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Plusieurs montagnes vomissent des flammes, ce sont celles que l’on nomme volcans : voyez cet article. Quelques-unes, après avoir été des volcans pendant plusieurs siecles, cessent tout-à-coup de vomir du feu, & sont remplacées par d’autres montagnes qui commencent alors à présenter les mêmes phénomenes.

Les montagnes varient pour les aspects qu’elles nous présentent, qui sont quelquefois très singuliers. Telle est la montagne inaccessible que l’on met au rang des merveilles du Dauphiné ; elle ressemble à un cône renversé, n’ayant par sa base que mille pas de circonférence, tandis qu’elle en a deux mille à son sommet.

On voit à Aderbach en Bohème une suite de montagnes ou de masses de rochers de grès, qui présentent le coup d’œil d’une rangée de colonnes ou de piliers semblables à des ruines ; quelques-uns de ces piliers sont comme des quilles appuyées sur la pointe. Il paroît que cet assemblage de masses isolées a été formé par les eaux, qui ont peu-à-peu excavé & miné le grès qui les compose. M. Gmelin dit avoir vû en Sibérie plusieurs montagnes ou rochers qui présentoient le même aspect.

Après avoir fait voir les différences qui se trouvent entre les montagnes primitives & celles qui sont récentes, il sera à propos de rapporter les sentimens des plus célebres physiciens sur leur formation ; les opinions sur cette matiere sont très-partagées, ainsi que sur beaucoup d’autres, & l’on verra que faute d’avoir distingué les montagnes de la maniere qui a été indiquée, on est tombé dans bien des erreurs, & l’on a attribué une même cause à des effets tout différens.

Thomas Burnet a cru qu’au commencement du monde notre globe étoit uni & sans montagnes, qu’il étoit composé d’une croûte pierreuse qui servoit d’enveloppe aux eaux de l’abîme ; qu’au tems du déluge universel, cette croute s’est crevée par l’effort des eaux, & que les montagnes ne sont que les fragmens de cette croûte dont une partie s’est élevée, tandis qu’une autre partie s’est enfoncée.

Woodward admet des montagnes telles que nous les voyons dès avant le déluge, mais il dit que dans cette catastrophe toutes les substances dont la terre étoit composée, ont été dissoutes & mises dans l’état d’une bouillie, & qu’ensuite les matieres dissoutes se sont déposées & ont formé des couches en raison de leur pesanteur spécifique. Ce sentiment a été adopté par le célebre Scheuchzer, & par un grand nombre de naturalistes, qui n’ont pas fait attention que quand même on admettroit cette hypothèse pour les montagnes récentes & formées par couches, elle n’étoit pas propre à expliquer la formation des hautes montagnes que nous avons appellées primitives.

Ray suppose des montagnes dès le commencement du monde, qui, selon lui, ont été produites par ce que la croûte de la terre a été soulevée par les feux souterreins, à qui cette croûte ôtoit un passage libre, & dans les endroits où ces feux se sont fait une issue, ils ont formé des montagnes par l’abondance des matieres qu’ils ont vomi ; cependant il suppose que dans le commencement la terre étoit entierement couverte d’eau. Ce sentiment de Ray a été suivi par Lazaro Moro qui l’a poussé encore plus loin, & qui voyant qu’en Italie tout le terrein avoit été culbuté par des volcans & des tremblemens de terre, qui quelquefois ont formé des montagnes, en a fait une regle génerale, & s’est imaginé que toutes les montagnes avoient été produites de cette maniere. En effet, la montagne appellée monte di Cinere, qui est dans le voisinage de Pouzzole, a été produite par un tremblement de terre en 1538. Mais on pourroit demander d’où sont venus les bitumes, les chat-

bons de terre, & les autres matieres inflammables

qui servent d’aliment aux feux souterreins, & comment ces substances qui sont dûes au regne végétal, ont-elles été enfouies dès la création du monde dans le sein de la terre. D’ailleurs on ne peut nier que quelques montagnes n’ayent été produites de cette façon ; mais elles sont très-différentes des montagnes primitives & des montagnes formées par couches.

Le célebre Leibnitz dans sa Protogée, suppose que la terre étoit au commencement toute environnée d’eau, qu’elle étoit remplie de cavités, & que ces cavités ont occasionné des éboulemens qui ont produit les montagnes & les vallées. Mais on ne nous apprend point ce qui a produit ces cavités, & d’ailleurs ce sentiment n’explique point la formation des montagnes par couches.

Emmanuel Swedenborg croit que les endroits où l’on trouve des montagnes ont été autrefois le lit de la mer, qui couvroit une portion du continent qu’elle a été forcé d’abandonner depuis ; ce sentiment est très probable, & le plus propre à expliquer la formation des montagnes composées de couches ; mais il ne suffit point pour faire connoître l’origine des montagnes primitives.

M. Schulze ayant publié en 1746 une édition allemande de l’histoire naturelle de la Suisse du célebre Scheuchzer, y a joint une dissertation sur l’origine des montagnes, dont on croit devoir donner ici le précis. Il suppose 1°. que la terre n’a point toûjours tourné sur son axe, & qu’au commencement elle étoit parfaitement sphérique, d’une consistence molle, & environnée d’eau ; 2°. lorsque la terre commença à tourner sur son axe, elle a dû s’applatir vers ses pôles, & sa surface a dû augmenter vers l’équateur à cause de la force centrifuge. L’auteur s’appuie des observations de M. de Maupertuis, qui a jugé que le diametre de la terre devoit être aux poles de 6525600 toises & à l’équateur de 6562480, d’où l’on voit que le diametre de la terre sous la ligne, excede de 36880 toises le diametre de la terre sous les poles.

M. Schulze observe que lorsque la terre étoit parfaitement ronde, son diametre devoit être de 6537319 toises, & conséquemment elle a dû s’applatir vers les pôles de 11719 toises, & s’élever vers la ligne de 25161. Le même auteur prétend que les plus hautes montagnes n’ont guere que 12000 piés d’élévation perpendiculaire au-dessus du niveau de la mer, qui elle-même n’a guere plus de 12000 piés de profondeur.

De cette maniere il fait voir que les plus hautes montagnes ont dû se trouver vers l’équateur, ce qui est conforme aux observations les plus exactes & les plus récentes ; mais suivant ce système, la direction de ces montagnes devroit être la même que celle de l’équateur, ce qui n’est point vrai, puisque nous voyons, par exemple, que la Cordiliere coupe, pour ainsi dire, l’équateur à angles droits ; & d’ailleurs les montagnes de la Norwege, de la Russie, les Alpes, les Pyrénées, sont certainement des montagnes du premier ordre, cependant elles sont très-éloignées de la ligne.

Quant aux montagnes par couches, M. Schulze croit que différentes parties de la terre ont essuyé à plusieurs reprises des mondations distinctes, qui ont déposé des lits différens, & dont les dépôts se sont fait tantôt dans des eaux tranquiles, tantôt dans des eaux violemment agitées. Ces inondations ont quelquefois couvert le sommet des montagnes les plus anciennes ; c’est pour cela qu’il y en a où l’on trouve des couches de terre, & des amas de pierres & de débris. C’est ainsi qu’il nous apprend avoir trouvé le sommet du mont Rigi en Suisse, couvert d’un amas de pierres roulées & liées les unes aux autres par un