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entre les mains d’un berger, dont le chien l’avoit découvert. La mere de cet enfant retrouvé, se chargea secrettement de son éducation, & le fit remettre à Chiron, qui élevoit dans ce tems-là les enfans de la Grece, qui étoient de quelque naissance. Esculape profita de l’occasion de s’avancer à la gloire par le chemin que Chiron lui ouvroit, & où il étoit entraîné par son génie. La Médecine fit son étude favorite, & il parvint dans cet art à un si haut point d’intelligence, que ses compatriotes lui donnerent le surnom d’Esculape, emprunté de celui qui avoit inventé la Médecine en Phénicie. L’obscurité de sa naissance, jointe à ses lumieres en Médecine, engagerent ses compatriotes à lui donner Apollon pour pere, & à le déifier lui-même après sa mort.

Etrabarani, médecin arabe, naquit dans une province du Chorozan. Il fut médecin du sultan Thechm, roi de Ghazna, ville d’Asie, située sur les frontieres de l’Inde. Il composa un livre de médecine, fort vanté chez les Arabes, intitulé le Paradis de la prudence, & qui contient des observations concernant l’art de guérir, avec un détail des propriétés des plantes, des animaux, & des minéraux. Il mourut à Chazna, l’an de l’hégire 474, & de J. C. 1081.

Eudeme. Il y a eu plusieurs médecins de ce nom ; le premier étoit vendeur d’antidote, pharmacopola ; le second étoit un médecin de Chio, que l’ellébore ne pouvoit pas purger ; le troisieme étoit anatomiste, contemporain d’Hérophile, ou de ses disciples ; le quatrieme avoit décrit en vers la composition d’une espece de thériaque dont usoit Antiochus Philométor, & cette description étoit gravée sur la porte du temple d’Esculape ; le cinquieme dont parle Cælius Aurelianus, est le même que l’adultere de Livie, qui est appellé par Tacite, l’ami & le médecin de cette princesse, & qui empoisonna Drusus son époux. Tacite ajoûte, que cet Eudeme faisoit parade de posséder beaucoup de secrets, afin de paroître plus habile dans son art, maxime qui a réussi à plusieurs médecins destitués de talens nécessaires pour se faire distinguer en se conduisant avec franchise ; le sixieme Eudeme étoit un médecin méthodique, disciple de Thémison, sous le regne de Tibere ; peut-être est-ce le même que l’Eudeme de Tacite. On trouve encore dans Galien, un Eudeme qu’il appelle l’ancien, & dont il rapporte quelques compositions de médicamens. Athénée cite un Eudeme, athénien, qui avoit écrit touchant les herbages : enfin Apulée parle d’un Eudeme qui avoit traité des animaux. On ne sauroit dire si ces derniers sont différens des quatre ou cinq premiers.

Euphorbus, frere d’Antonius Musa, médecin chéri d’Auguste, devint aussi médecin d’un prince qui se plaisoit à la Médecine ; ce prince étoit Juba, second du nom, roi de Numidie, celui qui épousa Sélene, fille d’Antoine & de Cléopatre. Entre les livres que Juba lui-même avoit écrits, ceux où il traitoit de la Lybie & de l’Arabie, lesquels il dédia à Caius César, petit-fils d’Auguste, contenoient plusieurs choses curieuses concernant l’histoire naturelle de ces pays-là ; par exemple, il y décrivoit exactement, à ce que dit Pline, l’arbre qui porte l’encens. Euphorbe ne laissa point d’ouvrage.

Ezarhagui, médecin arabe, composa un ouvrage de médecine, semblable au canon d’Avicenne : les médecins mahométans en font même à présent un grand cas. Il mourut à l’âge de cent un an, l’an de l’hégire 404, & de Jesus-Christ 1013.

Galien (Claude), étoit de Pergame, ville de l’Asie mineure, fameuse à divers égards, & particulierement par son temple d’Esculape. Il est né vers l’an 131 de Jesus-Christ, environ la 15e année du regne d’Adrien. Il paroit par ses écrits qu’il a vécu sous

les empereurs Antonin, Marc-Aurele, Lucius-Verus, Commode, & Sévere.

Il embrassa la médecine à l’âge de 17 ans, l’étudia sous plusieurs maîtres, & voyagea beaucoup. Il fut dans la Cilicie, dans la Palestine, en Crete, en Chypre, & ailleurs. Il demeura quelque tems à Alexandrie, capitale de l’Egypte, où fleurissoient encore toutes les sciences. A l’âge de 28 ans il revint d’Alexandrie à Pergame, & traita les blessures de nerfs des gladiateurs avec beaucoup de succès, ce qui prouve que Galien entendoit aussi-bien la Chirurgie que la Médecine.

Il se rendit à Rome à l’âge de 32 ans, eut le bonheur de plaire à Sergius Paulus, préteur, à Sévérus, qui étoit alors consul, & qui fut depuis empereur, & à Boëthius, homme consulaire, dont il guérit la femme, qui lui fit un présent de quatre cens pieces d’or ; mais son mérite & son habileté lui firent tant d’ennemis parmi les autres médecins de Rome, qu’ils le contraignirent de quitter cette ville, après y avoir séjourné quelques années.

Cependant au bout de quelque tems Marc-Aurele le rappella dans la capitale, où il écrivit entr’autres livres, celui de l’usage des parties du corps humain. Il est vrai que craignant extrèmement l’envie des médecins de cette ville, il se tenoit le plus qu’il pouvoit à la campagne, dans un lieu où Commode, fils de l’empereur, faisoit son séjour. On ne sait point combien de tems Galien demeura à Rome pour la seconde fois, ni même s’il y passa le reste de sa vie, ou s’il retourna en Asie : Suidas dit seulement que ce médecin vécut 70 ans.

Le grand nombre de livres qui restent de sa plume, sans parler de ceux qui se sont perdus, prouve bien que c’étoit un homme d’un prodigieux travail, & qui écrivoit avec une facilité singuliere. On comptoit plus de cinq cens livres de sa main sur la seule Médecine ; mais nous apprenons de lui, qu’une partie de tant d’ouvrages périt de son tems, par un incendie qui consuma le temple de la Paix à Rome, où ces mêmes ouvrages étoient déposés.

Tous les anciens ont eu pour Galien la plus grande estime ; & Eusebe qui a vécu environ cent ans après lui, dit que la vénération qu’on portoit à ce médecin, alloit jusqu’à l’adoration. Trallien, Oribase, Actius, & sur-tout Paul Eginete, n’ont fait presque autre chose que de le copier ; & tous les médecins arabes se sont conduits de même. Il est pourtant certain qu’il eut pendant sa vie un grand parti à combattre, & la médecine d’Hippocrate qu’il entreprit de rétablir, ne triompha pas apparemment de la secte méthodique, ni des autres.

Nous avons deux éditions greques de Galien ; l’une d’Alde, donnée en 1525, en deux volumes in-folio ; l’autre plus correcte d’André Cratandrus, de Jean Hervagius, & de Jean Bébélius, parut en 1538 en cinq volumes in-folio.

Quant aux éditions latines, il y en a eu grand nombre. On a plusieurs traductions de Galien en cette langue. On en a donné une à Lyon en 1536, in-folio, elle est de Simon Colinœus. La même a paru en 1554, beaucoup plus correcte & avec de grandes augmentations ; c’est Jean Frellonius qui l’a mise au jour. Il y en a une autre édition de Jean Frébonius, à Bâle en 1541. La même reparut en 1561 avec une préface de Conrard Gesner, dans laquelle il est parlé avec beaucoup de jugement de Galien, de ses ouvrages, & de ses différens traducteurs.

Il y en a une troisieme des Juntes, qui ont donné à Venise dix éditions de Galien ; la premiere est in-8°. en 1641 ; & les autres in-folio dans les années suivantes ; la neuvieme ou dixieme, car ces deux