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de colonnes. On y chercheroit en vain la place du temple de Cérès qui n’étoit pas loin delà.

Autrefois toute l’enceinte de l’Agora étoit embellie des statues superbes, de tombeaux célebres, ou de tribunaux majestueux. On y voyoit un temple dédié à Jules César, & un autre à Auguste. Il y en avoit de consacrés à Apollon, à la Terre, à Jupiter, aux Parques, à Neptune, à Minerve, à Junon ; il ne reste plus de traces d’aucun de tous ces édifices.

Il n’y en a pas davantage du Gérosia, c’est-à-dire du tribunal des vingt-huit gérontes, ni du tribunal ces éphores, ni de celui des bidiaques qui avoient l’œil sur la discipline des enfans, ni finalement des nomophylaces ou interpretes des lois de Lycurgue. Tout ce qu’on peut en juger, c’est que le terrein est occupé par le serrail de Mula, par la prison publique & par des jardins.

La rue du grand Bazar est la fameuse rue, qu’on appelloit Aphétars. Ulysse contribua à la rendre célebre, quand elle lui servit de carriere pour disputer à la course la possession de Pénélope contre ses rivaux.

On sortant de Misitra pour aller du côté du pont de pierre, qu’on nommoit autrefois le Babica, on trouve une grande plaine bornée à l’orient par la riviere & à l’occident par le Mézocorion. C’est-là que sont le Plataniste & le Dromos. Il ne reste de ce dernier que des amas de pierres bouleversées. A l’égard du Plataniste, la nature y produit encore des platanes à la place de ceux de l’antiquité. La riviere s’y partage en plusieurs bras ; mais on n’y sauroit plus discerner celui qui se nommoit l’Euripe, c’est-à-dire ce canal qui formoit l’île fameuse, où se donnoit tous les ans le combat des Ephebes.

A une portée de mousquet de l’Enokorion, on découvre au nord une colline où sont des vignobles qui produisent le meilleur vin de la Morée. C’est le même terroir où Ulysse planta lui-même une vigne, lorsqu’il alla chercher Pénélope à Lacédémone.

Mahomet II. a établi à Misitra un bey, un aga, un vaivode, & quatre gérontes. Le bey est gouverneur de la Zaconie, & indépendant du bacha de la Morée. L’aga commande la milice du pays. Le vaivode est comme un prevôt de maréchaussée. Ces trois charges sont exercées par des Turcs. Celles des gérontes sont possédées par des Chrétiens d’entre les meilleures familles greques de Misura. Ils font l’assiette & la levée du tribut pour les mêles, qu’on paye au sultan. Les femmes, les caloyers & les papas ne payent rien. Ce tribut est de quatre piastres & demi par tête dès le moment de sa naissance ; oppression particuliere à la Zaconie, & mauvaise en bonne politique : aussi l’argent est si rare dans le pays, que le peuple n’y vit que par échange de ses denrées. Le reste du trafic se fait par les mains des Juifs, qui composent la plus grande partie des habitans : ils ont à Misitra trois synagogues. Les caloyeres ou les filles consacrées à la Panagia y possedent un monastere bien bâti.

Enfin Misitra n’est plus recommandable que par ses filles greques qui sont jolies, & par ses chiens qui sont excellens ; c’est tout ce qu’elle a conservé de l’ancienne Sparte. Mais il ne faudroit pas faire aux Grecs de cette ville la même question qu’on fit autrefois à leur compatriote Léotichidas, ni attendre d’eux une aussi sage réponse que celle qu’il fit quand on lui demanda pourquoi les Lacédémoniens étoient les seuls d’entre les Grecs qui aimoient si peu à boire : afin, dit-il, que nous disposions toujours de nous comme nous voudrons, & que les autres n’en disposent jamais comme il leur plaira.

M. Fourmont, dans son voyage de Grece en 1729, dit avoir ramassé à Misitra des inscriptions de conséquence, mais il n’en a publié aucune.

Cette ville est sur la riviere ou le ruisseau de Visilipotamos, à 40 lieues S. O. d’Athènes, à 37 S. E. de Lépante, à 150 S. O. de Constantinople. Long. 40. 20. latit. 35. 26. (D. J.)

MISLA, s. m. (Hist. mod. Diete.) c’est une boisson que font les Indiens sauvages, qui habitent la terre ferme de l’Amérique vers l’isthme de Panama. Il y a deux sortes de misla ; la premiere se fait avec le fruit des platanes fraîchement cueilli, on le fait rôtir dans sa gousse & l’on écrase dans une gourde ; après en avoir ôté la pelure, on mêle le jus qui en sort avec une certaine quantité d’eau. Le misla de la seconde espece se fait avec le fruit du platane séché, & dont on a formé une espece de gâteau ; pour cet effet, on cueille ce fruit dans sa maturité, & on le fait sécher à petit-feu sur un gril de bois, & l’on en fait des gâteaux qui servent de pain aux Indiens.

MISLINITZ, (Géog.) petite ville de Pologne dans le palatinat de Cracovie, située entre deux montagnes, à 4 lieues de Cracovie. Long. 38. 2. latit. 50. 4.

MISNA, la, ou MISCHNA, s. f. (Théol. rabiniq.) on ne dit point mischne en françois, parce qu’on ne doit point altérer les noms propres. Code de Droit ecclésiastique & civil des Juifs. Ce terme signifie la répétition de la loi ou seconde loi. L’ouvrage est divisé en six parties ; la premiere roule sur les productions de la terre ; la seconde, regle l’observation des fêtes : la troisieme traite des femmes & des divers cas du mariage ; la quatrieme, des procès qui naissent du commerce, du culte étranger & de l’idolatrie ; la cinquieme dirige ce qui regarde les oblations & les sacrifices ; la sixieme enfin a pour objet les diverses sortes de purifications.

La mischna est donc le recueil ou la compilation des traditions judaïques à tous les égards dont nous venons de parler ; maintenant voici l’histoire de ce recueil que j’emprunterai du célebre Prideaux.

Le nombre des traditions judaïques étoit si grand vers le milieu du second siecle sous l’empire d’Antonin le pieux, que la mémoire ne pouvoit plus les retenir, & que les Juifs se virent enfin forcés de les écrire. D’ailleurs, dans leur nouvelle calamité sous Adrien, ils avoient tout fraîchement perdu la plus grande partie de leurs savans ; leurs écoles les plus considérables étoient détruites, & presque tous les habitans de la Judée se trouvoient alors dispersés ; de cette maniere la voie ordinaire, dont se servoient leurs traditions, étoit devenue presque impraticable, de sorte qu’appréhendant qu’elles ne s’oubliassent & ne se perdissent, ils résolurent d’en faire un recueil.

Rabbi Judah, fils de Siméon, surnommé pour la sainteté de sa vie, Haccadoth ou le Saint, qui étoit recteur de l’école que les Juifs avoient à Tibérias en Galilée, & président du sanhedrin qui s’y tenoit alors, fut celui qui se chargea de cet ouvrage ; il en fit la compilation en six livres, dont chacun contient plusieurs traités : il y en a soixante-trois. Il rangea fort méthodiquement sous ces soixante-trois chefs tout ce que la tradition de leurs ancêtres leur avoit transmis jusques-là sur la religion & sur la loi. Voilà ce qu’on appelle la misna.

Ce livre fut reçu par les Juifs avec toute la vénération possible dans tous les lieux de leur dispersion, & continue encore aujourd’hui à être fort estimé ; car ils croient qu’il ne contient rien qui n’ait été dicté de Dieu lui-même à Moyse sur le mont Sinaï, aussi bien que la loi écrite ; & que par conséquent il est d’autorité divine & obligatoire tout comme l’autre. D’abord donc qu’il parut, tous leurs savans de profession en firent le sujet de leurs études, & les principaux d’entr’eux, tant en Judée qu’en Babylone, se