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l’autre, pour conduire l’eau qui venoit du ciel ou d’un réservoir.

Mais nos coutumes, singulierement celle de Paris, en ont beaucoup d’autres dont voici quelques-uns.

Quand un homme fait bâtir, s’il ne laisse un espace vuide sur son propre terrein, il ne peut empêcher que son mur ne devienne mitoyen entre lui & son voisin, lequel peut appuyer son bâtiment contre ce mur, en payant la moitié du mur & du terrein sur lequel il est assis.

L’un des deux propriétaires du mur mitoyen n’y peut rien faire faire sans le consentement du voisin, ou du moins sans lui en avoir fait faire une signification juridique.

L’un des voisins peut obliger l’autre de contribuer aux réparations du mur mitoyen, à proportion de son hébage, & pour la part qu’il y a.

Le voisin ne peut percer le mur mitoyen, pour y placer les poutres de sa maison, que jusques à l’épaisseur de la moitié du mur, & il est obligé d’y faire mettre des jambes, parpaignes ou chaines, & corbeaux suffisans de pierre de taille, pour porter les poutres.

Dans les villes & fauxbourgs, on peut contraindre les voisins de contribuer aux murs de clôture, pour séparer les maisons, cours & jardins, jusques à la hauteur du rez-de-chaussée, compris le chaperon. Voyez tout le titre des servitudes de la coutume de Paris, à laquelle la plûpart des autres coutumes sont conformes sur cette matiere, à très peu de différences près.

MITOYERIE, terme de coutumes, séparation de deux héritages ou deux maisons voisines, par une clôture commune ou un mur mitoyen. Voyez ci-dessus Mitoyen.

MITRAILLE, s. f. (Art milit.) Ce sont des balles de mousquet, des pierres, de vieilles ferrailles, &c. qu’on met dans des boîtes, & dont on charge les canons. Voyez Dragée & Cartouche.

Les mitrailles sont sur-tout d’usage à la mer pour nettoyer le pont des vaisseaux ennemis, lorsqu’il est rempli d’hommes ; de même que dans les attaques & les combats où l’on tire de près.

MITRALES, Valvules, terme d’Anatomie, sont deux valvules du cœur, ainsi appellées parce qu’elles ont en effet la figure d’une mitre. Voyez Valvule & Cœur.

Elles sont placées à l’orifice auriculaire du ventricule gauche du cœur. Leur usage est de fermer cet orifice, & d’empêcher le retour du sang dans les poumons par la veine pulmonaire. Voyez Circulation, &c.

MITRE, s. f. (Littérat.) en grec & en latin mitra, sorte de coëffure particuliere aux dames romaines. Ce que le chapeau étoit aux hommes, la mitre l’étoit aux femmes. Elle étoit plus coupée que la mitre moderne que nous connoissons, mais elle avoit comme elle ces deux pendans que les femmes ramenoient sous les joues. Servius, sur ce vers de Virgile, où Hiarbas reproche à Enée ses vêtemens efféminés,

Mœnia mentum mitrâ, crinemque madentem
Sub nexus,


ajoute, mitrâ lydiâ ; nam utebantur & Phryges & Lydii mitrâ, hoc est incurvo pileo, de quo pendebat etiam buccarum tegimen. Cet ornement dégénéra peu-à-peu ; peut-être avoit-il l’air de coëffure trop négligée. Les femmes qui avoient quelque pudeur n’oserent plus en porter, de sorte que la mitre devint le partage des libertines. Juvenal s’en expliquoit ainsi, lorsqu’il reprochoit aux Romains le langage & les modes des Grecs, qu’ils tenoient eux-mêmes des Assyriens :

Ite quibus grata est pictd lupa barbara mitrâ.

Il faut admirer ici le caprice du goût, & celui de la bisarrerie de la mode, qui fait servir à nos cérémonies les plus augustes la même chose qu’elle employoit à l’appareil de la galanterie, & met sur la tête des plus respectables ministres du Seigneur les mêmes ornemens à-peu-près dont se paroient les courtisannes. (Voyez l’article suivant.) Ainsi, par un exemple de mode tout opposé à celui-ci, le voile qui d’abord n’avoit été d’usage que dans les fonctions du temple, devint une espece de coëffe sous laquelle les dames romaines ramassoient leurs cheveux bien frisés & bien ajustés. Les progrès du luxe produisirent cet effet, changerent la destination du voile, & firent servir à la vanité ce qui n’avoit été qu’un ornement de cérémonies & de sacrifices.

Un chanoine régulier de sainte Geneviéve, Claude du Molinet, a fait une dissertation sur la mitre des anciens, où il a recueilli bien des choses curieuses ; le lecteur peut le consulter. (D. J.)

Mitre, en latin mitra, (Hist. ecclés.) sorte d’ornement de tête dont les évêques se servent dans les cérémonies. Elle est de drap d’or ou d’argent, accompagnée de deux languettes de même étoffe, qui pendent d’environ un demi-pié sur les épaules, & qui, à ce qu’on croit, représentent les rubans dont on se servoit autrefois pour l’affermir en les nouant sous le menton, & elle forme à son sommet deux pointes, l’une par-devant, l’autre par-derriere, surmontées chacune par un bouton.

Dans un ancien pontifical de Cambrai, où l’on entre dans le détail de tous les ornemens pontificaux, il n’est point fait mention de la mitre, non plus que dans les anciens pontificaux manuscrits, ni dans Amalaire, dans Raban, dans Alcuin, ni dans les autres anciens auteurs qui ont traité des rits ecclésiastiques. C’est peut-être ce qui a fait dire à Onuphre, dans son Explication des termes obscurs, à la fin de ses vies des papes, que l’usage des mitres dans l’église romaine ne remontoit pas au delà de 600 ans. C’est aussi le sentiment du pere Hugues Menard, dans ses Notes sur le sacramentaire de saint Grégoire, où il répond aux opinions contraires. Mais le pere Martenne, dans son Traité des anciens rits de l’Eglise, dit qu’il est constant que l’usage de la mitre a été suivi dans les évêques de Jérusalem, successeurs de saint Jacques, comme cela est marqué expressément dans une lettre de Théodose, patriarche de Jérusalem, à saint Ignace, patriarche de Constantinople, qui fut produite dans le huitieme concile général. « Il est certain aussi, ajoute le même auteur, que l’usage des mitres a eu lieu dans l’église d’occident long-tems avant l’an 1000, comme il est aisé de le prouver par l’ancienne figure de saint Pierre, qui est au-devant de la porte du monastere de Corbie & qui a plus de mille ans, & par les anciens portraits des papes que les Bollandistes ont rapporté dans leur vaste recueil ». Théodulphe, évêque d’Orléans, fait-aussi mention de la mitre dans une de ses poésies, où il dit en parlant d’un évêque :

Illius ergò caput resplendens mitra tegebat.

Le pere Martenne ajoute que, pour concilier les différens sentimens sur cette matiere, il faut dire que l’usage des mitres a toûjours été dans l’Eglise, mais qu’autrefois tous les évêques ne la portoient pas, s’ils n’avoient un privilege particulier du pape à cet égard. Dans la cathédrale d’Acqs, on voit en effet sur la couverture d’un tombeau un évêque représenté avec sa crosse sans mitre. Le pere Mabillon & plusieurs autres auteurs prouvent la même chose pour l’église d’occident & pour les évêques d’orient excepté les patriarches. Le pere Goar & le cardinal