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Auguste, de sortir du pays qui l’avoit demandé pour son maître. Aulieu de défendre sa conquête, il alla se croiser contre les Albigeois, qu’on égorgeoit alors, en exécution des sentences de Rome. Dans cette expédition, la maladie épidémique se mit dans son armée, l’attaqua lui-même, & l’emporta à 39 ans. Quoiqu’il eût repris sur les Anglois le Limousin, le Périgord & le pays d’Aunis, il ne put leur enlever la Guienne, & ne termina rien de grand ni de décisif. Il légua par son testament vingt mille livres pour deux cent hôtels-dieu, & une autre somme considérable à chacune des deux mille léproseries de son royaume. La livre de ce tems-là revient à 50 livres de nos jours. (D. J.)

MONT-PILATE, (Geog.) nommé autrement, & mieux encore Frakmont ; montagne de Suisse, à-peu-près au centre de la Suisse, dans le canton de Lucerne, en allant du côté d’Underwald. Elle commence à l’occident du lac de Lucerne ; & sa chaîne d’environ quatorze lieues s’étend du nord au sud, jusque dans le canton de Berne.

La Suisse montagneuse n’étoit guere peuplée, lorsqu’une bande de déserteurs Romains vint s’établir sur cette montagne. Ils lui donnerent le nom de Mons fractus, ce qui prouve qu’elle étoit alors, comme aujourd’hui très escarpée. Elle fut ensuite appellée Mons pilæatus, parce qu’elle est presque toujours en quelque maniere couverte d’un chapeau de nuées. De-là, par corruption, on l’a nommée Mont-pilate. Elle est isolée, & doit être regardée à certains égards, pour la plus haute de la Suisse. Il est vrai que le mont Titlio, celui de saint Gothard, & quelques-uns du pays des Grisons, ont la cime plus élevée, mais ce sont des chaînes de montagnes assises les unes sur les autres. Celui ci, dans toute sa longueur, n’est accessible que dans la partie de ses deux pointes qui sont distantes l’une de l’autre d’une lieue & demie.

Le docteur Lang, de Lucerne, a formé un cabinet de curiosités naturelles en coquillages pétrifiés, dents, arrêtes & carcasses de poissons, qu’il a trouvés sur cette montagne. Le gibier qu’on y voit, consiste en bartavelles, coqs de bruyeres, chamois, chevreuils & bouquetins.

On y donne des leçons pour marcher d’un rocher à l’autre. Les souliers d’usage sont une semelle de bois leger, qu’on attache avec des cuirs. On enfonce quatre clous dans le talon, & six sous la semelle. Ces clous qui sont des clous de fers de cheval, faits à l’épreuve, ne cassent jamais, & débordent la semelle d’un demi-pouce.

Les montagnards du Mont-pilate, quoique sous la domination d’un souverain, s’exemptent quand ils le veulent, d’en suivre les lois, bien assurés qu’on n’ira pas les forcer dans leurs retranchemens. Comme ils ne peuvent occuper le haut de la montagne que quatre mois de l’année, à cause des neiges, ils ont de chétives habitations à mi-côte, où ils passent l’hiver avec leurs familles, & ne vivent que de laitage & de pain noir. On a d’abord quelque peine à concevoir qu’ils préferent cette demeure sterile à celle du plat-pays fertile, & qu’ils menent gaiement une vie pauvre, dure & misérable en apparence. Mais quel empire n’a pas sur le cœur de l’homme l’amour de la liberté ! Elle peut rendre des deserts, des cavernes, des rochers plus agreables que les plaines les plus riantes, puisqu’elle fait souvent préférer la mort à la vie. (D. J.)

MONT-RÉAL, (Géogr.) petite ville d’Espagne au royaume d’Arragon, vers les frontieres de la nouvelle Castille, avec un château ; elle est sur le Xiloca Long. 16. 21. lat. 40 50.

Mont-réal, l’Isle de, (Géogr.) petite île de l’Amérique septentrionale, dans le fleuve de saint

Laurent, d’environ 10 lieues de long sur 4 de large. Elle appartient aux François. Mont-réal ou Ville-Marie en est la capitale ; c’est une place fortifiée, dans une situation plus avantageuse que celle de Québec, sur le bord du fleuve saint-Laurent, & à 60 lieues de Québec. Le séminaire de saint Sulpice de Paris en est seigneur. Long. 305. 35. lat. septent. 45. 10. (D. J.)

MONTRE ou REVUE, s. f. c’est dans l’Art milit. assembler les troupes, & les faire paroître en ordre de bataille, pour examiner si elles sont complettes & en bon état, & pour en ordonner le payement. De-là vient que faire la montre, c’est faire le payement des troupes.

Les termes de montre & revue étoient autrefois synonymes, mais il paroît qu’ils ne le sont plus actuellement. Car on ne dit point dans les nouvelles ordonnances, que les commissaires, les inspecteurs & les colonels feront la montre des troupes, mais la revue, voyez Revue. Ainsi le terme de montre exprime simplement la paye des troupes ; & celui de revue l’assemblée qui se fait pour constater leur nombre & leur état.

Les montres des compagnies d’ordonnance, dit le pere Daniel, se faisoient quatre fois l’année. Il y en avoit deux générales, où se trouvoit souvent un maréchal de France : celles-ci se faisoient en armes, c’est à-dire que les gendarmes y paroissoient équipés avec l’armure complette de pié en cap, comme s’ils avoient été sur le point de combattre. Les deux autres revues étoient des revues particulieres de chaque compagnie qui se faisoient en présence du commissaire. La compagnie n’y étoit point en armes, mais seulement avec la livrée du capitaine, & cela s’appelloit faire la montre en robe ; c’est le terme dont on se sert dans divers anciens tôles. Hist. de la Milice françoise.

Montre, (Comm.) se dit de l’exposition que les marchands font de leurs marchandises l’une après l’autre, à ceux qui se présentent pour les acheter.

Dans le commerce de grains, on dit qu’on a acheté du blé, de l’avoine, de l’orge, &c. sur montre, pour faire entendre qu’on l’a acheté sur un échantillon ou poignée qui a été apportée au marché. Dictionn. de Comm.

Montre se dit encore des étoffes ou marques que les marchands mettent au-devant de leurs boutiques ou aux portes de leurs magasins, pour faire connoître aux passans les choses dont ils font le plus de négoce.

Les marchands Merciers & Épiciers ont des montres de leurs merceries & drogueries pendues à leurs auvens. Les Orfevres, Joailliers ont sur leurs boutiques de certaines boîtes qu’ils nomment leurs montres, & qui sont remplies de bijoux, tabatieres, étuis, bagues, &c. Les Couteliers en ont de semblables où sont rangés des ouvrages de leur profession, avec leur marque ou poinçon gravés en relief au-dessus de leur boîtes de montre.

Les maîtres-Boulangers ont pour montre une grille, composée partie de bois ou de gros fer, & partie d’un treillis de fil d’archal qui occupe l’ouverture de leur boutique sur la rue. Au-dedans de cette grille sont divers étages de planches sur lesquelles ils mettent les différentes sortes de pains qu’ils débitent. Dictionn. de Comm.

Montre, s. f. (Horlogerie.) signifie une très-petite horloge, construite de façon qu’on la puisse porter dans le gousset, sans que sa justesse en soit sensiblement alterée. Quoique cette définition convienne assez généralement aux montres, il semble cependant que ce mot de montre a aussi beaucoup de rapport à la forme de l’horloge & à la disposition de ses parties ; car on appelle montre de car-