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la saison de l’année & de la nature de la partie malade.

4°. Les méthodiques disoient qu’on doit s’attacher à guérir les maladies par les choses les plus simples, par celles dont nous faisons usage dans la santé, telles que l’air que nous respirons, & les nourritures que nous prenons. Les anciens Médecins s’étoient occupés à en connoître les avantages : les méthodiques les surpasserent encore dans cette étude ; ils prirent des soins tout particuliers pour rendre l’air que le malade respiroit, tel qu’ils le supposoient devoir être pour contribuer à sa guérison ; & comme ils ne distinguoient que de deux sortes de maladies, des maladies de relâchement & des maladies de resserrement, toute leur application tendoit à procurer au malade un air resserrant ou relâchant, selon le besoin.

Pour avoir un air relâchant, ils choisissoient des chambres bien claires, fort grandes, & médiocrement chaudes : au contraire pour donner au malade un air resserrant, ils le faisoient placer dans des appartemens peu éclairés & fort frais. Non contens de distinguer les lieux tournés au septentrion ou au midi, ils faisoient descendre les malades dans des grottes & des lieux souterreins. Ils faisoient étendre sur les planchers des feuilles & des branches de lentisque, de vignes, de grenadier, de myrthe, de saules, de pin. Ils arrosoient les chambres d’eau fraîche. Ils se servoient de soufflets & d’éventails ; en un mot, ils n’oublioient rien de ce qui peut donner de la fraîcheur à l’air. Il faut, disoient-ils, avoir plus de soin de l’air qu’on respire que des viandes qu’on mange ; parce qu’on ne mange que par intervalles, au lieu qu’on respire continuellement, & que l’air entrant sans cesse dans le corps, & pénétrant jusques dans les plus petits interstices, resserre ou relâche plus puissamment que les alimens qu’ils régloient aussi sur leurs principes ; car ils s’étoient soigneusement appliqués à distinguer les viandes & les boissons qui relâchent de celles qui resserrent.

5°. Les méthodiques, ou du moins les plus éclairés ne faisoient aucun usage des spécifiques ; ces remedes étant pour la plûpart incertains & composés d’ingrédiens, dont les malades n’usoient point dans la santé.

6°. Ils bannirent aussi de la Médecine les forts purgatifs, parce qu’ils étoient persuadés que ces remedes attaquoient l’estomac ou relâchoient le ventre, & que par conséquent en guérissant d’une maladie, ils en causoient une autre. Cependant ils ordonnoient des clysteres, mais d’une espece émolliente. Ils rejettoient les narcotiques & les cauteres ; mais ce qui distinguoit particulierement les méthodiques, c’étoit leur abstinence de trois jours qu’ils faisoient observer aux malades dans le commencement de leurs maladies.

7°. Les méthodiques n’admettant que deux genres de maladie, le genre resserré & le genre relâché, ils n’avoient besoin que de deux especes de remedes, les uns qui relâchassent & les autres qui resserrassent. C’est au choix & à l’application de ces remedes qu’ils donnoient une attention particuliere.

8°. Entre les remedes relâchans, la saignée tenoit chez eux le premier rang ; ils saignoient dans toutes les maladies qui dépendent du genre resserré, & même dans celles qu’ils comprenoient sous le genre mêlé, lorsque le resserrement prévaloit sur le relâchement.

9°. Ils faisoient grand usage des ventouses, tantôt avec scarifications, tantôt sans scarifications ; ils y joignoient les sangsues. Quant aux autres moyens de relâcher dont ils se servoient, ils consistoient en fomentations faites avec des éponges trempées dans

de l’eau tiede, & en des applications extérieures d’huile chaude & de cataplasmes émolliens, sans oublier le régime par rapport aux choses naturelles.

10°. Ils n’étoient pas moins occupés à trouver des moyens de resserrer. On a vu de quelle maniere ils s’y prenoient pour rendre l’air astringent & rafraîchissant. Ils tournoient encore à cette fin autant qu’ils le pouvoient la nourriture & les exercices.

Ce système de Médecine eut un grand nombre de défenseurs ; entr’autres Thessalus éleve de Thémison, Soranus d’Ephese, Cælius-Aurelianus, Moschion dont nous avons un traité des maladies des femmes, Vindictianus qui vécut sous l’empereur Valentinien, Théodorus, Priscianus son disciple, &c. Voyez les articles de chacun d’eux sous le mot Médecins anciens.

La secte méthodique ne finit qu’à Gariopontus, qui vivoit dans le même tems que Pierre Damien, c’est-à-dire dans le xj. siecle : mais Prosper Alpin, au commencement du xvij. siecle, fit un nouvel effort pour réssusciter le système des méthodiques, en publiant son excellent ouvrage de Medicinâ methodicâ. Baglivi écrivit ensuite sur le même sujet, & dans les mêmes vûes. Enfin Boerhaave a exposé, éclairci & augmenté ce système avec toute la profondeur de son génie, ensorte que les neuf pages in-12. que ce système occupe dans ses aphorismes, imprimés en 1709, ont été commentés dans une multitude prodigieuse de volumes.

Quoique Thémison eût fait un grand nombre de disciples, & que sa secte se soit soutenue si long-tems, cependant plusieurs de ses contemporains & de ses successeurs immédiats ne l’embrasserent point. Les uns demeurerent fermes dans le parti des dogmatiques, & continuerent de suivre Hippocrate, Hérophile, Erasistrate & Asclépiade ; les autres s’en tinrent à l’empirisme. La dissention même qui regnoit entre les méthodiques donna naissance à de nouveaux systèmes, & leur secte poussa deux branches ; savoir l’épisynthétique & l’éclectique, ainsi qu’il paroit par le livre intitulé Introduction, qui est attribué à Galien. Comme le terme épisynthétique est tiré du mot grec, qui signifie entasser ou assembler, l’on est tenté de conjecturer que les Médecins ainsi nommés réunissoient les principes des méthodiques avec ceux des empiriques & des dogmatiques, & que leur systême étoit un composé des trois autres. Le mot éclectique, qui veut dire choisissant, nous fait entendre sans peine que dans la secte éclectique on faisoit profession de choisir & d’adopter ce qu’on pensoit que les autres sectes avoient enseigné de mieux.

Le système des Pneumatiques, imaginé par Athénée & qui eut peu de partisans, consistoit à établir un cinquieme principe, qu’ils nommerent esprit, lequel recevant quelque altération, cause diverses maladies. Cette opinion théorique ne mérite pas de nous arrêter, parce que les pneumatiques ne formerent point de secte distinguée ; que d’ailleurs leur pratique étoit la même que celle des anciens Médecins, tant dogmatiques qu’empiriques ; & qu’elle s’accordoit à quelques égards avec celle des méthodiques. Si le livre de flaribus étoit véritablement d’Hippocrate, on pourroit dire que ce grand homme avoit conçu le premier le système d’Athénée. Cependant l’auteur de ce livre, quel qu’il soit, est à-coup-sûr un médecin dogmatique. Arétée, qui semble avoir admis le cinquieme principe des pneumatiques, suivit aussi généralement dans sa pratique celle des méthodiques ; lisez, je ne dis pas son article, mais ses ouvrages, ils en valent bien la peine.

Quoique Celse n’ait fondé aucune secte particuliere, il a écrit en latin de la Médecine si judicieuse-