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la premiere place à celle de Cos, comme ayant produit le plus grand nombre d’excellens disciples ; celle de Gnide tenoit le second rang, & celle d’Italie le troisieme. Hérodote parle aussi d’une école d’Asclépiades établie à Cyrène, où Esculape avoit un temple. Enfin, le même historien fait mention d’une école de Médecine qui régnoit à Crotone, patrie de Démocede. Voyez Démocede.

On connoit la méthode des Asclépiades de Gnide par quelques passages d’Hippocrate, dont on peut recueillir, 1°. que ces médecins se contentoient de faire une exacte description des symptomes d’une maladie, sans raisonner sur les causes, & sans s’attacher au prognostic ; 2°. qu’ils ne se servoient que d’un très-petit nombre de remedes, qu’eux & leurs prédécesseurs avoient sans doute expérimentés. L’élatérium, qui est un purgatif tiré du concombre sauvage, le lait, & le petit-lait, faisoient presque toute leur médecine.

A l’égard des médecins de Cos, on peut aussi dire, que si les prænotiones coacæ qui se trouvent parmi les œuvres d’Hippocrate, ne sont qu’un recueil d’observations faites par les médecins de Cos, comme plusieurs anciens l’ont cru ; il paroît que cette école suivoit les mêmes principes que celle de Gnide, & qu’elle s’attachoit peu à la Médecine raisonnée, c’est-à-dire, à celle qui travaille à rechercher les causes cachées des maladies, & à rendre raison de l’opération des remedes.

Quoi qu’en dise Galien, les Asclépiades n’avoient pas fait encore de grands progrès dans l’Anatomie avant le tems d’Hippocrate ; mais la pratique de l’art leur fournissoit tous les jours des occasions de voir sur des corps vivans, ce qu’ils n’avoient pû découvrir sur les morts, lorsqu’ils avoient à traiter des plaies, des ulceres, des tumeurs, des fractures, & des dislocations.

Athenée, natif d’Attalie, ville de Cilicie, fut le premier fondateur de la secte pneumatique. Ce médecin parut après Thémison, après Archigène, & fleurit un peu de temps après Pline. Il pensoit que ce n’est point le feu, l’air, la terre & l’eau qui sont les véritables élémens ; mais il donnoit ce nom à ce qu’on appelle les qualités premieres de ces quatre corps, c’est-à-dire, au chaud, au froid, à l’humide, & au sec ; enfin, il leur ajoutoit un cinquieme élément, qu’il appelloit esprit, lequel, selon lui, pénétroit tous les corps, & les conservoit dans leur état naturel. C’est la même opinion des Stoïciens que Virgile insinue dans ces vers de son Ænéïde l. VI.

Principio coelum ac terras, camposque liquentes,
Lucentemque globum lunæ, titaniaque astra,
Spiritus intus alit : totamque insusa per artus
Mens agitat molem, & magno se corpore miscet.

Athenée appliquant ce système à la Médecine, croyoit que la plûpart des maladies survenoient, lorsque l’esprit dont on vient de parler, souffre le premier quelque atteinte : mais comme les écrits de ce médecin, à l’exception de deux ou trois chapitres qu’on trouve dans les recueils d’Oribaze, ne sont pas venus jusqu’à nous, on ne sait guere ce qu’il entendoit par cet esprit, ni comment il convenoit qu’il souffre. On peut seulement recueillir de sa définition du pouls, qu’il croyoit que cet esprit étoit une substance qui se mouvoit d’elle-même, & qui mouvoit le cœur & les arteres. Galien prétend qu’aucun des médecins de ce tems-là n’avoit si universellement écrit de la Médecine qu’Athenée.

Avenzoar, médecin arabe, moins ancien qu’Avicenne, & qui a précédé Averrhoës qui le comble d’éloges dans plus d’un endroit de ses ouvrages. Il

naquit, ou du moins il demeuroit à Séville, capitale de l’Andalousie, où les califes mahométans faisoient pour lors leur résidence. Il vécut beaucoup au-delà de cent ans, & jouit d’une santé parfaite jusqu’au dernier moment de sa vie, quoiqu’il eût essuyé bien des traitemens barbares de la part d’Haly, gouverneur de Séville. Il paroît par son livre nommé thaisser, qu’il avoit la direction d’un hôpital, & qu’il fut souvent employé par le miramamolin. Il montre dans le même ouvrage beaucoup de savoir & de jugement. Il paroît mépriser toutes les subtilités des sophistes, & regarder l’expérience comme le guide le plus sûr que l’on puisse suivre dans la pratique de la Médecine. Mais attaché en même tems à la secte dogmatique, il raisonne avec bon sens sur les causes & les symptomes des maladies. Enfin, comme il prend Galien pour son guide dans la théorie médicinale, il ne perd aucune occasion de le citer. Son livre thaisser ou theisir, c’est-à-dire, rectificatio medicationis & regiminis, a été imprimé à Venise en 1496. & 1514. in-fol. On l’a réimprimé avec son antidotaire, & les collections d’Averrhoès, Lugduni, 1531. in-8o.

Averrhoès vivoit peu de tems après Avenzoar, puisqu’il nous apprend lui-même qu’il étoit en liaison avec ses enfans. Il mourut à Maroc vers l’an 600 de l’hegyre, & ses ouvrages l’ont rendu célebre dans toute l’Europe. Il naquit à Cordoue, fut élevé dans la jurisprudence, à laquelle il préféra l’étude des mathématiques. Il seconda par son application les talens qu’il tenoit de la nature, & se rendit encore fameux par sa patience & sa générosité. Il composa par ordre du miramamolin de Maroc, son livre sur la Médecine sous le nom de collection, parce que, de son aveu, c’est un simple recueil tiré des autres auteurs ; mais il y fait un grand usage de la philosophie d’Aristote, qui étoit son héros. Il paroît être le premier auteur qui ait assûré qu’on ne peut pas avoir deux fois la petite-vérole. Bayle a recueilli un grand nombre de passages dans différens auteurs au sujet d’Avetrhoès, mais comme il n’a pas cru devoir consulter les originaux pour son dessein, il n’est pas surprenant qu’il ait commis autant de méprises qu’il a fait de citations.

Les ouvrages d’Averrhoès sont intitulés Collectaneorum de re medicâ, Lugduni, 1537. fol. Venetiis apud Juntas, 1552. fol. & son commentaire sur Avicene, a aussi vû le jour, Venetiis, 1555. in fol.

Avicennes, fils d’Aly, naquit à Bochara dans la province de Korasan, vers l’an 980, & passa la plus grande partie de sa vie à Ispahan ; il fit des progrès si rapides dans l’étude des Mathématiques & de la Médecine, que sa réputation se répandit de toutes parts ; mais son savoir ne put le détourner des plaisirs, ni des maladies qu’ils lui procurerent ; il mourut à l’âge de cinquante-six ans, en 1036. à Médine. Néander n’a fait qu’un roman de la vie de cet auteur.

Le fameux canon d’Avicenne a été si goûté dans toute l’Asie, que divers auteurs arabes du douzieme & treizieme siecles, l’ont commenté dans ce tems-là : la doctrine de cet auteur prit aussi grand crédit dans toute l’Europe, & s’est soutenue jusqu’au rétablissement des lettres ; cependant ses ouvrages ne renferment rien de particulier qui ne se trouve dans Galien, dans Razès, ou Haly Abbas.

Ils ont été imprimés un grand nombre de fois à Venise, & entre autres apud Juntas, en 1608. infol. 2 vol. C’est la meilleure édition, il est inutile d’indiquer les autres.

Cælius Aurelianus, médecin méthodique, a écrit en latin. Il paroît à son style, qui est assez particulior, qu’il étoit africain, ce que le titre de son ouvrage acheve de confirmer. Il y est appellé Cælius