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le point de concours de la cathete & du rayon réfléchi, est aussi le point de concours commun de tous les rayons réfléchis, que par conséquent des rayons réfléchis qui entrent dans l’œil, y entrent comme s’ils venoient directement de ce point de concours, & que c’est pour cette raison que ce point de concours est le lieu où l’on apperçoit l’image. Or dans les miroirs, soit convexes, soit concaves, le point de concours des rayons réfléchis n’est pas le même que le point de concours de ces rayons avec la perpendiculaire. Ces raisons ont engagé plusieurs Opticiens à abandonner l’opinion commune sur le lieu de l’image : M. Barrow, Newton, Muschenbroeck, &c. prétendent qu’elle doit être dans le lieu où concourent les rayons réfléchis qui entrent dans l’œil, c’est-à-dire, à-peu près dans l’endroit où concourent deux rayons réfléchis infiniment proches, venant de l’objet & passant par la prunelle de l’œil. Cependant il faut avouer, & Barrow lui-même en convient à la fin de son optique, que ce principe, quoique fondé sur des raisons plus plausibles que le premier, n’est pas encore absolument général, & qu’il y a des cas où l’expérience y est contraire. Il est vrai que dans ces cas, l’image de l’objet paroît presque toujours confuse ; ce sont ceux où les rayons réfléchis entrent dans l’œil convergens, c’est-à-dire en se rapprochant l’un de l’autre, de sorte que dans ces cas on devroit voir l’image derriere soi, suivant le principe, parce que le point de concours des rayons est derriere. Barrow, en rapportant ces expériences, dit qu’elles ne l’empêchent pas de regarder comme vraie son opinion sur le lieu de l’image, & que les difficultés auxquelles elle peut être sujette viennent de ce que l’on ne connoît point encore parfaitement les lois de la vision directe. En effet, la difficulté se réduit ici à savoir, quel devroit être le lieu apparent d’un objet qui nous envoyeroit des rayons, non pas divergens, mais convergens ; or comme ces rayons devroient presque toujours se réunir avant d’arriver au fond de l’œil, il s’ensuit que la vision devroit en être fort confuse ; & comme une longue expérience nous a accoutumés à juger, que les objets que nous voyons, soit confusément, soit distinctement, sont au-devant de nous ; cette image, quoique confuse, nous paroîtroit au-devant de nous, quoique nous dussions naturellement la juger derriere ; peut-être expliqueroit-on par-là le phénomene dont il s’agit : quoi qu’il en soit, on ne sauroit nier que le principe de Barrow ne soit appuyé sur des raisons bien plus plausibles que celui des anciens.

M. Wolf dans son optique embrasse un sentiment moyen. Il prétend que quand les deux yeux sont dans le même plan de réflexion, l’objet est vû dans le concours des rayons réfléchis, suivant l’opinion de Barrow, mais que quand les yeux sont dans différens plans, ce qui arrive presque toujours, l’objet est vû dans le concours de rayon réfléchi avec la cathete. Voici comme il démontre cette derniere proposition : soient, dit-il (fig. 38. de l’Opt.) G, H, les deux yeux, A, l’objet, AF la cathete d’incidence, & ADG un rayon réfléchi qui concoure avec la cathete en C ; le rayon réfléchi AEH qui passe par l’œil H, concourra aussi au même point C, & par conséquent l’objet sera vû en C ; mais 1o. cette démonstration suppose que les rayons réfléchis EH, GD, sont dans le même plan, ce qui est fort rare ; 2o. la proposition est fausse lors même qu’ils y sont : car alors on ne devroit voir qu’une seule image de l’objet A, cependant il y a des cas où l’on en voit deux. Voyez Barrow, lec. 15. 3o. pourquoi l’auteur veut-il que l’on voye l’objet dans l’endroit où les rayons DG, HE concourent ? Cela seroit vrai, si tous les rayons qui vont à l’œil

G & à l’œil H partoient du point C, comme il arrive dans la vision directe, & l’objet seroit alors vû en C, non parce que les axes optiques GD, HE concourroient en C, mais parce que tous les rayons qui entreroient dans chacun des yeux partiroient du point C : or, dans le cas présent, ils n’en partent pas. Il n’y a donc point de raison pour que l’objet paroisse en C.

Nous avons crû devoir exposer ici avec quelque étendue, ces différentes opinions : nous allons marquer le plus succinctement qu’il nous sera possible, l’explication des différens phénomenes des miroirs courbes, suivant le principe des anciens, & nous en marquerons en même-tems l’explication dans le principe de Barrow, afin qu’on juge de la différence, & qu’on puisse décider auquel des deux l’expérience est le plus conforme. Nous remarquerons d’abord, qu’il y a bien des cas où ces deux principes s’accordent à-peu-près : par exemple, lorsque l’objet est fort près de l’œil, c’est-à dire que l’œil est presque dans la cathete, le point de concours des rayons réfléchis est à-peu-près le même que le point de concours de ces rayons avec la cathete ; ainsi le lieu de l’image est alors à-peu-près le même dans les deux principes. Voyez Dioptrique.

Lois & phénomenes des miroirs convexes. 1o. Dans un miroir convexe sphérique, l’image d’un point radieux paroît entre le centre & la tangente du miroir sphérique au point d’incidence, mais plus près de la tangente que du centre, ce qui fait que la distance de l’objet à la tangente est plus grande que celle de l’image, & par conséquent que l’objet est plus loin du miroir que l’image.

2o. Si l’arc BD (fig. 31.) intercepté entre le point d’incidence D & la cathete AB, ou l’angle C formé au centre du miroir par la cathete d’incidence AC, & celle d’obliquation FC est double de l’angle d’incidence, l’image paroîtra sur la surface du miroir.

3o. Si cet arc ou cet angle sont plus que doubles de l’angle d’incidence, l’image se verra hors du miroir.

Suivant le principe de Barrow, le lieu de l’image dans les miroirs convexes est toujours au-dedans du miroir, parce que le point de concours des rayons réfléchis n’est jamais hors du miroir. Ainsi, voilà déja un moyen de décider lequel des deux principes s’accorde le plus avec les observations. Le P. Dechals dit, qu’après en avoir fait l’expérience plusieurs fois, il ne peut assurer là dessus rien de positif. Mais M. Wolf en propose une dans laquelle on voit clairement, selon lui, l’image hors du miroir. Il prétend qu’ayant pris un fil d’argent ABC courbé en équerre (fig. 38. n°. 3. d’Opt.) & l’ayant exposé à un miroir convexe de telle sorte, que la partie AB étoit située très-obliquement à la surface du miroir, il a vû clairement l’image du fil BA contiguë à ce même fil, quoique le fil BA ne touchât point le miroir.

4o. Si cet arc ou cet angle sont moins que doubles de l’angle d’incidence, l’image paroîtra en dedans du miroir.

5o. Dans un miroir convexe, un point A plus éloigné (fig. 32.) est réfléchi par un point F plus près de l’œil O que tout autre point B, situé dans une même cathete d’incidence ; d’où il s’ensuit, que si le point A de l’objet est réfléchi par le point F du miroir, & que le point B de l’objet le soit par le point E du miroir, tous les points intermédiaires entre A & B dans l’objet, seront réfléchis par les points intermédiaires entre F & E : & ainsi FE sera la ligne qui réfléchira AB, & par conséquent un point B de la cathete semble à une plus grande distance C