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les maisons, dans les jardins, dans les prairies des sujets, en un mot par-tout, à l’exception des champs ensemencés : & il étoit défendu, sous peine d’une amende très-considérable, de les troubler dans leur travail, ou de s’y opposer. Les fouilles qui avoient été faites devoient rester ouvertes, & il n’étoit point permis de les combler ; cela se faisoit pour instruire ceux qui pourroient venir ensuite chercher des mines aux mêmes endroits.

Après qu’en fouillant, on s’est assuré de la présence d’une mine, ou d’un filon, on forme des bures ou puits ; ce sont des trous quarrés, qui descendent en terre, ou perpendiculairement ou obliquement : ces puits ont deux côtés plus longs que les deux autres, c’est-à-dire forment des quarrés longs. On les revêtit de planches, assujetties par un chassis de charpente ; cela se fait pour empêcher l’éboulement des terres & des pierres, qui pourroient blesser les ouvriers, & même combler les fosses : cette opération s’appelle cuvelage. Parmi les Planches de Minéralogie, on en trouvera une qui représente une coupe d’un souterrain de mine ; on y verra des puits revêtus de la maniere qui vient d’être décrite.

Sur la longueur du quarré long qui forme le puits, on prend un espace pour y former une cloison de planches, pratiquée dans l’intérieur du puits ; cette cloison ou séparation, va d’un des petits côtés à l’autre ; elle partage le puits en deux parties inégales : la partie la plus spacieuse est destinée à la montée & à la descente des sceaux ou paniers que l’on charge du minerai qui a été détaché sous terre, ou des pierres inutiles dont on veut se débarrasser : la partie la plus étroite est destinée à recevoir les échelles que l’on place perpendiculairement dans les puits, & qui servent aux ouvriers pour descendre dans leurs atteliers souterrains. On multiplie ces échelles, mises au bout les unes des autres, en raison de la profondeur qu’on veut donner à son puits. Directement au-dessus du puits, on place un tourniquet ou bouriquet ; c’est un cylindre garni à chaque extrémité d’une manivelle ; autour de ce cylindre s’entortille une corde ou une chaîne, à laquelle sont attachés les sceaux ou paniers destinés à recevoir le minerai : deux ou quatre ouvriers font tourner ce cylindre. Mais lorsque les fardeaux qu’il faut tirer de la terre sont trop considérables, ou lorsque les puits sont d’une trop grande profondeur, on se sert d’une machine à moulettes que des chevaux font tourner ; c’est un arbre ou essieu placé perpendiculairement, au haut duquel est une lanterne autour de laquelle s’entortille la chaîne de fer, à laquelle sont attachés les sceaux ou paniers : cette chaîne est soutenue par deux cylindres, ou par des poulies qui la conduisent directement au-dessus du puits. Des chevaux font tourner cette machine qui est représentée dans la figure que représente la coupe d’une mine ; on la couvre d’un angard ou cabanne de planches, pour la garantir des injures de l’air ; cet angard sert en même tems à empêcher la pluie ou la neige de tomber dans le puits.

On forme quelquefois plusieurs puits de distance en distance, les uns servent à l’épuisement des eaux, d’autres servent à donner de l’air dans le fond des souterrains, comme nous aurons occasion de le faire voir plus loin.

Lorsque le premier puits est descendu jusques sur le filon, on forme une espece de repos ou de salle, afin que les ouvriers puissent y travailler à l’aise, & l’on creuse des galeries, c’est-à-dire, des chemins souterreins qui suivent la direction du filon que l’on a trouvé ; c’est dans ces galeries que les ouvriers détachent le minerai de la roche qui l’enveloppe, & en allant toujours en avant, à force de détacher du minerai ils se font un passage. Ces galeries doi-

vent être assez hautes & assez larges pour qu’un

homme puisse s’y tenir de bout, & y agir librement, pour y faire aller des brouettes, dont on se sert pour transporter le minerai jusqu’à l’endroit où on le charge dans les paniers. Pour empêcher que la roche dans laquelle les galleries ont été pratiquées ne s’affaisse par le poids de la montagne, on la soutient au moyen d’une charpente, c’est ce qu’on appelle étrésillonner ; cela se fait de différentes manieres, que l’on peut voir dans la Planche qui représente la coupe d’une mine. Quelquefois même on soutient les galeries par de la mâçonnerie, ce qui est plus solide, & dispense des réparations continuelles qu’on est obligé de faire aux étais de charpente que l’humidité pourrit très-promptement dans les souterrains.

Comme le filon que l’on exploite a quelquefois dans son voisinage des vénules, des fentes, & des rameaux remplis de minerai qui viennent s’y rendre, on est obligé de faire des boyaux de prolongation aux deux côtés des galeries pour aller chercher ce minerai ; on étaye ces boyaux de même que les galeries. On fait aussi très souvent des excavations sur les côtés des puits & des galeries, que l’on nomme des aîles, afin de détacher les masses de minerai qui peuvent s’y trouver, & pour découvrir les fentes & vénules qui vont aboutir au filon principal.

Lorsque les galeries ont été formées & bien assurées, & lorsque le filon a été découvert & dépouillé de la roche qui l’environne, les ouvriers en détachent le minerai ; cela se fait avec des marteaux pointus des deux côtés, & d’autres outils bien trempés. Quand la roche est fort dure, on y fait des trous avec un outil pointu qu’on nomme fleuret ; on remplit ces trous d’une cartouche ou d’un pétard, auquel on met le feu avec une méche soufrée, par-là on fait un effet plus grand & plus prompt que les ouvriers ne pourroient faire à l’aide de leurs outils. Quelquefois pour attendrir la roche, on amasse auprès d’elle quelques voies de bois que l’on allume ; alors les ouvriers sortent des souterreins, de peur d’être étouffés par la fumée & par les vapeurs dangereuses que le feu dégage de la mine, par ce moyen le feu fait gerser la roche qui se détache ensuite avec plus de facilité ; cependant il est plus avantageux de se servir de la poudre à canon, parce que cela évite une perte de tems considérable.

Lorsque l’épaisseur du filon le permet, on y forme des especes de marches ou de gradins, les uns au-dessus des autres, & sur chacun de ces gradins est un ouvrier qui est éclairé par sa lampe qui est auprès de lui, & qui détache du minerai sur le gradin qui est devant. Voyez la Planche de la coupe d’une mine.

Les galeries se continuent, tant que l’on voit apparence de suivre un filon ; il y a dans quelques mines de Misnie où l’on travaille depuis plusieurs siecles, des galeries ou chemins souterreins qui ont plusieurs lieues de longueur, & qui vont d’une montagne à l’autre. On sent que dans ce cas on est obligé de multiplier les puits qui descendent de la surface de la terre, tant pour tirer le minerai, que pour renouveller l’air & pour épuiser les eaux.

Comme souvent dans une même montagne il y a plusieurs filons placés au-dessus les uns des autres, on est encore obligé de faire plusieurs étages de galerie, & l’on forme sur le sol de la premiere galerie des puits qui conduisent à la seconde, & ainsi de suite en raison de la quantité de galeries ou d’étages que l’on a été dans le cas de faire. Il faut observer, que ces puits souterreins ne soient point placés précisément au-dessous des premiers, c’est-à-dire, de ceux qui descendent de la surface de la ter-