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dixieme jour. Les mois de vingt-neuf jours étoient appellés creux, ϰοιλοι ; & comme ils finissoient au neuvieme jour, on les nommoit ἐνναφθινοι.

Pour entendre la maniere qu’avoient les Grecs de compter les jours des mois, il faut savoir que chacun de leurs mois étoit divisé en trois décades, ou dixaines de jours, τρια δεχημερα ; la premiere décade étoit du mois commençant, μηνὸς ἀρχομένου ou ἱσταμένου ; la seconde décade étoit du-milieu du mois, μηνὸς μεσοῦντος ; la troisieme décade étoit du mois finissant, μηνὸς φθίνοντος, ou παυομένου, ou λέγοντος.

Ils nommoient le premier jour du mois νεομηνία, comme tombant sur la nouvelle lune ; ils l’appelloient aussi πρώτη ἀρχομένου, ou ἱσταμένου, parce qu’il faisoit le premier jour de la premiere décade ; le second jour se nommoit δευτέρα ἱσταμένου ; le troisieme, τρίτη ἱσταμένου, & ainsi de suite jusqu’à δεκάτη ἱσταμένου.

Le premier jour de la deuxieme décade, qui faisoit le onzieme jour du mois, s’appelloit πρώτη μησοῦντος, ou πρώτη ἐπὶ δέκα ; c’est-à-dire le premier au-dessus de la dixaine ; le second de cette même décade se nommoit δευτέρη μησοῦντος, ou δευτέρα ἐπὶ δέκα, & ainsi de suite, jusqu’à εἰκὰς, le vingtieme, qui étoit le dernier de la deuxieme décade.

Le premier jour de la troisieme décade étoit nommé πρώτη ἐπ’ εἰκάδι ; de second δευτέρα ἐπ’ εἰκάδι, & ainsi des autres.

Quelquefois ils renversoient les nombres de cette derniere décade, appellant le premier jour φθίνοντος δεκάτη, le second φθίνοντος ἐννάτη, le troisieme φθίνοντος ὀγδόη, & ainsi de suite jusqu’au dernier jour du mois, qui se nommoit δημητριὰς, en l’honneur de Démétrius Poliorcete, Avant le regne de ce prince, & en particulier du tems de Solon, on appelloit le dernier jour du mois ἔνη καὶ νέα, le vieux & le nouveau, parce que la nouvelle lune arrivant alors, une partie de ce jour tomboit sur la vieille lune, & l’autre partie sur la nouvelle. On le nommoit encore τριακὸς, le trentieme ; & cela non-seulement dans les mois de trente jours, mais aussi dans ceux de vingt-neuf. A l’égard de ces derniers, on ne comptoit pas le vingt-deux, &, selon d’autres, le vingt-neuf, mais on comptoit toujours constamment le trentieme ; ainsi, conformément au plan de Thalès, tous les mois étoient nommés mois de trente jours, quoique par le réglement de Solon, la moitié des mois n’avoit que vingt-neuf jours. De cette maniere l’année lunaire des Athéniens s’appelloit une année de 360 jours, quoique réellement elle en eût seulement 354.

Comme les noms des mois étoient différens dans les différentes parties de la Grece, & que nous n’avons de calendriers complets que ceux d’Athènes & de Macédoine, c’est assez de considérer ici les mois athéniens, en mentionnant simplement ceux de quelques autres grecs qui leur répondent.

Hecatombœon étoit le premier mois de l’année athénienne ; il commençoit à la nouvelle lune, après le solstice d’été, & répondoit, suivant le calcul du savant Potter, à la fin de notre mois de Juin & au commencement de Juillet. Il avoit trente jours, & s’appelloit par les Béotiens Hippodromus, & par les Macédoniens Loüs ; son ancien nom étoit Cronius.

2°. Metagienion, second mois de l’année athénienne, qui répondoit à la fin de Juillet & au commencement d’Août. Il n’avoit que vingt-neuf jours, & étoit appellé par les Béotiens Panémus, & par le peuple de Syracuse, Carnius.

3°. Boédromion étoit le troisieme mois de l’année athénienne. Il contenoit trente jours, & répondoit à la fin de notre mois d’Août & au commencement de Septembre.

4°. Moemacterion, quatrieme mois de l’année des Athéniens, étoit composé de vingt-neuf jours. Il ré-

pondoit à la fin de notre mois de Septembre & au

commencement d’Octobre. Les Béotiens le nommoient Alalcomenéus.

5°. Pianepsion étoit le cinquieme mois de l’année des Atheniens. Il avoit trente jours, & répondoit à la fin de notre Octobre & au commencement de Novembre. Il étoit appellé par les Béotiens Damatrius.

6°. Anthesterion étoit le sixieme mois de l’année athénienne. Il répondoit à la fin de notre mois de Novembre & au commencement de Décembre Il avoit vingt-neuf jours. Les Macédoniens le nommoient Dœsion.

7°. Posideon, septieme mois de l’année athénienne, répondant à la fin de Décembre & au commencement de Janvier, & contenant trente jours.

8°. Gamélion étoit le huitieme mois de l’année des Athéniens. Il répondoit en partie à la fin de notre Janvier, en partie au commencement de Février, & il n’avoit que vingt-neufs jours.

9°. Elaphébolion faisoit le neuvieme mois de l’année athénienne. Il étoit de trente jours & répondoit à la fin de Février, ainsi qu’au commencement de Mars.

10°. Munychion, dixieme mois de l’année des Athéniens. Il étoit de vingt-neuf jours, & répondoit à la fin de Mars & au commencement d’Avril.

11°. Thargelion faisoit le onzieme mois de l’année des Athéniens. Il répondoit à la fin de notre mois d’Avril & au commencement de Mai. Il avoit 30 jours.

12°. Scirrophorion étoit le nom du douzieme & dernier mois de l’année des Athéniens. Il étoit composé de vingt-neufs jours, & répondoit en partie à la fin de Mai, & en partie au commencement de Juin.

Telle est la réduction du calendrier attique au nôtre, d’après M. Potter ; & je l’ai pris pour mon guide, parce qu’il m’a paru avoir examiné ce sujet avec le plus de soin & d’exactitude. Le P. Pétau dispose bien différemment les douze mois des Athéniens. Il en met trois pour l’automne ; savoir, Hécatombeon, Métageitnion & Boëdromion, Septembre, Octobre, Novembre ; trois pour l’hiver, Mémactérion, Pyanepsion & Posideon, Décembre, Janvier, Février ; trois pour le printems, Gamelion, Anthesterion & Elaphébolion, Mars, Avril, Mai ; & trois pour l’été, Munychion, Thargelion, Scirrophorion, Juin, Juillet & Août.

Mais quelque respect que j’aie pour tous les savans qui ont entrepris d’arranger le calendrier des Athéniens avec le nôtre, je suis persuadé que la chose est impossible, par la raison que les mois des Grecs étant lunaires, ils ne peuvent répondre avec la même justesse à nos mois solaires ; c’est pourquoi je pense qu’en traduisant les anciens auteurs, il vaut mieux retenir dans nos traductions les noms propres de leurs mois, que de suivre aucun système, en les ajustant pour sûr mal ou faussement avec notre calendrier romain.

Je sai tout ce qu’on peut objecter contre mon sentiment. On dira qu’il vaut mieux être moins exact, que d’épouvanter la plus grande partie des lecteurs par des mots étrangers auxquels ils ne sont point accoutumés ; car, quelles oreilles françoises ne seroient effrayées des mois nommés Pyanepsion, Posidéon, Gamélion, Anthesterion ? &c. On ajoutera que hasarder des termes si difficiles à articuler, c’est faire naître dans l’esprit des lecteurs des diversions désagréables, & leur faire porter sur des mots une partie de l’attention qu’ils doivent aux choses. Mais toutes ces raisons ne sont pas assez fortes pour me faire changer d’avis ; je ne crois pas que par trop d’égard pour une fausse délicatesse, on doive commettre volontairement une sorte d’anacronisme, & user de noms postérieurs aux Grecs qu’on fait parler françois. J’ai du moins pour moi l’exemple de M.