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Moëres satinées & brochées à l’ordinaire. On a trouvé depuis quinze jours environ la maniere de faire les moëres satinées & brochées l’endroit dessous, ce qui est infiniment plus aisé à travailler que celles qui le sont faites jusques à ce jour l’endroit dessus ; il est même étonnant que la multitude des fabriquans de Lyon ait ignoré jusqu’à ce jour cette nouvelle méthode, attendu sa simplicité, qui ne mérite pas que l’on fasse l’éloge de l’inventeur qui est l’auteur de nos mémoires.

Pour fabriquer cette étoffe, il n’est besoin que de passer la chaine sur les huit lisses qui, dans des lisses satinées, sont disposées pour le rabat, & dans celles ci doivent être passées comme dans un satin ou comme dans la lustrine à poil, ou celle qui est sans poil, ainsi qu’il est expliqué à l’article des lustrines, & faire lire le fond ou tout ce qui doit être moëré dans l’étoffe. En faisant tirer le fond dont la moitié est rabatue par les lisses de rabat, on fera un parfait gros-de-tours de tout ce qui sera tiré, conséquemment dans une moëre tout ce qui ne sera pas tiré, formera un satin qui pourra figurer dans l’étoffe, ou qui sera destiné pour être couvert du broché qui sera dessiné pour l’étoffe. Tout ce qu’on pourroit objecter est que, s’il y a beaucoup de moëre, la tire ou le lac qui la formera sera pesant, mais on a des machines pour cette opération.

MOERIS, la, (Géog) lac d’Egypte à l’occident du Nil. Le roi Mœris le fit construire pour obvier aux irrégularités des inondations du Nil.

Hérodote, l. II. c. cxl. sur la bonne foi des gens du pays, lui donne 180 lieues de circuit. Diodore de Sicile, l. I. p. 47, répete la même chose, & cette erreur a été regardée comme un fait incontestable par M. Bossuet : cependant Pomponius Méla mieux informé, ne donne à ce lac que 20 mille pas de tour, qui font à-peu-près 10 ou 12 lieues communes. Meris, dit cet historien latin, aliquando campus, nunc lacus viginti millia passuum in circuitu patens ; & c’est aussi ce qui a été vérifié par des récentes observations de nos voyageurs modernes.

Deux pyramides, dont chacune portoit une statue colossale placée sur un trône, s’élevoient de 300 piés au milieu du lac, & occupoient, dit-on, sous les eaux un pareil espace. Elles prouvoient du-moins par-là, qu’on les avoit érigées avant que le creux eût été rempli & justifioient qu’un lac de cette étendue avoit été fait de main d’homme.

Ce lac communiquoit au Nil par le moyen d’un canal, qui avoit plus de 15 stades, ou 4 lieues de longueur, & 50 piés de largeur. Des vastes écluses ouvroient & le canal & le lac, ou les fermoient selon le besoin.

La pêche de ce lac valoit aux princes beaucoup d’argent ; mais sa principale utilité étoit pour réprimer les trop grands débordemens du Nil. Au contraire, quand l’inondation étoit trop basse, & menaçoit de stérilité, on tiroit de ce même lac par des coupures & des saignées, une quantité d’eau suffisante pour arroser les terres. C’est donc en considérant l’utilité de ce lac, qu’Hérodote a eu raison d’en parler avec admiration, de le préférer aux pyramides, au labyrinthe, & de le regarder comme le plus beau & le plus précieux de tous les ouvrages des rois d’Egypte.

Strabon remarque, que de son tems, sous Pétrone, gouverneur d’Egypte, lorsque le débordement du Nil montoit à 12 coudées, la fertilité étoit grande, & qu’à 8 coudées la famine ne se faisoit point sentir ; apparemment parce que les eaux du lac suppléoient au défaut de l’inondation par le moyen des couputes & des canaux. (D. J.)

MŒSIE. (Géog. anc.) contrée de l’Europe, à l’orient de la Pannonie. Presque tous les auteurs latins

disent Masia en parlant de la Mœsie en Europe, & Mysia quand il est question de la Mysie asiatique : les exemples contraires sont rares ; cependant Denis le géographe a dit Mysia pour Masia : Ovide dit aussi Mysas pour Masas, en parlant des peuples.

Hic tenuit Mysas gentes in pace fideli.

Cette même ortographe se trouve dans quelques inscriptions ; & finalement le code théodosien l’emploie deux fois.

Pline & Ptolomée ont décrit la Mœsie, les peuples & les fleuves qu’elle contenoit. Selon Pline, les frontieres de la Mœsie prenoient depuis le confluent du Danube & de la Save, où étoit la ville de Taurinum, jusqu’à l’embouchure du Danube dans le Pont-Euxin ; de façon que le Danube étoit au nord, les montagnes de Dalmatie faisoient la borne au midi, de même qu’une gran le partie du mont Hæmus, qui séparoit cette contrée de la Macédoine & de la Thrace. Ptolomée distingue la Mœsie en haute & basse, ou en supérieure & en inférieure, & ne differe de Pline qu’en ce qu’il étend la basse Mœsie jusqu’à l’embouchure du Borysthene.

La haute Mœsie est appellée Mirsi par Leunclavius ; Servie, par Lazius ; Moldavie par Taurinus ; Walaclie par Sabellicus, & Hongrie par Tzetzés.

La basse Mœsie est nommée Bulgarie par divers auteurs. Dans Jornandés elle a le nom de Scythie mineure, & celui de Scythie de Thrace dans Zozime : Ovide l’appelle simplement Scythie, & d’autres l’ont nommée l’on ique maritine. (D. J.)

MŒSIE, (Géog. anc.) ville de Phrygie, au voisinage de Troye, dans Virgile ; mais Etienne le géographe lit Mysia au lieu de Mœsia, & il est vraissemblable qu’il a raison.

MŒUF, s. m. (Gram.) c’est la même chose que mode Voyez l’article Mode.

MŒURS, s. f. (Morale.) actions libres des hommes, naturelles ou acquises, bonnes ou mauvaises, susceptibles de regle & de direction.

Leur variété chez les divers peuples du monde dépend du climat, de la religion, des lois, du gouvernement, des besoins, de l’éducation, des manieres & des exemples. A mesure que dans chaque nation une de ces causes agit avec plus de force, les autres lui cedent d’autant.

Pour justifier toutes ces vérités, il faudroit entrer dans des détails que les bornes de cet ouvrage ne sauroient nous permettre ; mais en jettant seulement les yeux sur les différentes formes du gouvernement de nos climats temperés, on devineroit assez juste par cette unique considération, les mœurs des citoyens. Ainsi, dans une république qui ne peut subsister que du commerce d’économie, la simplicité des mœurs, la tolérance en matiere de religion, l’amour de la frugalité, l’épargne, l’esprit d’intérêt & d’avarice, devront nécessairement dominer. Dans une monarchie limitée, où chaque citoyen prend part à l’administration de l’état, la liberté y sera regardée comme un si grand bien, que toute guerre entreprise pour la soutenir, y passera pour un mal peu considérable ; les peuples de cette monarchie seront fiers, généreux, profonds dans les sciences & dans la politique, ne perdant jamais de vue leurs privileges, pas même au milieu du loisir & de la débauche. Dans une riche monarchie absolue, où les femmes donnent le ton, l’honneur, l’ambition, la galanterie, le goût des plaisirs, la vanité, la mollesse, seront le caractere distinctif des sujets ; & comme ce gouvernement produit encore l’oisiveté, cette oisiveté corrompant les mœurs, fera naître à leur place la politesse des manieres. Voyez Manieres.

Mœurs, (Poétique.) ce mot à l’égard de l’épopée, de la tragédie ou de la comédie, désigne le ca-