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gure d’un rognon applati. Il n’y a que les feuilles de cette plante qui soient d’usage.

MOUSSERON, s. m. (Botan.) espece de champignon printannier gros comme un pois, odorant, & fort bon à manger ; c’est le fungus vernus, esculentus, pileolo rotundiori, de Tournefort, J.R.H. 557.

Tout ce que nous avons de connoissance sur les mousserons, c’est qu’on en trouve au commencement du printems au milieu de la mousse dans les endroits ombrageux, dans les bois, sous les arbres, entre les épines, dans les prés, & qu’il en revient chaque année au même lieu d’où l’on en a tiré ; mais comment ils croissent & végetent, c’est ce que nous ignorons, curieux seulement de les savoir bien aprêter.

Lorsqu’ils commencent à paroître, ils ont des pédicules courts qui jettent des fibres en terre, & qui supportent des têtes de la grosseur d’un pois ; ils deviendroient deux fois plus gros, si on ne les arrachoit. Leur pédicule est cylindrique, crépu, ridé à la base, & ne s’éleve pas beaucoup au dessus de la terre. Leurs têtes sont d’abord formées & arrondies au sommet ; elles forment une espece de pavillon, & sont rayées en-dessous de plusieurs cannelures qui vont du centre à la circonférence. Quand le mousseron est parvenu à son degré de maturité, les cannelures s’étendent comme dans les champignons ordinaires. Toute sa substance extérieure & intérieure est blanche, charnue, spongieuse, agréable au goût, & d’une bonne odeur.

En conséquence on les sert dans les meilleures tables où nos chefs de cuisine s’exercent à les présenter en ragoût sous toutes sortes de faces. Ils nous donnent, pour mieux charger notre estomac d’indigestions, des croûtes aux mousserons, des mousserons à la crême, des mousserons à la provençale, des tourtes de mousserons, des pains aux mousserons, enfin des potages de croûtes aux mousserons en gras & en maigre. Tous ces noms indiquent de reste le cas qu’on en fait dans ce royaume.

MOUSSONS, s. f. pl. (Phys. & Géog.) vents périodiques ou anniversaires, qui soufflent six mois du même côté, & les autres six mois du côté opposé. Voici les principaux. 1°. Entre le 10. & le 30. degré de latitude méridionale, & entre l’île de Madagascar & la nouvelle Hollande, il souffle toute l’année vent de sud-est, mais qui devient en certains tems plus est de quelques rhumbs. 2°. Entre le 2 & le 10 degré de latitude méridionale, & entre les îles de Java, de Sumatra, & de Madagascar, il regne depuis Mai jusqu’en Octobre un vent de sud-est, & de Novembre en Mai un vent de sud ouest ; cependant à la distance de 2 ou 3 degrés de chaque côte de l’équateur on a souvent des calmes, des orages, & des vents variables. 3°. En Afrique, entre les côtes d’Ajana, & entre les côtes d’Arabie, de Malabar, & dans le golfe de Bengale jusqu’à l’équateur, il souffle depuis Avril jusqu’en Octobre un vent fort impétueux, qui est accompagné de nuées fort épaisses, d’orages & de grosses pluies ; depuis Octobre jusqu’en Avril il y regne un vent de nord-est, mais moins violent que le précédent, & accompagné d’un beau tems : ces deux vents de nord-est & de sud-ouest soufflent avec bien moins de violence dans le golfe de Bengale que dans la mer des Indes. Les vents ne tiennent cependant pas la même route dans ces parages, mais ils soufflent obliquement suivant la direction du contour des côtes, & on a même quelquefois deux ou trois rhumbs tous différens ; on remarque aussi que dans les golfes profonds, comme dans celui de Bengale, les vents qui sont sur les côtes different de ceux qui soufflent sur ces golfes. 4°. En Afrique, entre la côte

de Zanguebar & l’île de Madagascar, il souffle d’Octobre en Mai un vent de sud-est, & dans les six autres mois un vent d’ouest, & même de nord-ouest, qui n’est pas plûtôt arrivé en pleine mer vers l’équateur, après avoir passé l’île de Madagascar, qu’il se change en un vent de sud-ouest, qui prend beaucoup du vent de sud. Lorsque ce vent commence à changer, il devient froid, on a de la plaie & de l’orage, mais les vents d’est sont toujours doux & agréables. 5°. Le long des côtes de Zanguebar & d’Ajan jusqu’à la mer Rouge, les vents sont variables depuis Octobre jusqu’à la mi-Janvier : il y regne ordinairement des vent de nord violens & orageux, qui sont accompagnés de pluie : depuis Janvier jusqu’en Mai, ces vents sont nord-est, nord-nord-est, accompagnés de beau tems : il regne depuis Mai jusqu’en Oct. des vents de sud : en Juillet, Août & Septembre on a, dans les golfes de Pate & de Melinde, de grands calmes qui durent bien six semaines de suite. 6°. Il souffle, vers l’embouchure de la mer Rouge, près du cap Guardafui, des vents violens, & cela dans le tems même qu’on a des calmes dans le golfe de Melinde, l’air y est serein, mais il ne souffle qu’un petit vent à la distance de 10 ou 12 milles de ce cap, en tirant vers la mer. 7°. Il regne un vent de sud dans la mer rouge entre les mois de Mai & d’Octobre ; il se range au nord dans les mois de Septembre & d’Octobre, & devient enfin nord-est avec le beau tems ; ce vent dure jusqu’en Avril ou Mai, & alors il devient nord, ensuite est, & enfin sud, lequel souffle constamment. 8°. Enfin entre les côtes de la Chine, & entre Malaca, Sumatra, Borneo, & les îles Philippines, il regne depuis Avril jusqu’en Octobre un vent de sud & de sud-ouest, & depuis Octobre jusqu’en Avril un vent de nord-est, qui ne differe pas beaucoup d’un vent de nord. Ce vent devient nord, & même nord-ouest, entre les îles de Java, Tinior, la nouvelle Hollande, & la nouvelle Guinée, de même qu’au lieu d’un vent de sud-ouest il souffle ici un vent de sud-est, lequel se change en nord est, à cause des golfes & des courbures que forment Tinior, Java, Sumatra, & Malaca.

La cause des moussons est assez inconnue ; tout ce que les Philosophes en ont dit n’est rien moins que satisfaisant ; la plûpart de leurs conjectures ne sont point du tout fondées, & il y en a même quelques-unes qui se trouvent contraires aux lois de la nature. Il paroît cependant que ces vents dépendent en même tems de plusieurs causes. Ils peuvent dépendre en effet des montagnes & des exhalaisons qui en sortent dans certains tems, & qui poussent alors l’air dans certaines directions déterminées. Ils peuvent venir aussi de la fonte des neiges, & peut-être encore de plusieurs autres causes réunies. Comme nous n’avons point encore de bonnes descriptions des cartes de la position des montagnes, du plat pays des environs, de son terrein sablonneux que le soleil échauffe, ni enfin du cours des rivieres, & de plusieurs autres circonstances, on ne sauroit entreprendre de donner la raison suffisante de ces vents : nous tenons de M. Halley ce qui a été donné de meilleur là-dessus.

Les anciens Grecs parlent de diverses autres moussons, dont quelques-unes arrivoient dans les jours caniculaires, & les autres en hiver ; celles qui arrivoient en été portoient au nord & au nord-est. Les auteurs qui en ont parlé ne nous ont pas marqué le tems précis auquel ces vents commençoient. Quelques-uns ont dit qu’ils commençoient le 6, d’autres le 16 de Juillet, & qu’ils continuoient encore 40 jours de suite, jusqu’à la fin d’Août : d’autres ont prétendu qu’ils duroient jusqu’à la mi-Septembre. Ceux-ci ne soufflent que le jour, s’appaisent la nuit, & commencent le matin avec le lever du