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Eau de gomme. L’eau de gomme se fait en mettant gros comme une noix de gomme arabique, la moins jaune & la plus transparente, dans la quantité d’un verre d’eau bien claire ; on y laisse fondre, ensuite on passe le tout dans un linge blanc trempé auparavant dans de l’eau nette, & pressé. Cette eau de gomme se conserve dans une bouteille bien bouchée, pour la préserver de la poussiere.

Bien des peintres ajoutent quelques gouttes d’eau-de-vie dans leurs couleurs, ou du sucre candi, pour les rendre plus coulantes & leur donner plus d’éclat. Les unes en acquierent en effet davantage ; mais d’autres en souffrent beaucoup. En général la gomme ne nuit à aucune, & remplit tous les objets. On doit sur-tout avoir grand soin de garantir tout ce qui a rapport à la miniature contre la poussiere, qui en est le poison.

Quoiqu’il n’y ait point de regle certaine qui limite la mesure des tableaux en miniature, on croit pouvoir dire au moins, que les figures qui excedent quatre pouces & demi ou cinq pouces de hauteur, ne doivent plus être réputées peintes en miniature ; parce qu’alors pour que le faire ne devienne pas sec, on est obligé de grossir la touche ; l’œil du connoisseur la découvre, & le tableau perd tout le mérite du fini.

De même les plus petites figures au-dessous de deux pouces & demi de haut ne peuvent plus être apperçues distinctement qu’à la loupe, avec le secours de laquelle elles ont été peintes ; mais aussi l’illusion du grand fini cesse, & l’on ne découvre aucun détail, si ce n’est des couleurs dures, égratignées ; presque toujours un mauvais ensemble, & une touche, quelque légere qu’elle soit, frappée au hasard, & toujours disproportionnée à l’objet.

Les miniatures se couvrent ordinairement d’une glace ; on colle un papier fin sur le bord & tout autour de la glace & du tableau, & empêche la poussiere de s’introduire entre deux, ce qui nuiroit beaucoup.

Peinture à l’épargne. C’étoit anciennement ce que l’on nommoit miniature. Cette peinture se pratiquoit sur plusieurs sortes de matieres blanches, comme les os, l’ivoire, &c. mais le grand art consistoit à ne point se servir de blanc pour faire les teintes & les mélanges. On employoit toutes couleurs simples, que l’on dégradoit en en mettant moins. Le fond, ou plutôt le blanc de la matiere paroissoit partout entre les coups de pinceau, parce que la touche n’étoit qu’un pointillé général. Voyez Pointillé, miniature. On peint encore aujourd’hui le nud & quelques parties, de cette maniere dans la miniature, ainsi que dans des petits tableaux peints sur le vélin ou l’ivoire, seulement à l’encre de la Chine. Cette matiere imite l’estampe, mais d’une façon beaucoup plus douce & plus agréable : c’est une sorte de grisaille en petit. On touche de quelques couleurs légeres les principales parties pour les mieux différencier du reste du tableau, & le rendre en tout plus piquant.

Des pinceaux pour la miniature. Il est assez difficile de décider sur la vraie qualité que doivent avoir les pinceaux de la peinture en miniature. Chaque peintre s’étant fait une maniere de peindre qui lui est propre, choisit ses pinceaux en conséquence. Les uns les veulent avec beaucoup de pointe & très-longs, quoiqu’assez garnis. D’autres les choisissent fort petits & peu garnis. Il semble cependant qu’on doit donner la préférence à un pinceau bien nourri de poils, point trop long, & qui n’a pas trop de pointe ; il contient plus de couleur, elle s’y seche moins vîte, & la touche en doit être plus large & plus moëlleuse ; autrement l’ouvrage doit prendre un air sec & peiné. En général la pointe d’un

pinceau doit être ferme, & faire ressort sur elle-même. Les pinceaux s’emmanchent avec des antes (Voyez Antes.) soit d’yvoire, d’ébeine, ou d’autres bois, que l’on entourre à l’endroit le plus large de la plume, avec un peu de cire d’Espagne, pour que l’eau dans laquelle on est obligé de les laver sans cesse n’entre pas dedans, ce qui les ruine plutôt. Il faut sur-tout avoir soin, quand on ne s’en sert pas, de les enfermer dans une boîte où il y ait un peu de poivre fin ; autrement il se fourre entre les poils une espece de mites qui les rongent en peu de tems.

Du pointillé. Le pointillé étoit anciennement la seule touche de la miniature Voyez Miniature. Il consiste à placer les couleurs, non en touchant le vélin ou l’ivoire, d’un des côtés de l’extrémité du pinceau ; mais en piquant seulement de la pointe, ce qui forme des petits points à-peu-près ronds & égaux entre eux. Ils doivent tous se toucher, ensorte que les triangles qui restent entre ces points sont ou blancs, s’il n’y a point encore eu de couleurs sur le velin, ou bien ils montrent la couleur qu’ils ont reçue avant que les points y fussent placés ; c’est cette variété de points & de triangles coloriés qui forme l’union des différentes teintes. Voyez Peinture en miniature, touche.

De la touche. C’est la maniere dont on fait agir le pinceau sur le vélin ou l’ivoire en peignant en miniature. Le pointillé a longtems piévalu, & quelques peintres s’en servent encore aujourd’hui, surtout en Allemagne & en Angleterre, où l’extrème fini passe pour se mérite le plus réel de la miniature. Voyez Pointillé. Cette maniere de faire uniforme ne demande aucun soin, mais beaucoup de patience. Il est vrai que les objets paroissent tous de la même nature, étant tous pointillés. Les chairs, les cheveux, les étoffes de soie, comme de laine, les corps polis, les nuages, tout enfin ne paroit plus qu’une même matiere, dès que tout est assujeti à la même touche De bons peintres ont cependant senti l’inconvénient de cette touche. Les uns ont formé la leur de coups de pinceaux croisés, & même recroisés. D’autres l’ont marquée par des coups de pointe du pinceau donnés tous du même sens, soit de gauche à droite, ou de droite à gauche, ou perpendiculairement. Enfin on a imaginé une troisieme touche, qui n’est déterminée que par la nature & la forme des objets. Elle est composée de plusieurs sortes de coups de pinceaux, tantôt de la pointe, tantôt en appuyant davantage ; les uns sont de petites courbes, d’autres ressemblent à une virgule droite, d’autres ne sont que des petites lignes courtes & trainées, quelquefois de simples points ; enfin suivant la forme & la nature de l’objet que l’on veut caractériser : car il paroît vraissemblable, par exemple, qu’une armure polie semble demander une touche particuliere, qui la caractérise & la différencie d’avec une étoffe de laine, ou un morceau de bois qui seroit de la même couleur. En général cette derniere touche observe de ne jamais donner de coups de pinceaux perpendiculairement, à-moins qu’il ne soit directement question de lignes réelles.

Du velin. Le vélin sur lequel on peint en miniature est le veau mort né ; il y en a d’Angleterre & de Picardie ; les velins de Flandres & de Normandie sont moins propres à la miniature. Le vélin d’Angleterre est très-doux & assez blanc, celui de Picardie l’est davantage. Il faut pour qu’un vélin soit parfait, qu’il soit très-blanc, & non pas frotté de chaux ; qu’il n’ait point de petites taches, ni de veines claires, comme il s’en trouve. Pour éprouver le vélin, il ne faut qu’appliquer le bout de la langue sur un des coins ; si l’endroit mouillé est un peu de tems à sécher, le vélin est bon ; s’il seche aussi-tôt, le vélin boit, & ne vaut rien.