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dense point par la gelée la plus forte, & elle ne le rend point solide. 5°. Le mercure n’a ni saveur ni odeur. 6°. Cette substance est d’une divisibilité prodigieuse ; il se partage en globules parfaitement sphériques, & l’action du feu le dissipe en vapeurs qui ne sont qu’un amas de globules d’une petitesse extrème, qui sont toujours du mercure qui n’a point été altéré. 7°. Le mercure a la propriété de dissoudre plusieurs métaux, & de s’unir intimement avec eux ; c’est ce qu’on nomme amalgame : il s’unit par préférence avec l’or, ensuite avec l’argent, avec l’étain, avec le plomb ; il ne s’unit que très-difficilement avec le cuivre, & point du tout avec le fer. Il s’unit avec le bismuth & forme un amalgame avec lui ; mais un phénomene très-singulier, c’est que l’amalgame du bismuth joint à celui du plomb, fait que la combinaison des deux amalgames devient beaucoup plus fluide qu’auparavant, au point que de cette maniere le plomb lui-même peut passer avec le mercure au-travers d’une peau de chamois. 8°. Le mercure se dissout par tous les acides, c’est-à-dire par l’acide vitriolique, l’acide nitreux, l’acide du sel marin ; il se dissout aussi dans le vinaigre & dans les acides tirés des végétaux : mais il faut pour cela que son aggrégation ait été rompue. 9°. Il se combine très-aisément avec le soufre, & forme avec lui une substance rouge que l’on appelle cinnabre, à l’aide de l’action du feu & de la sublimation. Voyez Cinnabre. 10°. Par la simple trituration on peut le combiner avec le soufre, ce qui donne une poudre noire que l’on appelle éthiops minéral. 11°. Le poids du mercure est plus considérable en hiver que dans l’été. M. Neumann a observé qu’un vaisseau qui étant rempli de mercure pesoit en été onze onces & sept grains, pesoit en hiver onze onces & trente-deux grains. 12°. Le mercure bien pur est privé de l’eau qu’il attire de l’air ; mis dans un tube de verre & agité dans l’obscurité, il produit une lumiere phosphorique ou plûtôt électrique.

En l’année 1760, au mois de Janvier, on a éprouvé à Pétersbourg un froid d’une rigueur excessive : cela a donné lieu à une découverte très-importante sur le mercure ; on a trouvé qu’il étoit susceptible de se changer en une masse solide par la gelée. Pour cet effet on a trempé la boule d’un thermometre dans une espece de bouillie faite avec de la neige & de l’esprit de nitre fumant ; en remuant ce mélange avec le thermometre même, le mercure s’est gelé & s’est arrêté au degré 500 du thermometre de M. de Lisle, qui répond au 183 de M. de Réaumur. Ce mercure ainsi gelé est plus pesant que celui qui est fluide, d’ailleurs il est ductile & malléable comme du plomb. La glace pilée ne peut point, dit-on, faire geler le mercure, qui ne va pour lors que jusqu’au 260 degré du thermometre de M. de Lisle. On n’a point encore pu vérifier ces expériences dans d’autres pays de l’Europe.

La disposition que le mercure a à s’unir avec le plomb, l’étain & le bismuth, fait qu’à cause de sa cherté on le combine avec ces substances ; il est donc nécessaire de le purifier avant que de s’en servir. On le purifie ordinairement avec du vinaigre & du sel marin, & on triture le mercure dans ce mélange : par ce moyen le vinaigre dissout les métaux avec lesquels le mercure est combiné, & il reste pur. Mais la maniere la plus sûre de purifier le mercure, est de le combiner avec du soufre, & de mettre ce mélange en sublimation pour faire du cinnabre, que l’on met ensuite en distillation pour en obtenir le mercure.

Quant à la maniere de purifier le mercure en le pressant au-travers d’une peau de chamois, elle est fort équivoque, puisque, comme on a vu, le bismuth fait que l’étain & le plomb passent avec lui au-travers du chamois ; cette maniere de purifier le mercure

ne peut donc que le dégager de la poussiere ou de la crasse qu’il peut avoir contractées à l’extérieur. Le mercure qui a été falsifié avec d’autres substances métalliques, peut se reconnoître en ce qu’il ne se met point en globules parfaitement ronds ; il coule plus lentement, & semble former une espece de queue à la surface des corps sur lesquels on le verse.

Plusieurs physiciens ont cru que le mercure contenoit beaucoup de particules d’air, mais c’est une erreur ; & M. Rouelle a trouvé que ces prétendues particules d’air sont de l’eau dont on peut le dégager en le faisant bouillir ; mais il en reprend très-promptement si on le laisse exposé à l’air, dont il attire fortement l’humidité. Borrichius a observé qu’une chaîne de fer poli s’étoit chargée de rouille après avoir séjourné pendant quelque tems dans du mercure. Raimond Lulle est le premier des Chimistes qui ait dit que le mercure contenoit de l’eau. On pourroit conjecturer que c’est à cette eau que contient le mercure, que sont dûs quelques-uns de ses effets dangereux, & peut-être est-ce de là que vient la propriété qu’il a d’exciter la salivation & d’attaquer le genre nerveux. Il seroit fort avantageux de n’employer que du mercure qui eût été privé de cette partie aqueuse. Les mauvais effets que le mercure produit souvent sur le corps humain, ont fait soupçonner à quelques chimistes qu’il contenoit une terre étrangere & arsénicale qu’ils ont appellée nymphe ; & ils pretendoient l’en dépouiller, en le combinant avec les acides minéraux, dont ils le dégageoient ensuite pour y introduire une autre terre : par ce moyen ils avoient un mercure parfaitement pur, qu’ils ont nommé mercure animé, dont ils vantoient l’usage, tant dans la Medecine que dans la Chrysopée ; ils prétendoient que ce mercure dissolvoit l’or à parties égales, mais il perdoit ses propriétés lorsqu’on l’exposoit à l’air. C’est à l’expérience à faire connoître jusqu’à quel point toutes ces idées peuvent être fondées. Beccher, Stahl & Henckel, les trois plus grands chimistes que l’Allemagne ait produits, regardent non-seulement le mercure comme une substance arsenicale, mais même comme un arsenic fluide.

Le célebre M. Neumann définit le mercure un mixte aqueux & terreux, mixtum aqueo-terreum, dans lequel il entre une portion du principe inflammable, & qui est chargé jusqu’à l’excès de la troisieme terre de Beccher ou la terre mercurielle, qui est le principe à qui les métaux doivent leur fusibilité ou l’état de fluidité que leur donne l’action du feu. Quoi qu’il en soit de cette définition, il est certain que la facilité avec laquelle le feu dissipe & volatilise le mercure, fait qu’il est impossible de le décomposer & d’en faire une analyse exacte. Si on l’expose à l’action du feu dans des vaisseaux fermés, il se met en expansion & brise les vaisseaux. M. Rouelle a trouvé que cela vient de l’eau qui lui est jointe, vu qu’en le privant de cette eau il ne fait plus d’explosion. Si on l’expose au feu dans des vaisseaux ouverts, il se réduit en vapeurs ou en fumée : en l’exposant pendant longtems à un feu doux, il se change en une poudre grise que, suivant la remarque de M. Rouelle, on a mal-à-propos regardée comme une chaux, puisqu’en donnant un degré de chaleur plus fort, cette poudre reprend très-promptement la forme & l’éclat du mercure. Pour le changer en cette poudre grise, il suffit de l’enfermer dans une bouteille que l’on agitera fortement & long-tems ; c’est ce qu’on appelle mercure précipité par lui-même.

Malgré la difficulté qu’il y a à connoître la nature du mercure, un grand nombre de chimistes l’ont regardé comme la base de tous les métaux, & ils ont prétendu que l’on pouvoit l’en tirer, opération qu’ils ont nommé mercurification ; mais ils assurent que ce