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sculpteur de ce nom, qui les inventa. Il étoit contemporain de Pompée le grand.

Le badinage des poëtes & la gravité des jurisconsultes se réunissent pour donner aux miroirs une place importante dans la toilette des dames. Il falloit pourtant qu’ils n’en fussent pas encore, du-moins en Grece, une piece aussi considérable du tems d’Homere, puisque ce poëte n’en parle pas dans l’admirable description qu’il fait de la toilette de Junon, où il a pris plaisir à rassembler tout ce qui contribuoit à la parure la plus recherchée.

Le luxe ne négligea pas d’embellir les miroirs. Il y prodigua l’or, l’argent, les pierreries, & en fit des bijoux d’un grand prix. Seneque dit qu’on en voyoit dont la valeur surpassoit la dot que le sénat avoit assignée des deniers publics à la fille de Cn. Scipion. Cette dot fut de 11000 as ; ce qui selon l’évaluation la plus commune, revient à 550 livres de notre monnoie. On ornoit de miroirs les murs des appartemens ; on en incrustoit les plats ou les bassins dans lesquels on servoit les viandes sur la table, & qu’on appelloit pour cette raison specillatæ patinæ ; on en revêtoit les tasses & les gobelets, qui multiplioient ainsi l’image des convives ; ce que Pline appelle populus imaginum.

Sans nous arrêter aux miroirs ardens, qui ne sont pas de notre sujet, passons à la forme des anciens miroirs. Il paroît qu’elle étoit ronde ou ovale. Vitruve dit que les murs des chambres étoient ornés de miroirs & d’abaques, qui faisoient un mélange alternatif de figures rondes & de figures quarrées. Ce qui nous reste de miroirs anciens prouve la même chose. En 1647 on découvrit à Nimegue un tombeau où se trouva entr’autres meubles, un miroir d’acier ou de fer pur, de forme orbiculaire, dont le diametre étoit de cinq pouces romains. Le revers en étoit concave, & couvert de feuilles d’argent, avec quelques ornemens.

Il ne faut cependant pas s’y laisser tromper : la fabrication des miroirs de métal n’est pas inconnue à nos artistes ; ils en font d’un métal de composition qui approche de celui dont les anciens faisoient usage : la forme en est quarrée, & porte en cela le caractere du moderne.

Le métal fut longtems la seule matiere employée pour les miroirs. Il est pourtant incontestable que le verre a été connu dans les tems les plus reculés. Le hasard fit découvrir cette admirable matiere environ mille ans avant l’époque chrétienne. Pline dit que des marchands de nitre qui traversoiont la Phénicie, s’étant arrêtés sur le bord du fleuve Bélus, & ayant voulu faire cuire leurs viandes, mirent au défaut de pierres, des morceaux de nitre pour soutenir leur vase, & que ce nitre mélé avec le sable, ayant été embrasé par le feu, se fondit, & forma une liqueur claire & transparente qui se figea, & donna la premiere idée de la façon du verre.

Il est d’autant plus étonnant que les anciens n’aient pas connu l’art de rendre le verre propre à conserver la représentation des objets, en appliquant l’étain derriere les glaces, que les progrès de la découverte du verre furent chez eux poussés fort loin. Quels beaux ouvrages ne fit-on pas avec cette matiere ! quelle magnificence que celle du théatre de M. Scaurus, dont le second étage étoit entierement incrusté de verre ! Quoi de plus superbe, selon le récit de saint Clément d’Alexandrie, que ces colonnes de verre d’une grandeur & d’une grosseur extraordinaire, qui ornoient le temple de l’île d’Aradus !

Il n’est pas moins surprenant que les anciens connoissant l’usage du crystal plus propre encore que le verre à être employé dans la fabrication des miroirs, ils ne s’en soient pas servis pour cet objet.

Nous ignorons le tems où les anciens commence-

rent à faire des miroirs de verre. Nous savons seulement

que ce fut des verreries de Sidon que sortirent les premiers miroirs de cette matiere. On y travailloit très-bien le verre, & on en faisoit de très-beaux ouvrages, qu’on polissoit au tour, avec des figures & des ornemens de plat & de relief, comme on auroit pû faire sur des vases d’or & d’argent.

Les anciens avoient encore connu une sorte de miroir qui étoit d’un verre, que Pline appelle vitrum Obsidianum, du nom d’Obsidius qui l’avoit découvert en Ethiopie ; mais on ne peut lui donner qu’improprement le nom de verre. La matiere qu’on y employoit étoit noire comme le jayet, & ne rendoit que des représentations fort imparfaites.

Il ne faut pas confondre les miroirs des anciens avec la pierre spéculaire. Cette pierre étoit d’une nature toute différente, & employée à un tout autre usage. On ne lui donnoit le nom de specularis qu’à cause de sa transparence ; c’étoit une sorte de pierre blanche & transparente qui se coupoit par feuilles, mais qui ne résistoit point au feu. Ceci doit la faire distinguer du talc, qui a bien la blancheur & la transparence, mais qui résiste à la violence des flammes.

On doit rapporter au tems de Séneque l’origine de l’usage des pierres spéculaires ; son témoignage y est formel. Les Romains s’en servoient à garnir leurs fenêtres, comme nous nous servons du verre surtout dans les sales à manger pendant l’hiver pour se garantir des pluies & des orages de la saison. Ils s’en servoient aussi pour les litieres des dames, comme nous mettons des glaces à nos carrosses ; pour les ruches, afin d’y pouvoir considérer l’ingénieux travail des abeilles. L’usage des pierres spéculaires étoit si général, qu’il y avoit des ouvriers dont la profession n’avoit d’autre objet que celui de les travailler & de les mettre en place. On les appelloit specularii.

Outre la pierre appellée spéculaire, les anciens en connoissoient une autre appellée phengitès, qui ne cédoit pas à la premiere en transparence. On la tiroit de la Cappadoce. Elle étoit blanche, & avoit la dureté du marbre. L’usage en commença du tems de Néron ; il s’en servit pour construire le temple de la Fortune, renfermé dans l’enceinte immense de ce riche palais, qu’il appella la maison Dorée. Ces pierres répandoient une lumiere éclatante dans l’intérieur du temple ; il sembloit, selon l’expression de Pline, que le jour y étoit plûtôt renfermé qu’introduit, tanquam inclusâ luce non transmisâ.

Nous n’avons pas de preuves que la pierre spéculaire ait été employée pour les miroirs ; mais l’histoire nous apprend que Domitien, dévoré d’inquiétudes & agité de frayeurs, avoit fait garnir de carreaux de pierre phengite, tous les murs de ses portiques, pour appercevoir lorsqu’il s’y promenoit, tout ce qui se faisoit derriere lui, & se prémunir contre les dangers dont sa vie étoit menacée.

Miroir, (Hydr.) est une piece d’eau ordinairement quarrée ou échancrée comme un miroir. (K)

Miroir, Fronton, (Marine.) c’est un cartouche de menuiserie placé au-dessus de la voute à l’arriere. On charge le miroir des armes du prince, & on y met quelquefois le nom ou la figure dont le vaisseau a tiré son nom. Voyez Fronton & Ecusson. Pl. III. fig. 1. le miroir cotté O. (Z)

Miroir, (Architect.) terme d’ouvrier de bâtiment ; c’est dans le parement d’une pierre une cavité causée par un éclat quand on la taille.

Ce sont aussi des ornemens en ovale qui se taillent dans les moulures creuses, & sont quelquefois remplis de fleurons.

Miroir, terme de Brasserie, qui signifie la même chose que clairiere. Voyez Clairiere.

Miroir, (Chamoiseur.) terme des ouvriers en