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1547, une audiance royale, une université, si l’on peut nommer de ce nom les écoles de l’Amérique espagnole.

Elle fut la capitale de l’empire du Mexique jusqu’au 13 Août 1521, que Cortez la prit pour toujours, & que finit ce fameux empire. Voyons ce qu’elle étoit alors, avant que de parler de son état actuel.

Cette ville, fondée au milieu d’un grand lac, offroit aux yeux le plus beau monument de l’industrie américaine. Elle communiquoit à la terre par ses digues ou chaussées principales, ouvrages somptueux, qui ne servoient pas moins à l’ornement qu’à la nécessité. Les rues étoient fort larges, coupées par quantité de ponts, & paroissoient tirées au cordeau. On voyoit dans la ville les canots sans nombre naviger de toutes parts pour les besoins, & le commerce. On voyoit à Mexico les maisons spacieuses & commodes construites de pierres, huit grands temples qui s’élevoient au-dessus des autres édifices, des places, des marchés, des boutiques qui brilloient d’ouvrages d’or & d’argent sculptés, de vaisselle de terre vernissée, d’étoffes de coton, & de tissus de plumes, qui formoient des desseins éclatans par les plus vives couleurs.

L’achat & la vente se faisoient par échange ; chacun donnoit ce qu’il avoit de trop, pour avoir ce qui lui manquoit. Le maïs & le cacao servoient seulement de monnoie pour les choses de moindre valeur. Il y avoit une maison où les juges de commerce tenoient leur tribunal, pour regler les différends entre les négocians : d’autres ministres inférieurs alloient dans les marchés, maintenir par leur présence, l’égalité dans les traités.

Plusieurs palais de l’empereur Montézuma augmentoient la somptuosité de la ville. Un d’eux s’élevoit sur des colonnes de jaspe, & étoit destiné à récréer la vûe par divers étangs couverts d’oiseaux de mer & de riviere, les plus admirables par leurs plumages. Un autre étoit décoré d’une ménagerie pour les oiseaux de proie. Un troisieme étoit rempli d’armes offensives & défensives, arcs, fleches, frondes, épées avec des trenchans de cailloux, enchâssés dans des manches de bois, &c. Un quatrieme étoit consacré à l’entretien & nourriture des nains, des bossus, & autres personnes contrefaites ou estropiées des deux sexes & de tout âge. Un cinquieme étoit entouré de grands jardins, où l’on ne cultivoit que des plantes médecinales, que des intendans distribuoient gratuitement aux malades. Des médecins rendoient compte au roi de leurs effets, & en tenoient régistre à leur maniere, sans avoir l’usage de l’écriture. Les autres especes de magnificence ne marquent que le progrès des arts ; ces deux dernieres marquent le progrès de la morale, comme dit M. de Voltaire.

Cortez, après sa conquête, réfléchissant sur les avantages & la commodité de la situation de Mexico, la partagea entre les conquérans, & la fit rebâtir ; après avoir marqué les places pour l’hôtel-de-ville, & pour les autres édifices publics. Il sépara la demeure des Espagnols d’avec celle du reste des Indiens, promit à tous ceux qui voudroient y venir demeurer, des emplacemens & des privileges, & donna une rue entiere au fils de Montézuma, pour gagner l’affection des Mexicains. Les descendans de ce fameux empereur subsistent encore dans cette ville, & sont de simples gentilhommes chrétiens, confondus parmi la foule.

Mexico est actuellement située dans une vaste plaine d’eau, environnée d’un cercle de montagnes d’environ 40 lieues de tour. Dans la saison des pluies, qui commencent vers le mois de Mai, on ne peut entrer dans cette ville que par trois chaussées, dont

la plus petite a une grande demi-lieue de longueur ; les deux autres sont d’une lieue & d’une lieue & demie ; mais dans les tems de sécheresse, le lac au milieu duquel la ville est située, diminue considérablement. Les Espagnols se sont efforcés de faire écouler les eaux à-travers les montagnes voisines ; mais après des travaux immenses, exécutés aux dépens des jours des malheureux Mexicains, ils n’ont réussi qu’en partie dans l’exécution de ce projet ; néanmoins ils ont remédié par leurs ouvrages aux inondations, dont cette ville étoit souvent menacée.

Elle est actuellement bâtie régulierement, & traversée de quelques canaux, lesquels se remplissent des eaux qui viennent du lac. Les maisons y sont basses, à cause des fréquens tremblemens de terre ; les rues sont larges, & les églises très-belles. Il y a un très-grand nombre de couvents.

On comptoit au moins trois cent mille ames dans Mexico sous le regne de Montézuma ; on n’en trouveroit pas aujourd’hui soixante mille, parmi lesquels il y a un plus dix mille blancs ; le reste des habitans est composé d’Indiens, de nègres d’Afrique, de mulâtres, de métis, & d’autres, qui descendent du mélange de ces diverses nations entre elles, & avec les Européens ; ce qui a formé des habitans de toutes nuances de couleurs, depuis le blanc jusqu’au noir.

C’est cependant une ville très-riche pour le commerce, parce que par la mer du nord une vingtaine de gros vaisseaux abordent tous les ans à S. Jean de Mhua, qu’on nomme aujourd’hui la Vera-Crux, chargés de marchandises de la chrétienté, qu’on transporte ensuite par terre à Mexico. Par la mer du sud, elle trafique au Pérou & aux Indes orientales au moyen de l’entrepôt des Philippines, d’où il revient tous les ans deux galions à Acapulco, où l’on décharge les marchandises, pour les conduire par terre à Mexique.

Enfin, si l’on considere la quantité d’argent qu’on apporte des mines dans cette ville, la magnificence des édifices sacrés, le grand nombre de carrosses qui roulent dans les rues, les richesses immenses de plusieurs Espagnols qui y demeurent, l’on pensera qu’elle doit être une ville prodigieusement opulente : mais d’un autre côté, quand on voit que les Indiens qui font les quatre cinquiemes des habitans, sont si mal vétus, qu’ils vont sans linge & nuds piés, on a bien de la peine à se persuader que cette ville soit effectivement si riche.

Elle est située à 22 lieues de la Puébla, 75 d’Acapulco, & à 80 de la Vera-Crux. Long. selon le P. Feuillée & des Places, 272 deg. 21 min. 30 sec. lat. 20. 10. Long. selon Cassini & Lieutaud, 273. 51. 30. lat. 20. Long. selon M. de Lisle, 275. 15. lat. 20. 10. (D. J.)

MEXIQUE, l’empire du (Géog.) vaste contrée de l’Amérique septentrionale, soumise aux rois du Mexique, avant que Fernand Cortez en eût fait la conquête.

Lorsqu’il aborda dans le Mexique, cet empire étoit au plus haut point de sa grandeur. Toutes les provinces qui avoient été découvertes jusqu’alors dans l’Amérique septentrionale, étoient gouvernées par les ministres du roi du Méxique, ou par des caciques qui lui payoient tribut.

L’étendue de sa monarchie de levant au couchant étoit au moins de 500 lieues ; & sa largeur du midi au septentrion contenoit jusqu’à près de 100 lieues dans quelques endroits. Le pays étoit par-tout fort peuplé, riche & abondant en commodités. La mer Atlantique, que l’on appelle maintenant la mer du Nord, & qui lave ce long espace du côté étendu depuis Penuco jusqu’à Yucatan, bornoit l’empire du côté du septentrion. L’Océan, que l’on nomme asiatique, ou plus communément mer du Sud, le