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celles que nous avons des seuls rois de Syrie, d’Egypte, & de Macédoine, forment de belles & nombreuses suites. Le roi de France, en particulier, en a une collection des plus complettes & des mieux choisies, qui mériteroit d’être publiée. En un mot, la quantité des médailles greques est si considérable, qu’il faudroit la séparer des médailles latines, & donner à chacune leur propre suite, au-lieu de joindre aux latines les greques du même volume. On imiteroit en cela les bibliothécaires, qui séparent l’histoire greque de l’histoire romaine. De plus, en leur donnant des tablettes séparées, on les démêleroit commodément sans avoir souvent inutilement un grand nombre de planches à tirer.

Au reste, il est vraissemblable que l’usage de frapper les médailles greques avec la tête des empereurs, vint à cesser sous Dioclétien & Maximien.

Je n’ajoute qu’un mot sur les caracteres grecs : ils sont composés de lettres qu’on appelle majuscules ; ils se sont conservés uniformes sur toutes les médailles, sans qu’il y paroisse presque aucune altération ni aucun changement dans la conformation des caracteres, quoiqu’il y en ait eu dans l’usage & dans la prononciation. Il n’y a que la lettre Σ, qui n’a pu se conserver que jusqu’à Domitien ; car depuis ce tems-là on la voit constamment changée en Ϲ ou en soit au commencement, au milieu, ou à la fin des mots. L’on trouve aussi Ζ & Ξ marqué  ; le Π par , & le Γ par Ϲ ; l’Ω par ω . On trouve pareillement un mélange de latin & de grec, non-seulement dans le bas empire, où la barbarie regnoit, mais même dans les colonies du haut empire. S. R. F. lettres latines, se trouvent pour le Ϲ. Ρ. φ. grec. M. de Spanheim en donne les exemples.

Il faut donc bien prendre garde à ne pas condamner aisément les médailles, à cause de quelques lettres mises les unes pour les autres ; car c’est être novice dans le métier, que de ne pas savoir que souvent on a mis Ε pour Η, ΑΘΕΝΑΙων ; Ο pour Ω, ΗΡΟς ; Η en forme de pure aspiration, ΗΙΜΕΡΑΙων ; Ζ pour Σ, ΖΜΥΡΝΑΙΩΝ, & Σ pour Ζ, ΣΕΥϹ, ou même ΣΔΕΥϹ pour ΖΕΥϹ ; Α pour Ω à la fin des noms de peuple, ΑΡΟΛΩΛΝΙΑΤΑΝ, ΚΥΔΟΝΙΑΤΑΝ, pour ΤΩΝ, & quelques autres semblables de dialecte dorique.

Le caractere grec s’est conservé dans sa beauté jusqu’à Gallien, depuis lequel tems il paroît moins rond & plus affamé, sur-tout dans les médailles frappées en Egypte, où le grec étoit moins cultivé.

Médailles impériales, (Art numismat.) Nous avons remarqué, au mot médaille, qu’on faisoit deux classes des médailles impériales, que la premiere contenoit le haut empire, & la seconde le bas empire. Le curieux ne recherche que les médailles du haut empire, parce qu’il n’estime que les beautés de la gravure antique ; mais l’homme studieux qui ne travaille qu’à s’instruire & à perfectionner ses connoissances, rassemble également les médailles de l’un & de l’autre empire.

Il est vrai que les médailles impériales, frappées après le regne de Caracalla, & après celui de Macrin son successeur, qui ne lui survécut que deux ans, sont très-inférieures à celles qui furent frappées sous les trente premiers empereurs. Après Gordien-Pie, elles dégénérerent encore plus sensiblement, & sous Gallien, qui regnoit cinquante ans après Caracalla, elles n’étoient qu’une vilaine monnoie. Il n’y a plus ni goût ni dessein dans leur gravure, ni entente dans leur fabrication. Comme ces médailles présentoient une monnoie destinée à flatter le prince, sous le regne de qui on les frappoit, & à servir dans le commerce, on peut bien croire que les Romains, aussi jaloux de leur mémoire qu’aucun autre peuple, employoient à les faire les ouvriers les plus habiles qu’ils pussent trouver ; il est donc

raisonnable de juger par la beauté des médailles, de l’état où étoit la gravure sous chaque empereur.

Mais mettant à part la gravure des médailles impériales, on peut en former les suites de plusieurs manieres différentes : nous en indiquerons quatre.

1°. On peut se contenter de faire entrer dans une suite, les médailles qu’on appelle communément du haut empire, c’est-à-dire depuis Jules-César jusqu’à Posthume, suivant le plan qu’a suivi M. Vaillant dans ses numismata præstantiora : 2°. on peut continuer cette suite jusqu’à Constantin : 3°. ceux qui voudront la pousser jusqu’à la chûte de l’empire d’Occident, y feront entrer toutes les médailles jusqu’à Augustule : 4°. si on est bien-aise de ramasser des médailles de tous les empereurs sans exception, quoiqu’on ne puisse pas se flatter de jamais y réussir ; on peut se proposer pour but de la conduire jusqu’à Constantin Paléologue, sous lequel Constantinople fut prise par les Turcs.

Chacune de ces suites paroîtra faite suivant un ordre systématique, & quoiqu’on mette ordinairement au rang des modernes, les monnoies des princes qui ont vécu après Charlemagne, & même celles de nos premiers rois ; on peut cependant regarder comme antiques celles des empereurs de Constantinople, qui ont regné depuis cette époque, parce qu’elles achevent de rendre complette une suite impériale, commencée par le véritable antique. D’ailleurs, comme ces princes ont regné dans un pays assez éloigné du notre, la distance de lieu fait à peu près le même effet que la distance de tems, & supplée en quelque façon ce qu’on a coûtume d’exiger pour donner à quelques monumens le titre d’antique. (D. J.)

Médailles romaines, (Art numismat.) On appelle médailles romaines, ou latines, les médailles frappées sous les rois de Rome, la république & les empereurs. On les divise en consulaires & en impériales ; & parmi ces dernieres on distingue celles du haut & du bas empire.

Comme les médailles étoient une monnoie destinée autant à flatter le prince qu’à servir dans le commerce, on peut croire que les Romains employerent à les faire leurs ouvriers les plus habiles ; ainsi par la beauté des médailles romaines, on peut juger de l’état où étoit la gravure sous chaque empereur. Celles qui furent frappées après le regne de Caracala & de Macrin, sont très-inférieures à celles qui furent frappées sous les trente premiers empereurs. Elles dégénérerent sensiblement sous Gordien Pie, & sous Gallien elles n’avoient ni goût ni dessein dans la gravure. Depuis Constantin jusqu’à Théodose c’est bien pis, on ne trouve que de petites médailles sans relief & sans épaisseur ; enfin après la mort de Théodose ce n’est plus que de la vilaine monnoie, dont le tout est barbare, les caracteres, la langue, le type, la légende ; de sorte qu’on ne se donne pas même la peine de les ramasser, & qu’elles sont devenues par-là presque aussi rares qu’elles sont laides.

Vers le tems de Dèce on commence déjà à appercevoir de l’altération dans le caractere, les N étant faites comme des M, ainsi qu’on peut le voir dans le revers Pannonia, & autres semblables. Ce qu’il y a de particulier, c’est que quelque tems après le caractere se rétablit, & demeura passable jusqu’à Justin. Alors il commença à s’altérer de nouveau, pour tomber enfin dans la derniere barbarie, trois siecles après le regne de Constantin.

Il faut cependant avertir ici un jeune curieux, de ne pas prendre pour des fautes d’ortographe, l’ancienne maniere d’écrire que les médailles latines nous conservent, & de ne pas se scandaliser de voir V pour B, Danuvius ; O pour V, Volcanus, Divos ;