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peu-à-peu & à l’aide d’une sorte de fermentation, un plus grand degré de perfection. Les Alchimistes ont enchéri sur ces idées, & ont imaginé un grand nombre d’expressions figurées, telles que celles de semence ou de sperme mercuriel & métallique, de semence saline & vitriolique, &c. termes obscurs & inintelligibles pour ceux mêmes qui les ont inventés.

Le célebre Stahl croit que les métaux ont la même origine que le monde, & que les filons qui les contiennent ont été formés dès sa création ; ce savant chimiste pense que dès les commencemens, Dieu créa les métaux & les filons métalliques tels qu’ils sont actuellement ; il se fonde sur la régularité qui se trouve dans la direction de ces filons sur leur conformation, qui ne semble nullement être un effet du hasard, & sur leur marche qui n’est jamais interrompue que par des obstacles accidentels que differentes révolutions arrivées à de certaines portions de la terre ont pû faire naître. Voyez l’article Filons. Malgré l’autorité d’un si grand homme, il y a tout lieu de croire que les métaux & leurs mines se forment encore journellement, plusieurs observations semblent constater cette vérité, & nous convainquent que ces substances éprouvent dans le sein de la terre, des décompositions qui sont suivies d’une reproduction nouvelle. Voyez l’artîcle Mines, mineræ.

Les métaux se trouvent donc dans le sein de la terre ; on les y rencontre quelquefois purs, c’est-à-dire, sous la forme métallique qui leur est propre, & alors on les nomme métaux natifs ou vierges : mais l’état dans lequel les métaux se rencontrent le plus ordinairement est celui de mines, c’est-à-dire, dans un état de combinaison, soit avec le soufre, soit avec l’arsenic, soit avec l’une & l’autre de ces substances à la fois ; alors on dit qu’ils sont minéralisés. Voyez Minéralisation. C’est dans ces deux états que les métaux sont dans les filons ou veines métalliques ; leur combinaison avec le soufre & l’arsenic leur donne des formes, des couleurs & des qualités très-differentes de celles qu’ils auroient s’ils étoient purs ; l’on est donc obligé de recourir à plusieurs travaux pour les purifier, c’est-à-dire, pour les délivrer des substances avec lesquelles ils sont combinés, pour les séparer de la roche ou de la terre à laquelle ils étoient attachés dans leurs filons, & pour les faire paroître sous la forme nécessaire pour servir aux différens usages de la vie. Ces travaux font l’objet de la métallurgie. Voyez Metallurgie.

Cependant les métaux ne se trouvent point toujours dans des filons suivis & réguliers, on les rencontre souvent ainsi que leurs mines, soit mêlés dans les couches de la terre, soit répandus à sa surface, soit en masses roulées par les eaux, soit en paillettes éparses dans le sable des rivieres & des ruisseaux. Il y a lieu de présumer que les métaux & leurs mines qui se trouvent en ces états ont été arrachés des filons, & entraînés par la violence des torrens ou par quelqu’autres grandes inondations ou révolutions arrivées à notre globle ; c’est par ces eaux que les métaux & les fragmens de leurs mines & de leurs matrices ont été portés dans des endroits souvent fort éloignés de ceux où ils avoient pris naissance. Voyez Mines. (—)

Métal, dans l’Artillerie, est la composition des différens métaux dont on forme celui du canon & des mortiers. Voyez Canon.

Métal, les Fondeurs de cloches appellent ainsi la matiere dont les cloches sont faites, qui est trois parties de cuivre rouge, & une d’étain fin. Voyez l’article Fonte des cloches.

MÉTALEPSE, s. f. (Gram.) ce mot est grec ; μεταλήψις, composé de la préposition μετὰ, qui dans la

composition marque changement, & de λαμϐάνω, capio ou concipio : la métalepse est donc un trope, par lequel on conçoit la chose autrement que le sens propre ne l’annonce ; c’est le caractere de tous les tropes (voyez Trope) ; & les noms propres de chacun rendent presque tous la même idée, parce qu’en effet les tropes ne different entre eux que par des nuances délicates & difficiles à assigner. Mais la métalepse, en particulier, est reconnue par M. du Marsais pour une espece de métonymie (Voyez Métonymie) ; & peut-être auroit-il été plus à propos de l’y rapporter, que de multiplier sans profit les dénominations. De quelque maniere qu’il plaise à chacun d’en décider, ce qui concerne la métalepse, ou l’espece de métonymie, que l’on désigne ici sous ce nom, mérite d’être connu ; & personne ne peut le faire mieux connoître que M. du Marsais : c’est lui qui va parler ici, jusqu’à la fin de cet article. Tropes, part. II. art. 3.

« La métalepse est une espece de métonymie, par laquelle on explique ce qui suit, pour faire entendre ce qui précede, ou ce qui précede, pour faire entendre ce qui suit : elle ouvre, pour ainsi-dire, la porte, dit Quintilen, afin que vous passiez d’une idée à une autre ; ex alio in aliud viam præstat, Inst. VIII. 6. c’est l’antécédent pour le conséquent, ou le conséquent pour l’antécédent ; & c’est toujours le jeu des idées accessoires dont l’une éveille l’autre.

Le partage des biens se faisoit souvent, & se fait encore aujourd’hui, en tirant au sort. Josué se servit de cette maniere de partager : Cumque surrexissent viri, ut pergerent ad describendam terram, præcepit eis Josue dicens : circuite terram, & describite eam, ac revertimini ad me ; ut hîc, coram Domino, in Silo vobis mittam sortem. Josué XVIII. 8. Le sort précede le partage ; de-là vient que sors, en latin, se prend souvent pour le partage même, pour la portion qui est échue en partage ; c’est le nom de l’antécédent qui est donné au conséquent.

Sors signifie encore jugement, arrêt ; c’étoit le sort qui décidoit chez les Romains, du rang dans lequel chaque cause devoit être plaidée. En voici la preuve dans la remarque de Servius, sur ce vers de Virgile, Æn. v. 431. Nec verò hæ sine sorte datæ, sine judice sedes. Sur quoi Servius s’exprime ainsi : Ex more romano non audiebantur causæ, nisi per sortem ordinatæ. Tempore enim quo causæ audiebantur, conveniebant omnes, unde & concilium : & ex sorte dierum ordinem accipiebant, quo post dies triginta suas causas exequerentur ; unde est, urnam movet. Ainsi quand on a dit sors pour jugement, on a pris l’antécédent pour le conséquent.

Sortes en latin, se prend encore pour un oracle ; soit parce qu’il y avoit des oracles qui se rendoient par le sort, soit parce que les réponses des oracles étoient comme autant de jugemens qui regloient la destinée, le partage, l’état de ceux qui les consultoient.

On croit avant que de parler ; je crois, dit le prophete, & c’est pour cela que je parle : credidi, propter quod locutus sum. Ps. CXV. 1. Il n’y a point là de métalepse ; mais il y a une métalepse quand on se sert de parler ou dire pour signifier croire. Direz-vous après cela que je ne suis pas de vos amis ? c’est-à dire, croirez-vous ? aurez-vous sujet de dire ? »

[On prend ici le conséquent pour l’antécédent.]

« Cedo veut dire dans le sens propre, je cede, je me rends ; cependant par une métalepse de l’antécédent pour le conséquent, cedo signifie souvent, dans les meilleurs auteurs, dites ou donnez : cette