Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/643

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sionnaires, ou employés à quelque office ecclésiastique, sont obligés, encore plus étroitement que les simples clercs, à observer ce qui est contenu dans les canons ; c’est pourquoi il veut que les ecclésiastiques du second ordre, bénéficiers, pensionnaires, ou ayant emploi & offices dans l’Église, lorsqu’ils sont connus pour concubinaires, soient punis par la privation, pour 3 mois, des fruits de leur bénéfice, après une monition, & qu’ils soient employés en œuvres pies ; qu’en cas de récidive, après la seconde monition, ils soient privés du revenu total pendant le tems qui sera avisé par l’ordinaire des lieux ; & après la troisieme monition, en cas de récidive, qu’ils soient privés pour toûjours de leur bénéfice ou emploi, déclarés incapables de les posséder, jusqu’à ce qu’il paroisse amendement, & qu’ils aient été dispensés : que si après la dispense obtenue, ils tombent dans la récidive, ils soient chargés d’excommunication & de censures, déclarés incapables de jamais posséder aucuns bénéfices.

A l’égard des simples clercs, le même concile veut qu’après les monitions, en cas de récidive, ils soient punis de prison, privés de leurs bénéfices, déclarés incapables de les posséder, ni d’entrer dans les ordres.

Ces monitions canoniques peuvent pourtant encore être faites en deux manieres.

La premiere, verbalement par l’évêque ou autre supérieur, dans le secret suivant le précepte de l’Evangile ; c’est celle dont les évêques se servent le plus ordinairement : mais il n’est pas sûr de procéder extraordinairement après de pareilles monitions, y ayant des accusés qui dénient d’avoir reçu ces monitions verbales, & qui en font un moyen d’abus au parlement.

La seconde forme de monition, est celle qui se fait par des actes judiciaires, de l’ordre de l’évêque ou de l’official, à la requête du promoteur ; c’est la plus sûre & la plus juridique.

Les évêques ou le promoteur doivent avant de procéder aux monitions, être assures du fait par des dénonciations en forme, à moins que le fait ne fût venu à leur connoissance par la voix & clameur publique : alors le promoteur peut rendre plainte à l’official, faire informer, & après les monitions faire informer suivant l’exigence des cas.

Après la premiere monition, le délai expiré, on peut continuer l’information sur la récidive, & sur le réquisitoire du promoteur, qui peut donner sa requête à l’official, pour voir déclarer les peines portées par les canons, encourues.

En vertu de l’ordonnance de l’official, le promoteur fait signifier une seconde monition, après laquelle on peut encore continuer l’information sur la récidive.

Sur les conclusions du promoteur, l’official rend un decret que l’on signifie avec la troisieme monition.

Si après l’interrogatoire l’accusé obéit aux monitions, les procédures en demeurent là ; c’est l’esprit de l’Église qui ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion.

Si au contraire, l’accusé persévere dans ses désordres, on continue l’instruction du procès à l’extraordinaire, par récolement & confrontation.

Quand les monitions n’ont été que verbales, si l’accusé les dénie, on en peut faire preuve par témoins.

On peut faire des monitions aux ecclésiastiques pour tout ce qui touche la décence & les mœurs, pour les habillemens peu convenables à l’état ecclésiastique, pour le défaut de résidence, & en général pour tout ce qui touche l’observation des canons & des statuts synodaux.

Les censures que le juge d’Église prononce, doivent être précédées des monitions canoniques.

On fait ordinairement trois monitions, entre chacune desquelles on laisse un intervalle au moins de deux jours, pour donner le tems de se reconnoître à celui qui est menacé d’excommunication. Cependant quand l’affaire est extraordinairement pressée, on peut diminuer le tems d’entre les monitions, n’en faire que deux, ou même qu’une seule en avertissant dans l’acte que cette seule & unique monition tiendra lieu des trois monitions canoniques, attendu l’état de l’affaire qui ne permet pas que l’on suive les formalités ordinaires. Voyez Duperray, titre de l’état & capacité des ecclésiastiques. Les Mémoires du clergé, & le Recueil des procédures de l’officialité, par Descombes. (A)

MONITOIRE, subst. & adj. (Jurisp.) sont des lettres qui s’obtiennent du juge d’Église, & que l’on publie-au prône des paroisses, pour obliger les fideles de venir déposer ce qu’ils savent des faits qui y sont contenus, & ce sous peine d’excommunication. L’objet de ces sortes de lettres est de découvrir ceux qui sont les auteurs de crimes qui ont été commis secretement.

L’usage des monitoires est fort ancien dans l’Église. En effet, nous trouvons dans le titre, de testibus cogendis, divers decrets par lesquels il est ordonné que l’on contraindra, par des censures, des témoins à déposer dans des matieres criminelles. Dans le chapitre, cum contrà, Innocent III. mande à un archidiacre de Milan, qu’il emploie des censures pour obliger des témoins à rendre témoignage contre un homme qui avoit falsifié des lettres apostoliques. Clément III. dans le chapitre per emit. ij. ordonne pareillement qu’on usera de censures pour avoir preuve des injures atroces qui avoient été faites à des clercs par des laïques. Honoré III. en use de même dans le dernier chapitre de ce titre, pour découvrir les auteurs d’une conjuration d’une ville contre leur prélat.

Le concile de Basle, tit. xxj. de excommunicatis, & xxij. de interdictis, reçu & autorisé par la pragmatique sanction, de même que le concile de Trente, sess. xxv. chap. xxiij. marquent le tems, la maniere & la retenue avec laquelle on doit user des monitoires, & des censures qui y sont employées.

Les monitoires ne peuvent être accordés que par les évêques, leurs grands-vicaires, ou leurs officiaux ; & pour l’obtention de ces monitoires on est obligé de garder l’ordre des jurisdictions ecclésiastiques ; de maniere que l’on ne peut s’adresser pour cet effet au pape, sinon dans le cas où l’appel lui est dévolu.

Autrefois les papes donnoient des lettres monitoriales ou lettres de monitoires qu’on appelloit de significavit, parce qu’elles commençoient par ces mots, significavit nobis dilectus filius. Le pape mandoit à l’évêque diocésain d’excommunier ceux qui ayant connoissance des faits expliqués par l’impétrant, ne viendroient pas les révéler. Les officiers de la cour de Rome s’étoient aussi mis en possession d’accorder à des créanciers des monitoires ou excommunications, avec la clause satisfactoire qu’on appelloit de nisi, par lesquelles le pape excommunioit leurs débiteurs, s’ils ne les satisfaisoient pas dans le tems marqué par le monitoire ; mais les parlemens ont déclaré tous ces monitoires abusifs, non seulement parce que l’absolution de l’excommunication y est réservée au pape, mais encore parce qu’ils donnent au pape un degré de jurisdiction, omisso medio : ils sont d’ailleurs abusifs en ce qu’ils attribuent au juge d’Église la connoissance des affaires temporelles, & qu’ils n’ordonnent qu’une seule monition.

Le juge d’Église ne peut faire publier aucun moni-