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d’où il s’ensuit, que selon la situation de l’œil, on verra une image de plus ou de moins. Par exemple, si deux miroirs plans sont disposés de maniere qu’ils fassent entre eux un angle droit, chacun de ces miroirs fera d’abord voir une image de l’objet ; de plus, on verra une troisieme image, si on n’est pas dans la ligne qui joint l’objet avec l’angle des miroirs ; mais si on est dans cette ligne, on ne verra point cette troisieme image.

Les miroirs de verre ainsi multipliés, réfléchissent deux ou trois fois l’image d’un objet lumineux ; il s’ensuit que si l’on met une bougie allumée, &c. dans l’angle des deux miroirs, elle y paroîtra multipliée.

C’est sur ces principes que sont fondées différentes machines catoptriques, dont quelques-unes représentent les objets très-multipliés, disloqués & difformes, d’autres infiniment grossis & placés à de grandes distances. Voyez Boite catoptrique.

Si deux miroirs BC, DS, fig. 29. n. 2. sont disposés parallelement l’un à l’autre, on verra une infinité de fois l’image de l’objet A placé entre ces deux miroirs ; car soit fait AD égale à DF, il est d’abord évident, que l’œil O verra l’image de l’objet A en F par une seule réflexion, savoir, par le rayon OMA. Soit ensuite FB égale à BL, & LD égale à DH, l’œil O verra l’objet A en H par trois réfléxions & par le rayon OSRLA, & ainsi de suite ; de même si on mene la perpendiculaire AB, & qu’on fasse BI égale à AB, DG égale à ID, l’œil O verra l’objet A en I par une seule réfléxion, & en G, par le rayon OPNA qui a souffert deux réfléxions. On trouvera de même les lieux des images de l’objet vûes par quatre réfléxions, par cinq, par six, par sept, &c. & ainsi à l’infini ; d’où il s’ensuit que l’œil O verra une infinité d’images de l’objet A par le moyen des miroirs plans paralleles BC, DE ; au reste, il est bon de remarquer que dans ce cas & dans celui des miroirs, joints ensemble sous un angle quelconque, les images seront plus foibles à mesure qu’elles seront vûes par un plus grand nombre de réfléxions ; car la réfléxion affoiblit la vivacité des rayons lumineux.

Il ne sera peut-être pas inutile d’expliquer ici une observation curieuse sur les miroirs plans : quand on place un objet assez petit, comme une épingle, perpendiculairement à la surface d’un miroir, & qu’on regarde l’image de cet objet en mettant l’œil assez près du miroir, on voit deux images au lieu d’une, l’une plus foible, l’autre plus vive. La premiere paroît immédiatement contiguë à l’objet ; de sorte que la pointe de l’image, si l’objet est une épingle, paroît toucher la pointe de l’épingle véritable ; mais la pointe de la seconde image paroît un peu éloignée de la pointe de l’objet, & d’autant plus que la glace est plus épaisse. On voit outre cela très souvent plusieurs autres images qui vont toutes en s’affoiblissant, & qui sont plus ou moins nombreuses, selon la position de la glace & de l’œil, & selon que l’objet est plus ou moins lumineux. Pour expliquer ces phénomenes nous remarquerons, 1°. que de tous les rayons que l’objet envoie sur la surface du miroir, il n’y en a qu’une partie qui est renvoyée ou réfléchie par cette surface, & cette partie même est assez peu considérable ; car l’image qui paroît la plus proche de l’objet, & dont l’extrémité est contiguë à l’extrémité de l’objet, est celle qui est formée par les rayons que réfléchit la surface du miroir. Or cette image, comme nous l’avons dit, est souvent assez foible. 2°. La plus grande partie des rayons qui viennent de l’objet pénetrent la glace & rencontrent sa seconde surface dont le derriere est étamé, & par conséquent les empêche de sortir ; ces rayons se réfléchissent donc au-dedans de la gla-

ce, & repassant par la premiere surface, ils arrivent

à l’œil du spectateur. Or ces rayons sont en beaucoup plus grand nombre que les premiers qui sont immédiatement réfléchis par la premiere surface. En effet, le verre ainsi que tous les autres corps a beaucoup plus de pores que de matiere solide ; car l’or qui est le plus pesant de tous est lui-même fort poreux, comme on le voit par les feuilles d’or minces qui sont transparentes, & qui donnent passage à l’eau, & l’or est beaucoup plus pesant que le verre, d’où il s’ensuit que le verre a beaucoup plus de pores que de parties propres. De plus, le verre ayant, selon toutes les apparences, une grande quantité de pores en ligne droite, sur-tout lorsqu’il est peu épais ; il s’ensuit qu’il doit laisser passer beaucoup plus de rayons que la premiere surface n’en réfléchit ; mais ces rayons étant arrivés à la seconde surface sont presque tous renvoyés, parce qu’elle est étamée, & lorsqu’ils arrivent de nouveau à la premiere surface, la plus grande partie de ces rayons sort du verre, par la même raison que la plus grande partie des rayons de l’objet est entrée au-dedans du verre. Ainsi, l’image formée par ces rayons doit être plus vive que la premiere : enfin, les rayons qui reviennent à la premiere surface, après avoir souffert une réflexion au-dedans du verre, ne sortent pas tous, mais une partie est réfléchie au-dedans de la glace par cette premiere surface, & delà sont renvoyés de nouveau par la seconde, & ressortant en partie par la premiere surface, ils produisent une nouvelle image beaucoup plus foible, & ainsi il se forme plusieurs images de suite par les réflexions réitérées des rayons au-dedans de la glace, & ces images doivent aller toujours en s’affoiblissant.

Les miroirs convexes, sont ceux dont la surface est convexe ; cette surface est pour l’ordinaire sphérique.

Les lois des phénomenes des miroirs, soit convexes, soit concaves, sont beaucoup plus compliquées que celles des phénomenes des miroirs plans, & les auteurs de Catoptrique sont même assez peu d’accord entr’eux là-dessus.

Une des principales difficultés qu’il y ait à résoudre dans cette matiere, c’est de déterminer le lieu de l’image d’un objet vû par un miroir, convexe ou concave : or les Opticiens sont partagés là-dessus en deux opinions. La premiere & la plus ancienne, place l’image de l’objet dans le lieu où le rayon réfléchi qui va à l’œil, coupe la cathete d’incidence, c’est-à-dire, la perpendiculaire menée de l’objet à la surface réfléchissante ; laquelle perpendiculaire, dans les miroirs sphériques, n’est autre chose que la ligne menée de l’objet au centre du miroir. Ce qui a donné naissance à cette opinion, c’est qu’on a remarqué que dans les miroirs plans, le lieu de l’image étoit toujours dans l’endroit où la perpendiculaire menée de l’objet sur le miroir, étoit rencontré par le rayon réfléchi ; on a donc cru qu’il devoit en être de même dans les miroirs sphériques, & on s’est même imaginé que l’expérience étoit assez conforme à ce sentiment. Cependant le P. Taquet, un de ceux qui ont le plus soutenu que le lieu de l’image étoit dans le concours de la cathete & du rayon réfléchi, convient lui-même qu’il y a des cas où l’expérience est contraire à ce principe ; malgré cela, il ne laisse pas de l’adopter, & de prétendre qu’il est confirmé par l’expérience dans un grand nombre d’autres cas. Si les auteurs d’optique qui ont suivi cette opinion sur le lieu de l’image, avoient approfondi davantage les raisons pour lesquelles les miroirs plans font toujours voir de l’image dans le concours de la cathete & du rayon réfléchi ; ils auroient vû que dans ces sortes de miroirs,