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faut observer qu’il vivoit dans un siecle où personne ne lui pouvoit encore servir de guide. Mais en échange, M. Vaillant a excellé dans ses Explications des médailles rares en général, & dans l’exposition de la rareté de chacune en particulier. Tous les Antiquaires possedent l’ouvrage dont nous parlons : Numismata imperatorun romanorum præstantiora, à Julio cæsare ad posthumum & tyrannos, per Joann. Foi-Vaillant, &c. tom. I. De romanis æreis senatus-consulto percussis, &c. cui accessit series numismatum maximi moduli nondum observata. tom. II. De aureis & argenteis, &c. Paris, 1692, in 4°. Il faut aussi avoir la premiere édition de cet ouvrage, Paris, 1682 ; parce qu’on y a marqué le cabinet où se trouvoit chacune des médailles qui y sont décrites : & de-plus, les posthumes d’or & d’argent ont été obmis dans la seconde édition.

M. Baudelet, dans son livre de l’Utilité des voyages, s’est aussi donné la peine d’y marquer les médailles rares, par rapport à la tête. Enfin, on en trouve un grand nombre qui sont expliquées dans le Recueil de l’acad. des belles lettres.

En indiquant ces livres profonds sur la science des médailles, j’allois presqu’oublier d’en nommer quelques-uns, qui sont propres à y introduire un nouveau curieux, & à lui en donner une connoissance générale. Il peut donc commencer sa carriere par le Discours d’Énée Vico sur les médailles, imprimé à Rome en 1555 ; ou plutôt par les Dialogues d’Antonius Augustinus, qui sont comme autant de leçons capables de l’éclairer.

Le livre de l’archevêque de Tarragone est intitulé : Dialogos dè medallas, inscriciones, y otras antiquidades en Tarragona, per Félipe Mey, 1587. C’est un petit in 4°. de 470 pages, avec 26 Planches de médailles, dont les deux premieres sont ordinairement placées à la tête du premier dialogue, & les 24 autres avant le dialogue suivant. Cette édition, d’ailleurs très-bien imprimée, est devenue très-rare, & on l’a vue vendre juqu’a trente pistoles. L’ouvrage d’Antoine Augustin a été traduit deux fois en italien. La premiere de ces traductions, imprimée à Venise, in-4°. est assez conforme à l’édition espagnole. La seconde dont l’auteur s’appelloit Ottaviano Sada, est de Rome, 592, in-fol. Le traducteur y a joint quelques observations, & une dissertation de Lælio Paschalini sur les médailles de Constantin, qu’il a insérée dans le premier dialogue. Les médailles y sont placées dans le corps de l’ouvrage, aux endroits où il en fait mention ; on y a même ajouté celles qui y sont expliquées, & qu’on n’avoit pas fait graver dans l’édition espagnole. Mais il auroit été à souhaiter que les desseins eussent été plus exacts. & les gravures plus belles. Enfin, le P. André Schott traduisit ces dialogues en latin, & les fit imprimer à Anvers en 1617, in-fol, avec fig.

Le même curieux trouvera dans le Trésor de Goltzius, l’intelligence des abréviations les plus ordinaires, sans quoi l’on ne peut rien connoître aux légendes ; il y verra les noms & les prénoms des empereurs, des charges & des magistratures, qui ne se trouvent qu’en abrégé sur les médailles. S’il veut un plus grand répertoir, Ursatus le lui fournira. Le livre de ce dernier auteur est intitulé, Sertorii Ursati de Notis Romanorum Commentarius, Patavii, 1672, in-fol.

Mais la Science des médailles, du P. Louis Jobert jésuite, me paroît être, en petit, le meilleur livre qu’on ait jusqu’à présent, pour rendre l’étude de ces monumens antiques plus facile, plus utile, & plus agréable. La derniere édition est à Paris 1739, 2 vol. in-12. avec fig.

Quant à ceux qui desireront de connoître ou de se procurer tous les auteurs qui ont écrit sur l’art numismatique, je ne puis rien faire de mieux, que de les renvoyer à la Bibliotheca nummaria, du P. Banduri, imprimée à Hambourg en 1719, in-4°. avec les Notes de Fabricius ; car depuis ce tems-là, à-peine a-t-il paru dix livres un peu considérables sur les médailles.

Observations générales sur les médailles, & sur leur étude. La publication de tant d’ouvrages sur l’art numismatique, & la description d’une infinité de cabinets, ont fait dans cette science, ce que fait l’expérience dans les arts. Les arts ne se sont perfectionnés que par les diverses observations de ceux qui ont su profiter de ce que l’usage leur avoit appris ; mais dans la science des médailles on a voulu trop tôt établir des principes indubitables, que les moins habiles ont détruits en un moment, par la seule vûe de quelques médailles que le hasard leur a fait tomber entre les mains.

Ainsi la croyance du siecle passé, que l’on n’avoit aucun véritable Othon de bronze, est aujourd’hui entierement effacée par la quantité des Othons de ce métal qui se trouvent dans les cabinets, & dont on n’oseroit disputer l’antiquité, d’autant plus qu’ils nous sont venus de l’Orient.

Ainsi, pour réfuter celui qui a dit, qu’on ne donnoit la couronne de laurier qu’aux Augustes, & jamais aux Césars ; il n’y a qu’à voir le médaillon de Maxime Γ. ΙΟΥ. ΜΑΞΙΜΟϹ ΚΑΙϹΑΡ, où il a la couronne de laurier, avec la qualité de César, sans parler du bas empire où Crispus César est couronné de laurier.

On a encore avancé deux maximes comme constantes, au sujet des fleuves qu’on voit très-souvent sur les revers des médailles. La premiere, que les fleuves étant ordinairement représentés par des figures couchées à terre ; on ne mettoit debout que ceux qui portoient leurs eaux dans celui qui étoit couché. La seconde, que si l’on trouvoit un fleuve représenté sans barbe, il falloit conclure que ce n’étoit qu’une petite riviere qui n’étoit point navigable. Cependant voici trois médailles qui prouvent la fausseté de ces principes. 1°. Une médaille de Gordien III ; elle porte au revers le Méandre & le Marsyas, tous deux couchés par-terre, quoique le Marsyas se jette dans le Méandre. 2°. Une médaille de Philippe, où ces deux mêmes fleuves sont sans barbe, quoique le Méandre soit assurément très-navigable, au rapport de Strabon. 3°. Une médaille d’Antonin Pie, Τιανων, où l’on voit le Billœus & le Sardo, tous deux de-bout : & l’on sait que le second se décharge dans le premier.

Cependant, quoiqu’il y ait peu de maximes qui ne souffrent des exceptions, il seroit dangereux de n’en vouloir jamais admettre aucune. Observons seulement, qu’elles soient toujours fondées en nécessité ou en raison, & qu’elles fassent plier la regle à leur objet, sans la détruire sur les autres points, où elle peut avoir son application.

C’est, par exemple, une maxime généralement adoptée par les antiquaires, que ce que nous appellons médailles, les romaines sur-tout, étoient originairement la monnoie courante ; & ils en donnent une bonne preuve. On trouve tous les jours, disent-ils, une prodigieuse quantité de ces médailles cachées, dans la terre, comme autant de trésors particuliers qu’on vouloit mettre à couvert de l’incursion & de l’avidité des Barbares. Et lorsque ces petits trésors forment jamais des suites de médailles plus ou moins completes, ou qu’ils soient tous composés de différens revers ; ils ne consistent