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farine de second & farine de troisieme grain.

La quantité des deux premieres est de 155 livres, celle de la derniere, d’environ 15 liv. pesant.

Indépendamment de ces farines, on tire encore des mêmes grains 120 liv. de son, que l’on distingue en trois qualités.

1°. 14 boisseaux de gros son, pesant en total 70 livres.

2° 6 boisseaux de la seconde qualité, pesant 40 livres.

3°. Un boisseau du poids de 100 livres.

Ces sons se consomment de la même maniere que ceux dont on a parlé en détaillant le produit par la mouture ordinaire.

On voit par ces différens produits que, suivant cet ancien usage, on ne tire de deux setiers de blé, mesure de Paris, pesant 480 liv. que 325 liv. de farine de toutes especes, & que la même quantité de grain produit 340 liv. de farine presqu’en total de la premiere qualité par la mouture œconomique.

Cet avantage est un des moindres de cette méthode ; des 325 liv. de farine provenant de la premiere façon de moudre, il n’y a que la premiere qui ne forme que 170 liv. dont on puisse faire du pain blanc ; on mêle la seconde farine avec celle d’après, que l’on appelle de grain blanc, pour fabriquer du pain bis-blanc.

Le surplus, c’est-à-dire la farine de grain gris, est si inférieure, que le pain qui en provient ne peut être consommé à Paris, il est trop bis & trop médiocre.

Le mélange de toutes ces especes de farine est ce qui compose le pain que l’on appelle de ménage ; mais la qualité en est infiniment moins bonne que celle qui résulte du mélange de toutes les farines produites par la mouture œconomique.

En effet, suivant cette méthode, la réunion de toutes les farines forme un tout bien plus parfait ; le pain qui en provient est plus beau, plus blanc, d’un meilleur goût & d’une qualité très-supérieure à celui même de la premiere farine de l’autre mouture.

Cette supériorité est produite, comme on vient de le dire, par le mélange même de ces farines : celles de premier & de second grain qu’on incorpore avec la premiere, par la mouture œconomique, ont plus de consistance que celle à laquelle elle, sont jointes : celle-ci est plus fine, plus délicate, c’est la fine fleur ; les autres conservent plus de substances entierement purgées de son qui pourroit diminuer leur qualité ; elles ajoutent de la force & de la qualité à la premiere, sans altérer sa finesse : & à l’exception des 15 liv. de farine du troisieme grain, toutes celles que produisent les grains moulus par œconomie, sont employées pour la premiere qualité de pain, il n’y a même que les boulangers qui en retranchent la très-petite quantité du troisieme grain, attendu qu’il pourroit nuire à l’extrème blancheur que doit avoir leur pain, pour en avoir un débit plus facile.

Ainsi la mouture par œconomie joint à l’avantage de produire un quinzieme de plus, celui de rendre toutes les farines assez parfaites pour être employées à une seule & même qualité de pain qui est la premiere ; au lieu que par la mouture ordinaire, il n’y a que 170 liv. de farine qui puissent servir à cette fabrication ; le surplus est employé, comme on l’a déja dit, à faire du pain bis-blanc, & même plus inférieur encore ; la différence du prix de ce pain avec celui du pain qui se fabrique avec les farines de la mouture œconomique, indique assez la méthode qu’il faut préferer, rien que pour cette seule partie.

Il seroit donc inutile d’insister davantage sur celle de ces méthodes qui mérite cette préférence, il vaut mieux faire connoître en quoi elle differe de l’autre.

Cette différence d’où résulte réellement le bénéfi-

ce, ne consiste qu’en ce que par la premiere méthode

il reste beaucoup de son dans les farines, & plus encore de farine dans les sons ; au lieu que la nouvelle dégage l’une & l’autre, & en fait exactement le départ.

La mouture par œconomie, n’est autre chose que l’art de bien séparer ces matieres, d’extraire des sons toutes les parties de farine que la mouture ordinaire y laisse, & d’expulser entierement le son des farines ; c’est en quoi consiste toute la supériorité de cette mouture, & d’où provient le bénéfice qu’elle procure.

L’ancienne maniere produit moins de son en quantité, cela doit être ainsi, puisqu’il en reste beaucoup dans les farines ; mais il est plus pesant, la farine qui y reste doit nécessairement le rendre tel.

Par la raison contraire la mouture œconomique produit plus de son ; mais il est plus léger, parce qu’il est réduit à la simple écorce du blé très-broyée & tout-à-fait épurée de farine.

Il n’y a que le mélange du son qui reste avec les farines dans la mouture ordinaire qui puisse rendre de qualités différentes celles qui proviennent des mêmes grains.

Dans cette méthode, la premiere & la seconde farine extraites, on répare une fois seulement les issues ; le blutage acheve ensuite cette opération.

Dans la mouture œconomique les issues sont réparées jusqu’à quatre fois, & les trois premieres farines sont encore mêlées ensemble sous la meule ; il doit nécessairement résulter de cette maniere une plus grande quantité de farine d’une égale quantité de grain.

L’évaporation est plus considérable du double par ce procédé que par l’autre ; la division ne sauroit être plus grande sans produire cet effet ; mais ce déchet est remplacé & au-delà, puisque malgré sa perte, on a encore un quinzieme de farine de bénéfice.

Les frais en sont aussi plus forts ; un setier de blé est beaucoup plus long à moudre quand on répare quatre fois les issues, qu’en suivant la méthode ordinaire ; il est juste que le meunier soit payé du tems pendant lequel on occupe son moulin ; mais on retrouve encore cette augmentation de dépense dans le bénéfice en matiere que cet usage procure : d’ailleurs s’il devenoit plus général, ses frais diminueroient & deviendroient moindres que ceux de l’ancienne méthode ; il exige beaucoup moins d’espace & beaucoup moins d’ouvriers, ainsi la main-d’œuvre diminueroit, & conséquemment le droit de mouture.

Les avantages de la méthode que nous indiquons ne sont pas à négliger, principalement pour les provinces ou les états qui ne produisent de grains que ce qu’il en faut pour la consommation des habitans, ou qui ne produisent pas suffisamment. L’œconomie annuelle d’un quinzieme sur tous les grains qui se consomment, suffiroit souvent pour garantir de la disette, ou du moins pour parer à ses premiers inconvéniens, & donner le tems de se procurer des secours plus abondans pour s’en mettre tout-à-fait à l’abri ; c’est aux administrateurs à juger du mérite de ces réflexions ; elles pourroient être moins étendues, & peut-être jugera-t-on que le sujet n’en exigeoit pas de si détaillées ; mais elles ont pour motif le bien public, il n’y a point de petits intérêts dans cette partie, & l’on ne peut trop indiquer les moyens de le procurer. Article de M. d’Amilaville.

MOUVANCE, s. f. (Jurisp.) est la relation qu’il y a entre le fief dominant & le fief servant, par rapport à la supériorité que le premier a sur l’autre qui dépend de lui.

La mouvance est quelquefois appellée tenure ou tenue, parce que la mouvance n’est autre chose que l’état de dépendance du fief servant qui est tenu du seigneur dominant, à la charge de la foi & homma-