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foule cette terre avec le couteau dont on a parlé ; ensorte que la bombe soit fixe dans la situation où on l’a mise. Tout cela étant fait, l’officier pointe le mortier, c’est-à-dire qu’il lui donne l’inclinaison nécessaire pour faire tomber là bombe dans le lieu où on veut la faire aller. Lorsque le mortier est placé dans la situation convenable pour cet effet, on gratte la fusée, c’est-à-dire qu’on la décoëffe ; on fait aussi entrer le dégorgeoir dans la lumiere pour la nettoyer. On la remplit de poudre très-fine ; & ensuite deux soldats prennent chacun l’un des deux boutefeux ; le premier met le feu à la fusée & le second au mortier. La bombe chassée par l’effort de la poudre va tomber vers le lieu où elle est destinée ; & la fusée qui doit se trouver à sa fin lors de l’instant où la bombe touche le lieu vers lequel elle est chassée, met dans ce même instant le feu à la poudre dont la bombe est chargée : cette poudre, en s’enflammant, brise & rompt la bombe en éclats qui se dispersent à peu-près circulairement autour du point de chute, & qui font des ravages considérables dans les environs.

Remarques. Si la fusée mettoit le feu à la bombe avant qu’elle fût dans le lieu où on veut la faire tomber, la bombe creveroit en l’air, & elle pourroit faire autant de mal à ceux qui l’auroient tirée qu’à ceux contre lesquels on auroit voulu la chasser. Pour éviter cet inconvénient, on fait ensorte que la fusée dont on connoit assez exactement la durée, ne mette le feu à la bombe que dans l’instant qu’elle vient de toucher le lieu sur lequel elle est chassée ou jettée. Pour cet effet, comme la fusée dure au moins le tems que la bombe peut employer pour aller dans l’endroit le plus éloigné où elle puisse tomber ; lorsqu’on veut faire aller la bombe fort loin, on met le feu à la fusée & au mortier & en même tems ; lorsque la bombe a peu de chemin à faire, on laisse bruler une partie de la fusée avant de mettre le feu au mortier.

De la position du mortier pour tirer une bombe, & de la ligne qu’elle décrit pendant la durée de son mouvement. Comme l’un des effets de la bombe résulte de sa pesanteur, on ne la chasse pas de la même maniere que le canon ; c’est-à-dire, le mortier dirigé, ou pointé vers un objet déterminé, on lui donne une inclinaison à l’horison, de maniere que la bombe étant chassée en haut obliquement, à peu-près de la même maniere qu’une balle de paume est chassée par la raquette, elle aille tomber sur l’endroit où on veut la faire porter. On voit par là que le mortier n’a point de portée de but-en-blanc, ou du moins qu’on n’en fait point d’usage.

Le mortier étant posé dans une situation oblique à l’horison, ensorte que la ligne AC (Pl. VIII. de la fortific. fig. 1.) qui passe par le milieu de sa cavité, étant prolongée, fasse un angle quelconque B & D avec la ligne horisontale A B ; la bombe chassée suivant le prolongement de cette ligne, s’en écarte dans toute la durée de son mouvement par sa pesanteur qui l’attire continuellement vers le centre ou la superficie de la terre : ce qui lui fait décrire une espece de ligne courbe AEB que les Géometres appellent parabole. Voyez Parabole & Jet de bombes.

Maniere de pointer le mortier. Pointer le mortier, c’est lui donner l’angle d’inclinaison convenable, pour que la bombe soit jettée dans un lieu déterminé.

Pour cet effet, on se sert d’un quart-de-cercle divisé en degrés, au centre duquel est attaché un fil qui soutient un plomb par son autre extrémité. On porte un des côtés de cet instrument sur les bords de la bouche du mortier, & le fil marque les degrés de l’inclinaison du mortier.

On se sert quelquefois pour le même usage d’un

quart-de cercle brisé, tel qu’on le voit dans la figure N de la Pl. VII. de fortific. La fig. O de la même Pl. montre le même quart-de-cercle par derriere, où sont divisés les diametres des pieces & des boulets, & le poids & demi-diametre de sphere des poudres.

Comme ces sortes d’instrumens ne peuvent pas, à cause de leur petitesse, donner avec précision l’angle d’inclinaison du mortier ; que d’ailleurs on les pose indifféremment à tous les endroits du bord de la bouche du mortier : il arrive le plus souvent, dit M. Bélidor dans son Bombardier franç. « que le métal n’étant pas coulé également par-tout, & le pié de l’instrument ne posant, pour ainsi dire, que sur deux points, on trouve des angles différens chaque fois qu’on le change de situation. J’ai aussi remarqué, dit le même auteur, que lorsqu’on avoit pointé le mortier à une certaine élevation, si on appliquoit sur le bord de sa bouche plusieurs quarts-le-cercle, les uns après les autres, chacun donnoit un nombre de degrés différens, quoique posés au même endroit, parce que la plûpart sont mal-faits ou devenus défectueux, pour les avoir laissé tomber, ce qui en fausse le pié.

» Pour éviter ces inconvéniens, il faut avoir un grand quart-de cercle de bois, tel qu’on le voit sur le mortier A fig. 8. Pl. VII. de fortific. Il est accompagné d’une branche ou regle BC qu’on pose diamétralement sur le mortier, ensorte qu’elle en coupe l’ame parfaitement à angles droits. Au centre F du quart-de-cercle est attaché un pendule qui n’est autre chose qu’un fil de soie, au bout duquel est un plomb G qui va se loger dans une rainure, afin que la soie réponde immédiatement aux divisions de l’instrument. »

Il est évident que l’angle CFG est celui de l’inclinaison du mortier ; car si le mortier étoit pointé verticalement, le fil de soie tomberoit au point C ; mais il s’en écarte autant que la position du mortier s’écarte de la direction de la verticale. C’est pourquoi l’angle CFG est l’angle dont le mortier est incliné, ce qu’il falloit démontrer.

Pour ce qui concerne le service du mortier à un siege, voyez Batterie de Mortiers.

Mortier-plerrier. (Fortif.) Voyez Pierrier.

Mortier-perdreaux, ou à perdreaux (Fortif.) est un mortier accompagné de plusieurs autres petits mortiers pratiqués dans l’épaisseur de son métal. Chacun de ces petits mortiers a une lumiere percée à un pouce de son extrémité, laquelle répond à une pareille lumiere percée dans l’épaisseur du gros mortier, immédiatement au-dessous de la plinthe qui arrête les petits mortiers.

Ces petits mortiers sont propres à tirer des grenades, & on appelle ce mortier qui les contient à perdreaux, parce qu’en le tirant, sa bombe peut être regardée comme la perdrix accompagnée de grenades qui lui tiennent lieu de perdreaux. Les alliés ont fait beaucoup d’usage de cette sorte de mortiers dans la guerre de 1701 ; mais ils n’ont point eu une parfaite réussite dans les épreuves qui en ont été faites en France en 1693, & qui sont rapportées dans les Mémoires d’Artillerie de M. de Saint-Remy.

Mortier a la coehorn, (Fortificat.) ce sont de petits mortiers propres à jetter des grenades, & qui sont de l’invention du celebre ingénieur dont ils portent le nom.

Mortier aux pelotes. (Fonderie en sable.) Les fondeurs de menus ouvrages nomment ainsi un mortier de bois ou de pierre, & plus ordinairement de fonte, dans lequel ils forment avec un maillet des especes de boules ou de pelotes avec du cuivre en feuilles, qu’ils ont auparavant taillées en