands arbres : on peut par quelques précautions, les mettre à couvert de la pluie ; ce qui est quelquefois très nécessaire pour l’éducation des vers. On prétend qu’on s’est très bien trouvé dans le Languedoc, de ces buissonnieres & de ses haies, parce qu’elles donnent plus de feuilles que les grands arbres, qu’elles sont plûtôt en état d’en donner, & qu’on peut les dépouiller au bout de trois ans, sans les altérer & sans inconvénient pour les vers ; au lieu qu’on ne doit commencer à prendre des feuilles sur les arbres de tige qu’après cinq ou six ans de plantation. Les haies de mûrier se garnissent & s’épaississent si fortement & si promptement, qu’elles sont bien-tôt impénétrables au bétail : ensorte qu’on peut s’en servir pour clore le terrein, & dans ce cas on plante la haie double : le bétail en la rongeant au-dehors la fait épaissir, & travaille contre lui-même. Si dans l’année de la plantation, il survenoit de grandes sécheresses, il faudroit arroser quelquefois les nouveaux plants, & toujours abondamment. Il n’est besoin cette premiere année que de sarcler pour empêcher les mauvaises herbes : elles sont après le bétail le plus grand fléau des plantations. Nul autre soin que de visiter la plantation de tems en tems pendant l’été, pour abattre en passant la main, les rejets qui poussent le long des tiges, & ensuite de couper à chaque printems le bois mort, les branches chiffonnes ou gourmandes, même d’accourcir celles qui s’élancent trop : tout ce qu’il faut en un mot, pour former la tête des arbres & la disposer à la production & à la durée. Quand les arbres seront parvenus à dix-huit ou vingt ans, la plûpart seront alors fatigués, languissans, dépérissans, ou ne produiront que de petites feuilles. Il sera nécessaire en ce cas, de les ététer, non pas en les coupant précisément au-dessous du tronc ; ce qui faisant pousser des rejets trop vigoureux & en petit nombre, causeroit un double inconvénient : les feuilles seroient trop crues pour la nourriture des vers, & la tête de l’arbre seroit trop long-tems à se former. La meilleure façon de faire cette tonte, c’est de ne couper que le menu branchage un peu avant la seve. On fait aussi ces tontes peu-à-peu pour ne pas changer tout-à-coup la qualité des feuilles. On prétend