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fant de la famille, à la différence de celle qui étoit seulement épousée per usum, que l’on appelloit matrona, mais qui n’étoit pas réputée de la famille de son mari.

Parmi nous on appelle mere-de-famille une femme mariée qui a des enfans. On dit en Droit que la mere est toujours certaine, au-lieu que le pere est incertain.

Entre personnes de condition servile, l’enfant suit la condition de la mere.

La noblesse de la mere peut servir à ses enfans lorsqu’il s’agit de faire preuve de noblesse des deux côtés, & que les enfans sont légitimes & nés de pere & mere tous deux nobles ; mais si la mere seule est noble, les enfans ne le sont point.

Le premier devoir d’une mere est d’alaiter ses enfans, & de les nourrir & entretenir jusqu’à ce qu’ils soient en âge de gagner leur vie, lorsque le pere n’est pas en état d’y pourvoir.

Elle doit prendre soin de leur éducation en tout ce qui est de sa compétence, & singulierement pour les filles, auxquelles elle doit enseigner l’économie du ménage.

La mere n’a point, même en pays de Droit écrit, une puissance semblable à celle que le Droit romain donne aux peres ; cependant les enfans doivent lui être soumis, ils doivent lui porter honneur & respect, & ne peuvent se marier sans son consentement jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge de majorité ; ils doivent, pour se mettre à couvert de l’exhérédation, lui faire des sommations respectueuses comme au pere.

En général la mere n’est pas obligée de doter ses filles comme le pere, elle le doit faire cependant selon ses moyens lorsque le pere n’en a pas le moyen ; mais cette obligation naturelle ne produit point d’action contre la mere non plus que contre le pere.

Lorsque le pere meurt laissant des enfans en bas âge, la mere quoique mineure est leur tutrice naturelle & légitime, & pour cet emploi elle est préférée à la grand-mere ; elle peut aussi être nommée tutrice par le testament de son mari ; le juge lui defere aussi la tutelle. Voyez Mineur & Tutelle.

La tutelle finie, la mere est ordinairement nommée curatrice de ses enfans jusqu’à leur majorité.

Suivant la loi des douze tables, les enfans ne succédoient point à la mere, ni la mere aux enfans ; dans la suite le préteur leur donna la possession des biens sous le titre unde cognati ; enfin l’empereur Claude & le senatusconsulte Tertyllien déferent la succession des enfans à la mere, savoir à la mere in genere, lorsqu’elle avoit trois enfans, & à la mere affranchie lorsqu’elle en avoit quatre. Il y avoit cependant plusieurs personnes qui étoient préférées à la mere, savoir les héritiers siens ou ceux qui en tenoient lieu, le pere & le frere consanguin ; la sœur consanguine étoit admise. Par les constitutions postérieures la mere fut admise à la succession de son fils ou de sa fille unique, & lorsqu’il y avoit d’autres enfans elle étoit admise avec les freres & sœurs du défunt. Par le droit des novelles elles furent préférées aux freres & sœurs qui n’étoient joints que d’un côté.

L’édit de S. Maur du mois de Mai 1567, appellé communément l’édit des meres, ordonna que les meres ne succéderoient point en propriété aux biens paternels de leurs enfans, qu’elles demeureroient réduites à l’usufruit de la moitié de ces biens avec la propriété des meubles & acquêts qui n’en faisoient pas partie. Cet édit fut registré au parlement de Paris, mais il ne fut pas reçu dans les parlemens de Droit écrit, si ce n’est au parlement de Provence, & il a été révoqué par un autre édit du mois d’Août 1729, qui ordonne que les successions des meres à leurs enfans seront reglées comme elles l’étoient avant l’édit de S. Maur.

Suivant le Droit commun du pays coutumier, la mere, aussi-bien que le pere, succede aux meubles & acquêts de ses enfans décédés sans enfans ou petits-enfans ; à l’égard des propres ils suivent leur ligne.

La mere fut admise à la succession de ses enfans naturels par le senatusconsulte Tertyllien.

Pour ce qui est des successions des enfans à leur mere, ils ne lui succedoient point ab intestat ; ce ne fut que par le senatusconsulte Arphitien qu’ils y furent admis, & même les enfans naturels, ce qui fut depuis étendu aux petits-enfans.

En France la mere ne succede point à ses enfans naturels, & ils ne lui succedent pas non plus si ce n’est en Dauphiné & dans quelques coûtumes singulieres, où le droit de succeder leur est accordé réciproquement. Voyez les Instit. de Just. liv. III. tit. iij. & iv. l’Institution d’Argou, tit. des bâtards. (A)

Mere de Dieu, (Théol.) est une qualité que l’Eglise catholique donne à la sainte Vierge. V. Vierge.

L’usage de la qualifier ainsi nous est venu des Grecs qui l’appelloient Θεότοκος, que les Latins ont rendu par Deipara & Dei genitrix. Ce fut le concile d’Ephese qui introduisit cette dénomination ; & le cinquieme concile de Constantinople ordonna qu’à l’avenir on qualifieroit toujours ainsi la sainte Vierge. Ce decret donna occasion à de terribles disputes. Anastase, prêtre de Constantinople, dont Nestorius étoit patriarche, avança hautement dans un sermon, qu’on ne devoit absolument point appeller la Vierge Θεότοκος. Ces paroles ayant causé un grand soulevement dans les esprits, le patriarche prit le parti du prédicateur, & appuya sa doctrine. Voyez Nestorien.

Mais quoiqu’on puisse absolument parlant faire signifier à Θεότοκος mere de Dieu, Τίκειν & γεννᾶν signifiant quelquefois la même chose ; ce qui a fait que les Latins l’ont traduit par Dei genitrix, aussi-bien que par Deipara : cependant les anciens Grecs qui appelloient la Vierge Θεότοκος, ne l’appelloient pas pour cela μητὴρ τοῦ θέου, mere de Dieu. Ce ne fut qu’après que les Latins eurent traduit Θεότοκος par Dei genitrix, que les Grecs traduisirent à leur tour Dei genitrix par μητὴρ τοῦ θέου ; moyennant quoi les Grecs & les Latins s’accorderent à appeller la Vierge mere de Dieu.

Le premier, à ce que prétendent les Grecs, qui lui ait donné cette qualité est S. Léon ; & cela, prétend S. Cyrille, parce que prenant les mots de Seigneur & Dieu pour synonymes, il jugeoit que sainte-Elisabeth en appellant la sainte-Vierge mere de son Seigneur, avoit voulu dire mere de Dieu.

Mere-Folle, ou Mere-Folie, (Histoir. mod.) nom d’une société facétieuse qui s’établit en Bourgogne sur la fin du xiv. siecle ou au commencement du xv. Quoiqu’on ne puisse rien dire de certain touchant la premiere institution de cette société, on voit qu’elle étoit établie du tems du duc Philippe le Bon. Elle fut confirmée par Jean d’Amboise, évêque de Langres, gouverneur de Bourgogne, en 1454 : festum fatuorum, dit M. de la Mare, est ce que nous appellons la mere-folle.

Telle est l’époque la plus reculée qu’on puisse découvrir de cette société, à moins qu’on ne veuille dire avec le P. Menestrier, qu’elle vient d’Engelbert de Cleves, gouverneur du duché de Bourgogne, qui introduisit à Dijon cette espece de spectacle ; car je trouve, poursuit cet auteur, qu’Adolphe, comte de Cleves, fit dans ses états une espece de société semblable, composée de trente-six gentilshommes ou seigneurs qu’il nomma la compagnie des fous. Cette compagnie s’assembloit tous les ans au tems des vendanges. Les membres mangeoient tous ensemble, tenoient cour pleniere, & faisoient des divertissemens de la nature de ceux de Dijon,