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gow. Les Suédois la prirent en 1634, les Bavarois en 1703, & les Impériaux la même année. Elle est dans une plaine fertile & agréable, à 6 lieues d’Ulm, 10 d’Augsbourg, à quelque distance de l’Iller. Ses habitans sont Luthériens. Son commerce consiste en toiles, étoffes, & papier qu’on y fabrique. Long. 27. 50. lat. 47. 58. (D. J.)

MEMNONES, (Géog. anc.) peuples d’Ethiopie sous l’Egypte, selon Ptolomée, liv. IV. chap. viij. qui les place près de Méroé. (D. J.)

MÉMOIRE, SOUVENIR, RESSOUVENIR, RÉMINISCENCE, (Synonymes.) ces quatre mots expriment également l’attention renouvellée de l’esprit à des idées qu’il a déjà apperçues. Mais la différence des points de vûe accessoires qu’ils ajoûtent à cette idée commune, assigne à ces mots des caracteres distinctifs, qui n’échappent point à la justesse des bons écrivains, dans le tems même qu’ils s’en doutent le moins : le goût, qui sent plus qu’il ne discute, devient pour eux une sorte d’instinct, qui les dirige mieux que ne feroient les raisonnemens les plus subtils, & c’est à cet instinct que sont dûes les bonnes fortunes qui n’arrivent qu’à des gens d’esprit, comme le disoit un des ecrivains de nos jours qui méritoit le mieux d’en trouver, & qui en trouvoit très-fréquemment.

La mémoire & le souvenir expriment une attention libre de l’esprit à des idées qu’il n’a point oubliées, quoiqu’il ait discontinué de s’en occuper : les idées avoient fait des impressions durables ; on y jette un coup-d’œil nouveau par choix, c’est une action de l’ame.

Le ressouvenir & la reminiscence expriment une attention fortuite à des idées que l’esprit avoit entierement oubliées & perdues de vûe : ces idées n’avoient fait qu’une impression légere, qui avoit été étouffée ou totalement effacée par de plus fortes ou de plus récentes ; elles se représentent d’elles-mêmes, ou du-moins sans aucun concours de notre part ; c’est un évenement où l’ame est purement passive.

On se rappelle donc la mémoire ou le souvenir des choses quand on veut, cela dépend uniquement de la liberté de l’ame ; mais la mémoire ne concerne que les idées de l’esprit ; c’est l’acte d’une faculté subordonnée à l’intelligence, elle sert à l’éclairer : au-lieu que le souvenir regarde les idées qui intéressent le cœur ; c’est l’acte d’une faculté nécessaire à la sensibilité de l’ame, elle sert à l’échauffer.

C’est dans ce sens que l’auteur du Pere de famille a écrit : Rapportez tout au dernier moment, à ce moment où la mémoire des faits les plus éclatans ne vaudra pas le souvenir d’un verre d’eau présenté par humanité à celui qui avoit soif. (Epit. dédic.) On peut dire aussi dans le même sens : qu’une ame bienfaisante ne conserve aucun souvenir de l’ingratitude de ceux à qui elle a fait du bien ; ce seroit se déchirer elle-même & détruire son penchant favori : cependant elle en garde la mémoire, pour apprendre à faire le bien ; & c’est le plus précieux & le plus négligé de tous les arts.

On a le ressouvenir ou la réminiscence des choses quand on peut ; cela tient à des causes indépendantes de notre liberté. Mais le ressouvenir ramene tout-à-la-fois les idées effacées & la conviction de leur préexistence ; l’esprit les reconnoit : au-lieu que la réminiscence ne réveille que les idées anciennes, sans aucune réflexion sur cette préexistence ; l’esprit croit les connoître pour la premiere fois.

L’attention que nous donnons à certaines idées, soit par notre choix, soit par quelque autre cause, nous porte souvent vers des idées toutes différentes, qui tiennent aux premieres par des liens très-délicats & quelquefois même imperceptibles. S’il n’y a entre

ces idées que la liaison accidentelle qui peut venir de notre maniere de voir, ou si cette liaison est encore sensible nonobstant les autres liens qui peuvent les attacher l’un à l’autre ; nous avons alors par les unes le ressouvenir des autres ; nous reconnoissons les premieres traces : mais si la liaison que notre ancienne maniere de voir a mise entre ces idées, n’a pas fait sur nous une impression sensible, & que nous n’y distinguions que le lien apparent de l’analogie ; nous pouvons alors n’avoir des idées postérieures qu’une réminiscence, jouir sans scrupule du plaisir de l’invention, & être même plagiaires de bonne-foi ; c’est un piége où maints auteurs ont été pris.

Il y a en latin quatre verbes qui me paroissent assez répondre à nos quatre noms françois, & différer entre eux par les mêmes nuances ; savoir meminisse, recordari, memorari, & reminisci.

Le premier a la forme & le sens actif, & vient, comme tout le monde sait, du vieux verbe meno, dont le prétérit par réduplication de la premiere consonne est memini ; meminisse, se rappeller la mémoire, ce qui est en effet l’action de l’esprit.

Le second a la forme & le sens passif, recordari, se recorder, ou plûtôt être recordé, recevoir au cœur une impression qu’il a déjà reçue anciennement, mais la recevoir par le souvenir d’une idée touchante : si ce verbe a la forme & le sens passif, c’est que, quoique l’esprit agisse ici, le cœur y est purement passif, puisque son émotion est une suite nécessaire & irresistible de l’acte de mémoire qui l’occasionne ; & il y a une sorte de délicatesse à montrer de préférence l’état conséquent du cœur, vû d’ailleurs qu’il indique suffisamment l’acte antérieur de l’esprit, comme l’effet indique assez la cause d’où il part : Tua in me studia & officia multùm tecùm recordere, dit Cicéron à Trébonius (Epist. famil. xv. 24.) & comme s’il avoit eu le dessein formel de nous faire remarquer dans ce recordere l’esprit & le cœur, il ajoûte : non modo virum bonum me existimabis, ce qui me semble designer l’opération de l’esprit simplement, verùm etîam la à me amari plurimùm judicabis, ce qui est dit pour aller au cœur.

Les deux derniers, memorari, être averti par une mémoire accidentelle & non spontanée, avoir le ressouvenir, & reminisci, être ramené aux anciennes notions de l’esprit, en avoir la réminiscence ; ces deux derniers, dis-je, ont la forme & le sens passif, quoi qu’en disent les traducteurs ordinaires, à qui la dénomination de verbe déponent mal entendue en a imposé ; & ce sens passif a bien de l’analogie avec ce que j’ai observé sur le ressouvenir & la réminiscence.

Au reste, malgré les conjectures étymologiques, peut-être seroit-il difficile de justifier ma pensée entierement par des textes précis : mais il ne faudroit pas non plus pour cela la condamner trop ; car si l’euphonie a amené dans la diction des fautes même contre l’analogie & les principes fondamentaux de la grammaire, selon la remarque de Cicéron (Orat. n. 47.) Impetratum est à consuetudine ut peccare suavitatis causâ liceret ; combien l’harmonie n’aura-t-elle pas exigé des sacrifices de la justesse qui décide du choix des synonymes ? Dans notre langue même, où les lois de l’harmonie ne sont pas à beaucoup près si impérieuses que dans la langue latine, combien de fois les meilleurs écrivains ne sont-ils pas obligés d’abandonner le mot le plus précis, & de lui substituer un synonyme modifié par quelque correctif, plûtôt que de faire une phrase mal sonnante, mais juste ? (B. E. R. M.)

Mémoire, s. f. (Métaphysique.) il est important de bien distinguer le point qui sépare l’imagination de la mémoire. Ce que les Philosophes en ont dit jusqu’ici est si confus, qu’on peut souvent appliquer à la mémoire ce qu’ils disent de l’imagination, & à