Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alliances, de leurs jeux, de leurs fêtes, des singularités de leurs pays, des tems où ces monnoies ont été fabriquées ; mais le peuple athénien n’a pas jugé à propos de les imiter en cela, non-plus que dans l’usage de frapper des médailles en l’honneur des empereurs romains. Uniquement renfermé dans sa religion, il a négligé tout le reste dans ces sortes de monumens ; & l’on peut dire de ce qui nous est resté des medailles d’Athènes, comme des ruines de cette ville, autrefois si florissante & si belle, le théâtre de la sagesse humaine & de la valeur, & l’école publique des Sciences & des Arts,

Quid pandionæ restat nisi nomen Athenæ ! (D. J.)

Médailles de Crotone, (Art numismatiq.) Les Antiquaires ont rassemblé dans leurs cabinets plusieurs médailles curieuses de Crotone, aujourd’hui Cortona, ville du royaume de Naples dans la Calabre ultérieure. Denys d’Halicarnasse fixe la fondation de cette ville à la troisieme année de la dix-septieme olympiade, qui, selon lui, répond à la quatrieme année du regne de Numa.

M. de Boze remarque, dans l’histoire de l’académie des Inscriptions,

1o. Qu’il n’a jamais vû de médailles de Crotone qu’en argent, mais que Goltzius en rapporte une en or, à la différence de celles de Lacédémone, qui certainement sont toutes de bronze ; & à la différence de celles d’Athenes, dont on a presque un pareil nombre d’argent & de bronze, & point du tout en or.

2o. Qu’on ne trouve aucune médaille frappée par ceux de Crotone en l’honneur des empereurs romains, comme on n’en trouve point d’Athènes dans toute la suite des mêmes médailles impériales, au lieu qu’il y en a beaucoup de Lacédémone.

3o. Que, comme on reconnoît par les médailles d’Athènes que le principal culte des Athéniens s’adressoit à Jupiter & à Minerve ; & par celles de Lacédémone qu’Hercule & les Dioscures y étoient l’objet de la vénération publique, de même on voit par les médailles de Crotone qu’on y adoroit particulierement Junon, Apollon & Hercule.

Myscellus fonda Crotone après avoir consulté l’oracle d’Apollon ; & ce dieu voulut bien accorder au fondateur, ainsi qu’aux habitans, la santé & la force : c’est pour cela qu’il paroît si souvent sur les médailles de leur ville.

Le culte des Crotoniates envers Junon Lacinia, est encore marqué parfaitement sur leurs médailles. La tête de cette déesse y est presque toujours gravée, on n’y en voit pas même d’autre. On y trouve aussi des trépiés & des branches de laurier, prix ordinaires des jeux de la Grece, où les Crotoniates s’étoient signalés par un grand nombre de victoires : Hercule occupe enfin la plûpart des revers.

A l’égard d’Hercule, dont il semble qu’il s’agisse ici plus que d’aucune autre divinité, on comprend aisément qu’il devoit être dans une vénération infinie parmi des peuples si recommendables par la force naturelle. C’est Crotone qui a produit le célebre Milon, Iscomachus, Tisierate, Astyle, & tant d’autres illustres athlètes. Dans une même olympiade, dit Strabon, sept crotoniates furent couronnés aux jeux olympiques, & remporterent tous les prix du stade. Ils passoient pour des Hercules dès le berceau, & ce fut bientôt un proverbe que le plus foible d’entr’eux étoit le plus fort des Grecs. (D. J.)

Médailles de Lacédémone, (Art numis.) On est très-curieux de connoître les medailles des Lacédémoniens, les plus libres de tous les Grecs, comme l’Antiquité les appelle, & ceux du monde connu qui ont joui le plus long-tems de leurs lois & de leurs usages. Fideles à la république romaine

qui leur avoit rendu leur gouvernement après la réduction de l’Achaïe, ils surent se conserver jusqu’au bout l’estime & l’amitié de leurs vainqueurs. Sparte éleva des temples en l’honneur de Jules-César & d’Auguste, dont elle avoit reçu de nouveaux bienfaits, & ne crut point faire injure aux dieux de la Laconie en battant des monnoies au coin de plusieurs successeurs de ces princes. Le roi de France en possede qui sont frappées au nom & avec la tête d’Hadrien, d’Antonin le pieux, de Marc Aurele & de Commode. M. Vaillant en a cité une de Néron ; & quoique cet empereur ait toujours refusé d’aller à Sparte à cause de la sévérité des lois de Lycurgue, dont il n’eut pas moins de peur, dit-on, que des furies d’Athenes, cela n’empêcha pas que les Lacédémoniens ne cherchassent les moyens de lui faire leur cour lorsqu’il vint se signaler dans les jeux de la Grece. Les têtes de Castor & de Pollux, que M. Vaillant donne pour revers à la médaille de Néron qu’il avoit vûe, s’accordent parfaitement avec les autres médailles de Sparte, où il n’est question que de ces anciens rois de la Laconie, plus célebres dans les fables que dans l’Histoire.

Dans la médaille d’Hadrien, ces illustres gémeaux sont représentés à cheval la lance baissée, comme on les voit communément dans les médailles consulaires, & tels qu’ils apparurent au dictateur Posthumius dans la bataille qu’il gagna contre les Latins. La seconde médaille est d’Antonin, & ce sont les bonnets des Dioscures qui en font les revers. L’antiquité les représentoit avec des bonnets, parce que les Lacédémoniens alloient au combat la tête couverte de cette espece de casque. Apileatis nona fratribus pila, dit Catule, en parlant de Castor & de Pollux. La médaille de Marc Aurele regarde encore les Dioscures ; ils y sont représentés de bout sous la figure de deux jeunes hommes de même âge, de même taille, de même air, & d’une parfaite ressemblance. Une de leurs médailles représente Commode dans la fleur de sa jeunesse ; la massue qui est au revers entre deux bonnets étoilés, fait voir qu’Hercule étoit revéré dans la Laconie avec les Dioscures. Dans une autre médaille de Commode, Minerve ou Vénus y paroit sur le revers armée de toutes pieces, & assez semblable au dieu Mars.

Après Commode on ne trouve plus rien de Lacédémone dans les médailles des empereurs de Rome : à peine l’histoire des siecles suivans parle-t-elle de cette ville, encore si florissante sous les Antonins. Hercule est la divinité dominante dans la plûpart des médailles purement lacédémoniennes, c’est-à-dire dans celles où les Romains n’ont aucune part, soit qu’elles aient été frappées du tems de la république, ou depuis l’établissement de l’empire.

On vient de dire qu’Hercule partageoit avec Castor & Pollux l’encens des Lacédémoniens, & c’étoit à bon titre qu’il entroit dans ce partage. Il avoit rendu de grands services à la Laconie ; ses descendans y regnerent successivement depuis leur retour dans le Péloponnese, & les Lacédémoniens s’étoient fait une religion de n’obéir qu’à des rois de la postérité d’Hercule. Ainsi ce héros pouvoit encore prétendre aux honneurs de leurs monnoies aussi-bien que les Dioscures. Il y a une médaille de Lacédémone qui représente ce dieu d’un côté avec la coëffure de peau de lion, & de l’autre, deux vases entourés de deux serpens ; ce qui se rapporte assez naturellement au premier de ses travaux, & à ces vases que l’antiquité lui avoit particulierement consacrés.

Goltzius rapporte deux médailles de deux anciens rois de Lacédémone, Agésilaüs & Polydore ; mais les couronnes de laurier qu’il donne à ces rois ne leur conviennent point du tout, & le reste est encore plus suspect. Ainsi ne comptons que sur les mé-