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troit de Babel-Mandel, jusqu’à l’isthme de Suez.

Les anciens l’ont nommé sinus Arabicus, le golfe d’Arabie, parce que les Arabes en ont occupé les deux côtés. L’Ecriture-sainte l’appelle la mer du suph, c’est-à-dire la mer du jonc, à cause de la grande quantité de joncs, ou de mousse de mer, qui se trouve dans son fonds & sur ses bords. Les Turcs la nomment la mer de Suez, & plus communément la mer de la Meque, parce que cette ville, pour laquelle ils ont une singuliere vénération, est située près de cette mer.

On est en peine de savoir d’où vient ce nom de mer rouge. Pline liv. VI. c. 28, Strabon liv. XVI. pag. 520, & Quinte-Curse liv. X. avancent, sans aucune preuve, qu’on nomma cette mer Rouge, en grec Erythrea, d’un certain roi Erythros qui regna dans l’Arabie. Les modernes ont à leur tour cherché plusieurs étymologies de ce nom dont les plus savantes sont apparemment les moins vraies. Il en est de cette mer, comme de la mer Blanche, la mer Bleue, la mer Noire, la mer Vermeille, la mer Verte, &c. le hasard, la fantaisie, ou quelque événement particulier, a produit ces noms bizarres, qui ont ensuite fourni matiere à l’érudition des critiques.

Il est plus important de remarquer que l’on a quelquefois étendu le nom de mer Rouge au sein Persique & à la mer des Indes ; faute de cette attention, les interpretes ont repris fort mal-à-propos, plusieurs endroits des anciens auteurs qu’ils n’ont pas entendus.

M. de Lisle place la situation de la mer Rouge, selon sa longueur, à 51 degrés du méridien de Paris. Abulféda a donné la description la plus détaillée & la plus exacte de cette mer, qu’il nomme mer de Kolsum, parce que cette ville est située à l’extrémité de sa côte septentrionale, sous le 23. 45. de latitude.

Tout le monde sait le fameux miracle du passage de la mer rouge, lorsque le Seigneur ouvrit cette mer, la dessécha, & y fit passer à pié sec les Israélites, au nombre de six cent mille hommes, sans compter les vieillards, les femmes & les enfans.

Divers critiques, versés dans la connoissance du génie des langues orientales, ont cru pouvoir interpréter simplement le texte de l’Ecriture, quelque formel qu’il paroisse. Ils ont dit que Moïse, qui avoit été long-tems sur la mer Rouge dans le pays de Madian, ayant observé qu’elle avoit son flux & reflux reglé comme l’Océan, avoit sagement profité du tems du reflux, pour faire passer le peuple hébreu ; & que les Egyptiens qui ignoroient la nature de cette mer, s’y étant témérairement engagés dans le tems du flux, furent enveloppés dans ses eaux, & périrent tous, comme dit l’historien sacré. C’est du moins ainsi que les prêtres de Memphis le racontoient, au rapport d’Artapane, apud Euseb. præpar. liv. IV. c. xvij.

Josephe dans ses antiq. liv. II. ch. dernier, après avoir rapporté l’histoire du passage de la mer rouge, telle que Moïse l’a racontée, ajoute qu’on ne doit pas regarder ce fait comme impossible, parce que Dieu peut avoir ouvert un passage aux Hébreux, à travers les eaux de cette mer, comme il en ouvrit un, long-tems après, aux Macédoniens conduits par Alexandre, lorsqu’ils passerent la mer de Pamphilie. Or les historiens qui ont parlé de ce passage des Macédoniens, disent qu’ils entrerent dans la mer, & en cotoyerent les bords, en marchant tout le jour dans l’eau jusqu’à la ceinture. Arrien lib. I. de exped. Alexandri, remarque qu’on n’y sauroit passer quand le vent du midi soufle ; mais que le vent s’étant changé tout-à-coup, donna aux soldats le moyen d’y passer sans péril. C’est peut-être la réflexion de Josephe qui a fait croire à quelques anciens,

& à divers modernes, à S. Thomas par exemple, à Tostat, à Grotius, à Paul de Burgos, à Génébrad, à Vatable & à plus d’un rabin, que les Israélites ne passerent pas la mer Rouge d’un bord à l’autre ; mais seulement qu’ils la cotoyerent, & remonterent pendant le flux, de l’endroit où ils étoient à un autre endroit un peu plus haut, en faisant comme un demi-cercle dans la mer.

On ne manque pas de savans qui se sont attachés à refuter cette opinion. Voyez les principaux commentateurs de l’Ecriture sur l’Exode, ch. xiv. Voyez en particulier la dissertation de M. Leclerc, & celle de dom Calmet, sur le passage de la mer Rouge. (D. J.)

Mer de Sicile, (Géog.) quoique ce nom convienne à toute la mer dont la Sicile est environnée, on le donne principalement à celle qui est à l’orient & au midi, jusqu’à l’ile de Malthe. (D. J.)

Mer du Sud, (Géog.) vaste partie de l’Océan, entre l’Amérique & l’Asie. Elle a été découverte le 25 Septembre 1513, par Vasco Nulles de Balboa, espagnol. Comme la premiere fois que les Espagnols la navigerent, ils partoient d’Espagne pour le Pérou, & que par conséquent cette mer étoit au sud à leur égard, ils l’appellerent mer du Sud. Ils l’ont aussi nommée la mer Pacifique, à cause des grands calmes qui y regnent en certains tems & en certains parages.

Elle a un grand golfe que l’on appelle la mer Vermeille. Le golfe de Kamtzchatka peut être aussi considéré comme faisant partie de cette mer, sur-tout si on l’étend jusqu’au Japon & à la Chine, & que l’on y comprenne l’Océan oriental, les Philippines, &c.

La mer du Sud communique à l’Océan qui lave les côtes de l’Europe, 1°. par la mer des Indes, au midi de l’Afrique & de l’Asie ; 2°. par la mer Glaciale, au nord de l’Asie & de l’Europe ; 3°. par le détroit de Magellan ; 4°. par le midi des îles qui sont au midi de ce détroit ; 5°. enfin, il peut se faire qu’il y ait au nord de l’Amérique, par la baie de Hudson & par celle de Bassin, un passage vers cette mer.

Il y a long-tems qu’on tâche de découvrir le passage de la mer du nord à celle du sud par le nord-ouest. Les Espagnols instruits des tentatives fréquentes que les Anglois avoient déjà faites dans le xvj. siecle, en furent alarmés, & prirent la résolution de le chercher eux-mêmes par la mer du Sud, dans la vûe que s’il s’y en trouvoit effectivement un, de le fortifier si bien qu’ils en demeurassent les maîtres. Ils équiperent pour cet effet quatre vaisseaux de guerre qu’ils mirent en mer le 3 Août 1640 au port de Callao, sous la conduite de Barthelemi de Fuente, alors amiral de la nouvelle Espagne. Cet homme célebre n’a pas trouvé le passage qu’il cherchoit ; mais les autres découvertes qu’il fit, jointes à celles des Russes en 1731, nous donnent la connoissance de presque toute la partie septentrionale de la mer du Sud, & le dénouement de la difficulté sur la maniere dont le nord de l’Amérique a pû être peuplé, rien n’étant plus aisé que de franchir le détroit qui la sépare de l’Asie, du moins dans les tems de glaces où ce détroit est gelé.

Cependant les Anglois n’ont point encore abandonné l’espérance de trouver le passage à la mer du Sud par le nord-ouest, & c’est un objet sur lequel le parlement a tâché d’encourager les recherches. Il promit par un acte passé en 1745 une récompense magnifique aux navigateurs de la Grande-Bretagne qui en feroient la découverte. Ceux qui proposeront des vûes sur cette matiere, sont dans le cas d’obtenir une gratification, quand même leurs ouvertures n’auroient pas les degrés d’utilité qui sont