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son esprit, pour lui gagner tout ce qu’elle pourroit de partisans. Elle le servit selon ses vœux, vint à bout de séduire par ses graces, par ses discours, & par ses démarches, quatorze à quinze d’entre ceux qui avoient la principale autorité dans le gouvernement de la Grece. Elle fixa finalement ses courses en Thessalie, dont le souverain l’épousa, & elle vécut sur le trône pendant trente ans.

Aspasie suivit son exemple dans sa conduite, dans ses manieres, & dans ses études. Elle n’étoit pas moins belle que Thargélie, & l’emportoit encore par son savoir & par son éloquence. Comblée de tous les dons de la nature, elle se rendit à Athènes, où elle fit à la fois deux métiers bien différens, celui de courtisane, & celui de sophiste. Sa maison étoit tour-à-tour un lieu de débauche, & une école d’éloquence, qui devint le rendez-vous des plus graves personnages. Nous n’avons point d’idées de pareils assortimens. Aspasie entretenoit chez elle une troupe de jeunes courtisanes, & vivoit en partie de ce honteux trafic. Mais, d’un autre côté, elle donnoit généreusement des leçons de politique, & de l’art oratoire avec tant de décence & de modestie, que les maris ne craignoient point d’y mener leurs femmes, & qu’elles pouvoient y assister sans honte & sans danger.

A l’art de manier la parole, à tous les talens, à toutes les graces de l’esprit, elle joignoit la plus profonde connoissance de la Rhétorique & de la politique. Socrate se glorifioit de devoir toutes ses lumieres à ses instructions, & lui attribuoit l’honneur d’avoir formé les premiers orateurs de son tems.

Entre ceux qui vinrent l’écouter, ses soins se porterent en particulier sur Périclès ; ce grand homme lui parut une conquête digne de flatter son cœur & sa vanité. L’entreprise & le succès ne furent qu’une seule & même chose. Périclès comblé de joie, fut son disciple le plus assidu, & son amant le plus passionné. Elle eut la meilleure part à cette oraison funebre qu’il prononça après la guerre de Samos, & qui parut si belle à tout le monde, que les femmes coururent l’embrasser, & le couronner comme dans les jeux olympiques.

Périclès gouvernoit Athènes par les mains d’Aspasie. Elle avoit fait décider la guerre de Samos, elle fit entreprendre celle de Mégare, & de Scycione. Partout Périclès recueillit des lauriers, & devint fou d’une créature si merveilleuse. Il résolut de l’épouser, exécuta son dessein, & vécut avec elle jusqu’à sa mort, dans la plus parfaite union.

Je ne déciderai point, si c’étoit avant ou après son mariage qu’Aspasie fut accusée en justice du crime d’impiété ; je sai seulement, que Périclès eut beaucoup de peine à la sauver. Il employa pour la justifier tout ce qu’il avoit de biens, de crédit, & d’éloquence. Il fit pour sa défense le discours le plus pathétique & le plus touchant qu’il eût fait de sa vie ; & il répandit plus de larmes en le prononçant, qu’il n’en avoit jamais versé en parlant pour lui-même. Enfin, il eut le plaisir inexprimable de réussir, & d’en porter le premier la nouvelle à sa chere Aspasie.

Quel bonheur de sauver les jours de ce qu’on aime !
Quand on sait, par ce bonheur même,
Se l’attacher plus fortement !

(D. J.)

MILETOPOLIS, (Géog. anc.) ville située aux embouchures du Borysthène. On la nomme à présent Ozaeou ; c’étoit l’ouvrage d’une colonie des Milésiens, qui firent de cette ville le centre de leur commerce avec les peuples septentrionaux de ces quartiers.

Miletopolis, (Géog. anc.) en grec Μιλητουπόλις, ville de Mysie, entre Bithynie & Cyzique, sur l’é-

tang d’Artynia, d’où sort le Rhyndacus. Pline, l. V. c. xxxij. parle de cette ville.

MILETUM, (Géog. anc.) ville d’Italie chez les Brutiens, aujourd’hui Calabre ultérieure, & dans les terres a environ 5 milles de Nicotera vers l’orient septentrional ; elle se nomeencore Mileto. Cette ville autrefois habitée par les Mléfiens asiatiques, devint épiscopale en 1075, sous la metropole de Rhégio, & est actuellement tombée en ruines, en parties causées par les vicissitudes des tems, & en partie par un tremblement de terre, qui y a mis le comble en 1638. (D. J.)

MILGREUX, s. m. (Hist. nat. Botan.) especes particulieres d’herbes marines, milgreux haudines : les sables volages qui bordent les côtes de l’admirauté de Port-bail & Carteret sur la côte du Ponant, couvrent en peu d’heures des arpens de terres, qui sont souvent les meilleures & les plus fécondes, pour remédier autant qu’il est possible à ce dommage, il y a des côtes où les seigneurs & les communautés font planter une espece de jonc marin, que l’on nomme sur ce ressort haudines on milgreux, qui viennent assez volontiers sur les sables des dunes qui bordent la haute-mer ; ces joncs donnent lieu à la production d’une espece de mousse qui croît à leur pié, & qui par la suite y forme une croute où il croit de petites herbes que les troupeaux y paissent, & qui arrête de cette maniere le volage des sables : aussi il ne faut pas souffrir que les riverains coupent les milgreux, mais seulement qu’ils enlevent au rateau ceux qui sont secs.

MILHAUD ou MILLAN, (Géogr.) en latin Æmilianum, petite ville de France dans la haute Marche de Rouergue. Louis XIII. la fit démanteler en 1629. Elle est sur le Tarn, à 7 lieues de Lodeve, 120 S. E. de Paris. Long. 20. 50. latit. 44. 10. (D. J.)

MILIAIRE fievre, (Médecine.) La fievre miliaire est ainsi nommée des petites pustules ou vésicules, qui s’élevent principalement sur les parties supérieures du corps, & qui ressemblent en quelque sorte à des grains de millet. Quelques médecins l’appellent fievre vésiculaire, à cause que les pustules sont des vésicules d’abord remplies d’une sérosité lympide, qui devient ensuite blanchâtre & presque de couleur de perle.

Quelquefois les fievres miliaires sont contagieuses, & se communiquent par l’attouchement, par des écoulemens, par la respiration, ou par d’autres manieres inconnues.

La fievre miliaire est simple ou composée. Elle est simple, quand il ne paroît sur le corps que des pustules miliaires ; elle est composée, quand les boutons blancs sont entremêlés de pustules papillaires rouges.

Signes. Cette fievre se manifeste par une oppression de poitrine, accompagnée de soupirs, un abattement extraordinaire des esprits sans cause évidente, des insomnies, des agitations, un pouls foible & fréquent, une chaleur interne, avec soif ou sans soif : tels sont les signes qui annoncent l’éruption des pustules miliaires ; & tous ces symptomes continuent jusqu’à ce que ces pustules soient sorties & parvenues à leur degré de grosseur, après quoi elles cessent pour la plûpart.

Les pustules miliaires se portent ordinairement sur la poitrine, sur le col, & dans les interstices des doigts ; elles couvrent aussi quelquefois tout le corps ; après avoir augmenté insensiblement jusqu’à un certain point, elles disparoissent tout-à-fait, & laissent dans les endroits de l’épiderme, où elles s’étoient formées, une certaine rudesse écailleuse.

Il n’est pas possible de déterminer le jour de l’éruption des pustules miliaires, puisque cela varie depuis le quatre jusqu’au dixieme jour de la mala-